31.3 - Le piège

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— C’est fort possible, répondit la magicienne qui baissa la tête.

— Dans ce cas, le vrai Troyd court toujours… dit Shayne, les poings et les dents serrés. Il n’est même pas fichu de combattre à la loyale ! Sale lâche ! Là, trop c’est trop ! Je vais me taper cette ordure comme repas, ce soir et je vais l’expédier en enfer !

Le Général Wolfe montra ses canines et jeta un coup d’œil dans la direction où Narcissa et son groupe s’étaient enfuis. Il était sur le point d’abandonner son équipe quand Daichi mit une main sur son épaule, puis secoua sa tête négativement.

— Non, Shayne, fit l’ancien chef des Rebelles. Pas maintenant. Tuer le véritable Troyd ne ramènera pas ceux et celles qui ont sacrifié leurs vies pour notre nation…

— Il s’est joué de nous ! grogna le vampire. Je vais le décapiter, le mordre, le dévorer… Je vais en faire de la pâtée pour chiens ! JE VAIS LE TUER !

— Du calme, Shayne !

C’était la première fois depuis des lustres que Cassandra et Luna voyaient leur collègue de travail aussi furieux. La louve avait les mêmes pensées que celui-ci, mais savait qu’elle courrait un grave danger si elle s’éloignerait des autres.

— Que vais-je faire sans partenaire, maintenant ? dit-elle, en sanglots. Ma mission était de rallier les protecteurs ensembles après t’avoir trouvé, Nash… C’est ce que j’ai fait durant ces derniers mois… Mais maintenant que tu n’es plus là, quel est mon objectif ?! Comment vais-je remplir ma tâche envers la déesse si tu n’es plus là pour nous aider… ? Je suis consciente que j’ai mes propres pouvoirs pour me protéger, mais sans toi, ça ne sera plus pareil. Je n’aurai plus personne pour veiller sur mes arrières…

L’elfe caressait la tête de Dia. En dépit de son chagrin d’avoir perdu Nash, elle comprenait parfaitement la détresse de l’animal.

— Nous allons prendre soin de toi, Dia, dit-elle. Shayne et moi, nous sommes compatibles avec les esprits élémentaires, donc il est fort possible que l’un de nous puisse s’occuper de toi.

— Je le déconseille, dit Windy. Avoir en possession plus deux esprits élémentaires pourrait se révéler catastrophique pour vous. Vous pourriez être tué sur le champ en essayant de nous manipuler en même temps. Le commun des mortels n’est pas supposé d’avoir autant de pouvoir pour soi.

— Alors, que devons-nous faire ? demanda le vampire.

— Attendre qu’Athéna se manifeste dans les rêves de Dia et de son prochain porteur, déclara la panthère noire. Quelqu’un finira bien par prendre la relève.

Luna soupira et haussa les épaules.

— Tout ceci est trop morbide, dit celle-ci, dégoûtée. Nous devrions enterrer les corps, il y en a trop à transporter. Nous en avons pour toute la nuit.

— Un peu de respect pour les défunts, je t’en prie, dit Cassandra qui avait remarqué le changement de ton dans les paroles de son amie.

— J’ai assez pleuré ! Si je devais me remettre à penser à tout ça, je ne m’en remettrai jamais ! Nash ne voudrait pas qu’on arrête de vivre pour lui ! Alors maintenant, trouvez-moi une pelle que j’enterre notre capi… notre ami !

— Ça ne sera pas nécessaire, dit Daichi. Contentons-nous de rassembler les corps et demandons aux mages de les entourer avec de la terre. Nous ferons venir le prêtre de Kritz demain pour bénir les âmes perdues.

Luna avala sa salive. Même si elle essayait d’être forte, elle réalisait malgré tout qu’elle n’était pas maîtresse de ses sentiments. Elle prit donc l’une des mains de Nash et pleura, puis enfuit son visage dans cette dernière. Elle était déjà froide. Cassandra serra son amie dans ses bras, toutes deux en avait besoin.

