41.1 - Troyd et Narcissa

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Pendant ce temps, à Baldt, Sarah et sa nièce Estelle se trouvaient au marché dans l’espoir d’acheter quelques fruits et légumes pour le repas des orphelins. La fillette s’était portée volontaire afin de porter des sacs de provisions pour la nonne, fière de lui rendre service. Même qu’elle avait envie de cuisiner avec sa tante.

Dans la ville régnait une ambiance de mort. Toutes deux étaient incertaines pour la raison à laquelle quelques brigadiers s’étaient postés près des portes de la ville. Sarah s’était dit que l’armée tentait de renforcer les lieux, en cas d’attaque surprise. Personne au palais ne lui disait jamais rien, en ce qui concerne les procédures à suivre, au cas où une guerre éclaterait vraiment. Oui, elle était douée dans l’art de la guérison, mais pour se défendre, c’était autre chose. Elle ne savait pas se battre, sauf si c’était pour lancer des éclats de lumière qui pourraient aveugler ses adversaires.

— J’ai un peu la frousse, pas toi ? dit la nonne en présence de sa nièce.

— Un peu… Mais mes papas vont se charger de tout, tu vas voir !

Sarah devait admettre qu’elle trouvait l’affection d’Estelle pour son frère, particulièrement touchante. Flint était si fier de sa petite, qu’il passait son temps à la gâter ou bien à lui raconter tout plein d’histoires, alors qu’ils se promenaient un peu partout. La nonne les croisait souvent au parc, près de l’église, lorsqu’elle surveillait son petit groupe d’orphelins. La gamine avait pris beaucoup d’assurance, depuis qu’elle vivait avec Gabriel et lui. Misaki et Cassandra avaient aussi une bonne influence sur elle. Elle ne serait plus jamais seule.

L’enfant cligna des yeux et observa la religieuse. Elle se demandait si elle avait dit quelque chose de bizarre. Finalement, Sarah répondit :

— Je doute que mon frère puisse tout régler, mais je prie Athéna pour que tu aies raison. J’imagine qu’il est déjà en train de rendre service au peuple, quelque part en dehors de ces murs.

— Papa Flint est débrouillard comme un raton-laveur et Papa Gab possède la force de mille hommes ! dit-elle fièrement. Ils vont nous sauver des méchants ! C’est Sakura qui me l’a dit… et je la crois ! Rien ne pourra les tuer.

— Vous avez beaucoup d’imagination, ton amie et toi.

— Eh, mais on dit la vérité ! Ils ont des supers pouvoirs après tout !

La quadruplée approuva d’un sourire. Elle ne voulait pas dire à sa nièce qu’elle disait des sottises, mais la voir si heureuse et si confiante lui remontait le moral. Elle remit entre les mains d’Estelle un sac rempli de courgettes et de persil alors qu’elle tenait un autre sac, rempli de pommes de terre. Ce soir-là, elle comptait faire une salade crémeuse avec le fameux poulet rôti de Sœur Louisa. Sarah comptait même sortir la dernière bouteille de cidre de pomme qu’on avait monté du garde-manger pour l’occasion du trente-troisième anniversaire de Frère Bertrand. Les orphelins adoraient ces recettes simples, mais le cidre était réservé aux adultes puisqu’il renfermait un léger taux d’alcool.

— Alors, qu’est-ce qu’on t’apprend à l’école dernièrement ? demanda Sarah alors qu’elles marchaient tranquillement en direction de l’église.

Depuis que les enfants de la ville avaient désormais une école officielle, en ville, les religieux n’avaient plus à se soucier pour leur apprentissage. Parfois, ils se portaient même volontaires pour remplacer les professeurs, quand ils étaient malades.

— Beurk… ! râla Estelle. Dernièrement on veut me faire passer un cours de mathématiques mais je n’y comprends rien aux multiplications et aux divisions…

— Ah, tu n’es pas la seule dans ce cas. Tes parents n’ont jamais été bons en mathématiques, ni moi. Ton oncle Kyran, par contre, est un génie en ce qui concerne les chiffres. Peut-être pourrait-il t’aider ?

— Tonton Kyran est gentil, mais il est toujours occupé…

— Je suis certaine qu’avec un joli sourire et un câlin, il cédera à ta demande, ajouta la nonne, qui pouffa de rire.

Estelle gloussa, puis sursauta au moment où elles entendirent un cri au loin.

La gamine lâcha le sac de nourriture et désigna, droit devant elle, un individu recouvert d’une longue cape noire qui tenait dans l’une de ses mains une dague ensanglantée. À ses pieds, le cadavre d’une bonne femme venait de tomber au sol. Le premier réflexe de Sarah fut de prendre la gamine par la main et de faire demi-tour. Elles s’apprêtèrent à tourner au coin d’une intersection lorsque la nonne fonça, sans le savoir dans un grand gaillard costaud et bedonnant. Celle-ci crût reconnaître quelques traits familiers avant de recevoir un coup solide sur la tête. Elle s’effondra au sol, alors que des flammes commençaient déjà à se répandre dans la ville.

