40.1 - De la poudre aux yeux

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Quelques instants avant le départ de Flint de la capitale pour se rendre à la tombe de son oncle, le groupe de Serenity sortait par la porte ouest de la ville. Derek était en tête du groupe alors que la demoiselle ailée consultait une carte qu’elle avait achetée au marché avant leur départ. Celle-ci avait été mise à jour par les aventuriers spécialisés en exploration. Certaines ruines avaient été découvertes au sud de la province et d’anciennes villes avaient été reconstruites grâce aux ordres du Conseil. Ces cartes étaient donc vendues un peu partout depuis quelque temps, ce qui faisait le bonheur des voyageurs ou bien brigadiers qui travaillaient sur la route.

Lusso s’était avachi sur l’épaule droite de Serenity et somnolait. Il n’aimait guère se retrouver loin de sa nouvelle porteuse et ce genre de mission l’ennuyait. Elle ne faisait que commencer et il trouvait déjà que ça manquait d’action. Avant de rencontrer la guerrière enceinte, Lusso avait l’habitude de provoquer des créatures sauvages en duels et de s’entraîner quotidiennement. Une simple mission d’escorte n’était pas si fascinante à ses yeux, il aurait aimé combattre.

— On baye aux corneilles, frangin ? demanda Windy à l’attention du chien de prairie. Reste aux aguets, veux-tu ?

— C’est à peine si j’ai fermé l’œil et tu me donnes déjà des ordres… bouda le petit animal. Tu n’as pas changé, oiseau de malheur.

Windy secoua la tête et cligna des yeux.

— Il a toujours eu la réputation d’être un gros paresseux, dit-elle au reste du groupe. Par contre, si nous devions faire face à un combat, vous pouvez être garanti qu’il va se montrer plus enthousiaste. Il aime se battre.

Cela faisait rire Cassandra, Gabriel et Luna, mais pas le chien de prairie qui dévisagea sa sœur élémentaire durant un court moment.

Derek était silencieux, il entendait ce qui se disait derrière lui tout alors qu’il conduisait le groupe à travers la grande route. Il avait l’esprit ailleurs car il pensait à sa mère et sa sœur dont il n’avait pas reçu de nouvelles depuis leur dernière lettre. Elles s’étaient installées à la capitale de Lanartis pour y ouvrir une boutique de fleurs et parfums. Après ça, elles ne lui avaient plus écrit quoi que ce soit. Il avait des oncles et des tantes qui vivaient à Baldt, mais il ne s’était jamais sentit proche d’eux. Il se dit qu’il aurait pu améliorer ses relations avec les brigadiers, mais rien à faire.

Derek était de nature introvertie. Il était rare qu’il ait quelque chose à dire, sauf si c’était important ou bien nécessaire pour certains objectifs. Il avait remarqué qu’il semblait partager ce genre de personnalité avec le maître d’arme, Shayne Wolfe qui était tout aussi tranquille que lui. Derek avait passé les derniers mois à s’entraîner avec le vampire qui n’avait pas chômé à lui apprendre comment se servir d’une arme et à contre attaquer ses adversaires. D’après le général, il était bon, mais manquait de pratique et devrait s’entraîner durement s’il voulait un jour surpasser les membres de son équipe. Il se sentait un peu comme un fardeau ou bien le bouffon de service.

Peut-être ne suis-je pas fait pour la vie de guerrier, après tout, se dit-il.

Il avait consulté Artael qui avait eu la gentillesse de lui apprendre quelques sorts offensifs et de soins mineurs ; il semblerait qu’il se débrouille mieux à manier la magie qu’à utiliser une arme. Le jeune brigadier n’arrivait pas à maîtriser le vent, la lumière et les ténèbres, mais n’avait aucun problème avec le feu, l’eau, et la terre. D’après le président, Derek avait le potentiel de développer de meilleurs techniques s’il décidait de suivre cette voie. Il avait besoin de réfléchir à son avenir dans la république. Deviendrait-il un guerrier accompli ou bien un mage redoutable ? Peut-être que s’il rejoignait les mages, il arriverait à attirer l’attention de la belle Luna…

Concentre-toi ! Derek, se dit-il. Il faut emmener ton groupe à Doylesbourg !

Le colosse s’approcha de lui. Derek était plus court de deux têtes. Celui-ci sursauta quand il le vit apparaître à côté de lui, nerveux en sa présence.

— Du calme, Derek, dit Gabriel. On a quitté la capitale assez vite… Tu n’as pas encore pris ton déjeuner, pas vrai ?

— C’est que… marmonna le guide. Mouais… J’ai oublié de manger.

— Alors tiens.

— Euh… merci.

— Pas de quoi, dit Gabriel avant de lui tendre une baguette de pain qu’il venait de sortir de son sac de voyage. J’ai une gourde d’eau supplémentaire si t’en veux.

Le jeune homme ramassa la baguette en question, nerveusement et sur ses lèvres se formèrent un sourire maladroit. Le gros barbu comprit qu’il ne fallait pas le déranger. Leur nouvelle recrue avait besoin d’espace.

— On ne va pas te dévorer, tu sais ? mentionna le guerrier. Surtout pas moi, je ne suis pas un cannibale, même si j’ai l’air d’un ogre.

— Je sais, répondit le jeune homme. Merci pour la baguette.

— Allons, relaxe...

Gabriel posa une main amicale sur l’épaule de Derek.

Le plus petit brigadier hocha la tête face à cet homme imposant qui lui faisait peur, mais qui malgré tout le rassurait par son amabilité. Il était au courant que Flint et lui étaient mariés depuis février dernier et lui arrivait parfois d’oublier qu’ils formaient un couple parce qu’il ne passait pas assez de temps avec eux.

Les ancêtres des Doyle avaient autrefois vécu à Mytira, où les gens pratiquaient une toute autre religion que celle des croyants d’Athéna. Là-bas, on croyait en Poséidon, le Dieu de la Mer. Les enseignements Mytiriens sur cette religion s’étaient répandus aux quatre coins de la planète et plusieurs Doyle, qui y vivaient autrefois, avaient déménagé à Lanartis, quelques siècles plus tôt.

Auparavant, sa famille avait plusieurs prêtres et prêtresses, mais ils avaient fini par suivre de nouvelles vocations au fil des générations. La descendance de ces derniers avait fini par s’installer dans la république de Baldt, à sa création. Bien des années plus tard, Marcus Doyle s’était marié à l’église d’Athéna, même s’il servait Poséidon. Il avait promis de ne jamais nuire à son épouse qui était née dans une famille athénienne. Il était coutume dans la république et en Lanartis de permettre les mariages interreligieux, du moment que personne n’empiète sur la foi des autres croyants ou ne force qui que ce soit à se convertir.

Durant son adolescence, Derek avait une fois surpris son père qui avait espionné Flint et Gabriel alors que ces derniers s’étaient promenés devant leur ferme, main dans la main. Le conseiller avait lancé des jurons, tout bas, pendant qu’il les observait depuis l’obscurité.

Que fais-tu, papa ? avait demandé le garçon qui s’était approché de lui, près des clôtures qui les séparaient de la grande route.

Je prie notre seigneur pour qu’il sépare ces deux pécheurs et qu’il puisse les remettre dans le droit chemin…

Mais papa, ils ne font de mal à personne !

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