— Tu… tu m’as sauvé à Kritz… hoqueta la magicienne au corps inanimé de Nash. Je me voyais vivre longtemps avec toi à mes côtés, comme un grand frère… Tu étais si brave, si intelligent… Tu m’as offert un toit et à manger alors que je n’étais qu’une simple orpheline… Pourquoi fallait-il que tu meurs ainsi ?! POURQUOI, fallait-il que tu m’abandonnes toi aussi ?!

L’adolescente s’effondra alors contre le ventre de son gardien pour qui elle ressentait beaucoup de respect et d’affection. Elle l’avait considéré comme de la famille, jusque-là et il l’avait toujours traitée avec le plus grand des respects. Elle réalisait que son tempérament d’adolescente en pleine ébullition n’était pas favorable à cet instant, mais il lui prenait l’envie de mettre à feux et à sangs tout ce qui l’entourait. Cette mort avait été pour elle la pire chose qui lui soit arrivée de toute sa vie.

Cassandra de son côté regrettait de ne pas avoir passé plus de temps avec Nash, pour qui elle avait commencé à développer des sentiments affectifs. Il avait été un être si généreux, si chaleureux, malgré ses imperfections. Windy comprenait, malgré tout, pourquoi sa porteuse se sentait confuse et dévastée avec ce qui venait de se produire sous leurs yeux.

— Ce n’est pas de ta faute, Cassandra ! Tes sorts sont magnifiques, mais nous ne pouvions pas prévoir de perdre l’un des nôtres, dit la crécerelle qui essayait de réconforter la guérisseuse, chagrinée.

À tour de rôle, Luna, Cassandra, Dia, Shayne et quelques soldats qui s’étaient rassemblés autour du capitaine de la Septième Brigade vinrent rendre un dernier hommage à celui-ci. Ils dirent tous des prières ou bien lui disaient simplement « adieu ». Ils étaient nombreux.

La louve était émue de voir que plusieurs de ces hommes et ces femmes étaient reconnaissants des services de son partenaire ; cela allégea sa douleur. Néanmoins, elle se sentait comme si pour elle c’était la fin du monde. Cassandra, Luna et elle restèrent près du corps immobile de Nash pendant une bonne partie de la nuit, à pleurer ce tragique incident. Elles étaient toutes à bout de forces.

Les heures qui suivirent furent pénibles pour tout le monde. Les survivants avaient comme tâche de rassembler les cadavres et de tous les empiler les uns sur les autres, formant un tumulus. Par la suite, les mages qui avaient survécu à cette attaque lancèrent des sorts au sol afin de soulever des pierres et de la bouette au-dessus des corps. Bientôt, ils disparurent sous la terre la plus noire qui soit. Par-dessus celle-ci, on avait planté toutes les armes et boucliers des défunts, dans le but de définir cet endroit comme un cimetière de guerre. Un jour, peut-être, cet endroit serait recouvert de fleurs et de plantes. Au sommet de la butte, on planta une grosse croix improvisée avec des bâtons de sorciers qui étaient morts au combat.

Le soleil commençait déjà à se lever, alors que deux brigadiers revenaient de Kritz avec le prêtre. Du groupe des mille représentants partis de la capitale, il n’en restait plus que quatre-cent-soixante-dix-sept. Une bonne partie d’entre eux étaient amputés ou étaient à peine en état de marcher, mais les plus chanceux apportaient leur soutien aux plus faibles. Le religieux fit donc quelques prières alors qu’il circulait autour de la butte, sans oublier de jeter de l’eau bénite sur ces terres noires. Il récita les paroles d’Athéna. Le reste du groupe écoutait le tout en silence et priait pour les âmes de leurs camarades ; Cassandra, de son côté, pria les esprits pour leur apporter un peu de paix.

Comme l’avait expliquée Windy un peu plus tôt, la guerre contre le culte ne faisait que commencer. Il faudrait pour sa fratrie, redoubler de prudence. Elle souhaitait ne plus jamais revivre un drame de ce genre…

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