L’individu vêtu d’une cape ramassa Estelle qui cria, horrifiée.

— Emmenez là au palais avec les autres gamins ! ordonna l’individu aux traits imposants. La fête ne fait que commencer !

Ai-je raison de croire qu’elle ne m’a pas tout dit ? songea Gabriel qui observait la doyenne de Doylesbourg, au loin.

Il était en colère d’avoir dû abandonner le village, mais en même temps, si les ordres du maire étaient bel et bien de protéger les civils qui avaient fui, alors pourquoi devrait-il s’en faire ? À force de vivre avec Flint, il avait commencé à devenir comme lui en son absence. C’était sa façon à lui de ne jamais se sentir seul lorsqu’ils devaient être séparés temporairement.

Son estomac se mit à grogner. Il avait peu mangé ce jour-là et avait déjà brûlé toutes ses calories consommées. Il se plaignait mentalement d’avoir donné sa dernière baguette de pain à Derek.

Et dire que j’ai dépensé mes dernières piécettes pour ça ! bouda le colosse, qui leva un poing en l’air. Le p’tit Doyle, t’as intérêt à lui dévoiler tes sentiments et vite… Sinon je vais t’écraser pour m’avoir privé de bouffe !

Un petit cri strident le sortit de ses pensées. Il réalisa que les personnes qu’ils étaient en train d’escorter depuis plus d’une dizaine de minutes, maintenant, étaient en réalité des démons. Car l’un après l’autre, ils avaient quitté leurs corps humains, pour laisser des carcasses choir au sol. De petites et de grandes créatures ailées, aux griffes acérées et aux yeux rouges et globuleux s’attaquaient à Cassandra et Serenity. Gabriel comprit que leurs cibles étaient les esprits élémentaires.

— C’était un piège ! lança Luna, furibonde.

— Formation défensive, et que ça saute ! cria Gabriel qui courut rejoindre ses amis, avant d’écarter quelques monstres avec sa hache.

Derek se mit aux côtés du colosse, son épée en main, alors que Cassandra, Luna et Serenity s’éloignaient des monstres. Gabriel planta son arme dans la tête d’une gargouille répugnante qui allait s’en prendre à l’elfe et Windy. La chose mourut rapidement. Ils étaient entourés d’une vingtaine de bestioles toutes aussi dangereuses les unes que les autres. L’enfant que Cassandra et Serenity avaient soigné, par exemple, était devenu une étrange musaraigne géante aux dents pointues. Elle avait aussi de longues griffes tranchantes qu’elle n’hésitait pas à utiliser pour attaquer ses adversaires.

Les brigadiers finirent par se rassembler, ce qui laissa la chance à Serenity et Luna de lancer des sorts offensifs sans être blessées. Cassandra avait déjà abattu la musaraigne géante, ainsi qu’un étrange papillon gigantesque qui propageait du pollen toxique dans leur direction.

— Ne respirez pas ça ! lança la magicienne. Ça peut être mortel !

Windy repoussa alors la poudre empoisonnée, d’un coup d’ailes puissant.

— Qu’est-ce qui s… s… se p… p… passe ?! bégaya le pauvre Derek, en état de choc. J’ai à peine cligné des yeux et ces choses sont sorties de nulle part !

— Je ne peux rien confirmer, lança Gabriel, mais je crois que cette mission était un leurre des disciples ! Il est fort possible qu’ils aient fait diversion avec cette fumée afin de nous avoir par surprise !

— Et les démons ? Qu’est-ce qu’ils font là ?!

— Il est probable que les habitants de Doylesbourg aient tous été remplacés par ces derniers durant les dernières semaines, déclara l’elfe, à ses côtés. C’était un coup monté afin d’affaiblir nos rangs.

— Pour le moment, nous n’avons pas fini le combat alors cessez de jacasser et aidez-nous à les tuer ! aboya Luna qui invoqua une énorme sphère de glace, au-dessus de trois des monstres.

Derek opina du chef, puis se mit à lancer quelques sorts de flammes depuis sa position, tandis qu’il repoussait quelques bêtes avec des coups de pieds et des coups de lames. Les monstres semblaient se multiplier, des créatures des plaines commençaient à se rapprocher à l’odeur du sang de leurs semblables. La puissance magique de la magicienne perturbait leur tranquillité, tellement ça causait du bruit et affectait le mana dans l’atmosphère. Même les esprits élémentaires commençaient à agir bizarrement. Il y avait trop d’influences négatives.

La concentration de Windy commençait à faiblir lorsqu’elle ressentit quelque chose d’étrange dans l’air. La crécerelle avertit aussitôt son groupe :

— Je ne ressens presque plus Dia !

— C’est Flint ?! Que lui est-il arrivé ?! hurla Gabriel qui planta sa hache dans le dos d’une gigantesque chenille aux dents acérées.

— Je l’ignore ! Les ondes de Dia se sont affaiblies !

— Ils étaient pourtant censés rester au palais ces deux-là ! fit Luna qui assistait Derek avec une autre bestiole.

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