35.4 - La débrouillardise de Luna

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— Il se pourrait bien qu’elle n’ait pas été tuée par un humain mais une créature, expliqua le plus vieux des coroners. Il lui manque quelques organes ainsi que plusieurs osselets. Son abdomen a été déchiqueté, puis mutilé, on peut voir que ses os rongés jusqu’à la moelle. Celui qui a tué votre amie n’était pas humain.

Un frisson parcourut la magicienne. Elle pensa que les dernières heures de la guerrière avaient été en compagnie d’un monstre mangeur de chair. N’y avait-il pas un moyen de comprendre qui était derrière tout ça ? Elle connaissait quelques sorts qui lui auraient permis de lire le passé de cette dépouille, mais elle n’en avait pas la force. Elle se sentait impuissante face à la mort. Tout ce qu’elle voyait devant elle, c’était ces messieurs, ces deux croque-morts qui ne lui inspiraient pas du tout confiance… Ils étaient perchés sur son amie comme des vautours, fascinés par ce meurtre.

Elle ferma les yeux un moment, puis s’imagina en compagnie de Misaki, en train de rigoler et de faire des blagues inappropriées alors que leur bon vieux capitaine les sermonnait. Puis, dans l’imagination de Luna, la guerrière n’en faisait qu’à sa tête et causait les râlements de son supérieur. L’adolescente sourit et pensa que les vrais Nash et Misaki auraient réagi ainsi… Ils n’étaient pas des cadavres pour elle. Ils étaient vivants dans sa tête, elle refusait de les laisser partir.

Elle se leva, puis s’approcha de la table. La tête de la guerrière était intacte, à part quelques plaques et les sécrétions qui sortaient en bas de sa nuque tranchée, probablement par des griffes. Luna posa l’une de ses mains dans la chevelure de Misaki, bien que le plus vieux des Fawkes insista pour qu’elle se tienne loin.

Ce fut à ce moment que la magicienne ressentit un malaise.

Il y a quelque chose de louche avec ce corps, se dit-elle. Il manque un léger détail…

Les yeux de Misaki avaient été dévorés par le monstre, mais ce n’était pas cela qui préoccupait la magicienne. Les cheveux étaient moins pâles que d’habitude. Serait-ce à cause du sang qui aurait taché ces derniers ? Elle l’ignorait. Mais les véritables cheveux de Misaki étaient argentés, tirant à la blancheur de la neige. Ceux-là semblaient légèrement dorés.

Elle ramassa une touffe de cheveux qu’elle examina de plus près. Elle constata qu’ils étaient teints. La peau du cadavre était légèrement enflée, la coupe de cheveux était similaire à celle de l’albinos… Ce n’était pas elle.

— Ce n’est pas Misaki ! confirma Luna, énervée.

— Comment ?! demanda l’un des Fawkes.

— C’est un imposteur ! La vraie Misaki est toujours vivante ! Vous n’avez pas remarqué ses cheveux ?! Ils sont colorés ! La vraie Misaki ne se teint jamais les cheveux ! Ils sont naturellement blancs !

— Hein ?! Où voulez-vous en venir ?! fit le plus jeune des coroners.

— J’aurai dû m’en douter, cette victime n’est pas une albinos. Misaki est l’une des rares personnes dans cette république qui vit avec ces traits, elle a la peau plus pâle normalement, ses cheveux n’ont aucune coloration – mais ça, je l’ai déjà dit – et ses yeux sont rouges ! Ce n’est pas Misaki ! C’est un imposteur qu’on a tué et qu’on a déguisé afin de nous faire penser que notre amie était belle et bien morte !

Luna frotta le visage du cadavre, malgré le fait qu’elle se sentait sur le point de vomir, puis montra le bout de ses doigts aux deux hommes, perchés sur le corps de la demoiselle.

— Vous voyez cette poudre ? dit-elle. Ils se sont servis de ça pour la colorer !

L’aîné lâcha ses pinces, puis essuya son front ruisselant de sueurs. La magicienne avait raison. Ce corps n’appartenait pas à celui de la guerrière. Mais son travail devait quand même continuer, il devait découvrir les origines de cette pauvre victime et comment on l’avait tuée.

Rayonnante, Luna examina le corps de la demoiselle qu’elle avait crût être Misaki pendant un moment, puis fit une prière à Athéna afin de lui remercier de lui avoir permis de résoudre ce mystère. Ensuite, elle demanda à la déesse de veiller sur cette pauvre femme qui avait été assassinée.

Quelques secondes plus tard, elle salua les Fawkes, sortit rapidement du salon funéraire et courut à pleine vitesse en direction du palais présidentiel ; elle hurla à qui voulait l’entendre que Misaki Megumi était toujours vivante.

— Benny, dit le cadet des Fawkes. Je crois que nous devrions l’engager celle-là. Elle pourrait nous faciliter la tâche, tu ne crois pas ? Avec un sens aiguisé comme le sien, nous pourrions rapidement élucider quelques mystères… Déjà que nous avons Mademoiselle Appleseed comme nouvelle enquêteuse de la ville, avoir la petite Luna avec nous pourrait nous permettre d’améliorer nos recherches.

Benny haussa les épaules et se dirigea vers la porte d’entrée pour la fermer. Luna l’avait laissée grande-ouverte. Cassandra avait un fin sens de l’observation et était venu les aider plusieurs fois après la mort de Monsieur Doyle, mais le croque-mort se dit qu’elle devait être très occupée avec ses autres tâches de brigadière. Il passa l’une de ses mains dans sa barbe et réfléchit. Pendant qu’il renfilait ses gants de travail, il sentit les yeux de son frère se poser sur lui, comme s’il s’attendait à une réponse.

— Théo, je sais bien que tu veux me rendre service puisque tu es moins expérimenté que moi, mais notre salle de travail n’est pas assez grande pour que nous y mettions deux coroners supplémentaires. C’est à peine si nous avons assez de place pour y mettre un corps. Il nous faudrait agrandir l’immeuble… mais nous n’avons pas les moyens de nous le permettre.

Le plus jeune des deux frères approuva d’un signe de tête. Benny, avait raison. Ils n’étaient pas les hommes les plus riches de la capitale. Ils ne pouvaient donc pas se permettre des luxes et ne pouvaient engager personne à moins que ça soit des bénévoles. Ils étaient à la fois coroners et assistants funéraires ; ils mériteraient tous deux une augmentation de salaire de la part du Conseil. Hélas, l’économie actuelle de la république affectait tout le monde.

— En tout cas, déclara Benny. Si la petite dit vrai et que l’ennemi s’est joué de nous tous, nous sommes dans de beaux draps…

— On sait déjà que c’est lié à la secte, de toute façon.

— Reste plus qu’à trouver la véritable Misaki.

— Ça c’est une tâche pour les brigadiers. On a déjà ce corps à examiner, puis incinérer… On organisera des funérailles, s’il le faut.

— Nous devrions quand même chercher à savoir qui est la famille de cette pauvre victime avant de prendre une telle décision.

Théo approuva cette idée, puis retourna son attention au cadavre.

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