42.1 - Yosuke et Misaki

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Le soir même où Misaki avait appris que son mari avait été tué au combat, en mars dernier, elle avait reçu la visite du Général Wolfe qui était venu lui présenter ses condoléances en privée. Les médecins l’avaient gardée à l’infirmerie pour la nuit. Il avait choisi de lui remettre l’épée de son défunt mari, mais elle avait refusé.

— Je crois qu’il préférait que tu gardes cette arme, dit-elle. Il disait souvent qu’il était impressionné par ton talent d’escrimeur. Une épée comme celle-là ne se refuse pas.

Le vampire fronça des sourcils avant de lui demander :

— N’y aurait-il pas une autre raison qui te pousserait à t’en débarrasser ?

— Disons que j’ai mon lot de problèmes en ce moment, j’ai mon mari à pleurer et j’ai ma fille qui se retrouve sans père.

— Es-tu consciente que c’est un esprit élémentaire ?

— Oui… C’est l’autre raison pour laquelle il serait mieux pour moi de te confier cette épée. Qu’est-ce qui t’as mis la puce à l’oreille ?

La panthère répondit pour son partenaire :

— Moi.

— Évidemment, commenta le vampire. Les forces de Giotto sont quasi inexistantes, mais Nox a quand même pu à ressentir sa présence.

— Peut-être devrais-je vous expliquer comment nous avons obtenu cette épée, expliqua la guerrière.

Puis elle commença à leur raconter son récit. Après tout, c’était le mieux qu’elle puisse faire, en mémoire de son défunt mari et de leur étrange rencontre…

¤*¤*¤

Le 13 septembre 3913 AD dernier, aux quartiers généraux des rebelles, Daichi Hatsuki avait préparé avec le reste de groupe ce qu’il avait cru être un plan fantastique. Ils avaient planifié d’envahir la capitale et faire entendre leurs droits au système corrompu. À l’extérieur des camps de leur petite ville, deux tourtereaux s’étaient embrassés et câlinés, loin des autres.

Ce jour-là, Misaki était loin de s’imaginer qu’elle serait envoyée à Baldt d’ici peu, afin de rejoindre les brigades. Daichi avait pour plan de l’envoyer à la capitale afin qu’elle infiltre leurs brigades. Ainsi, elle pourrait les aider à envahir la ville. Il en avait parlé à Yosuke qui hésitait encore d’en discuter avec son épouse. Il était follement amoureux, ce jour-là et avait besoin de passer un peu de temps en sa compagnie.

Leur fille, Sakura, s’était rendue à leur petite école de fortune, avec les autres gamins de la rébellion. C’était une matinée tranquille ; le couple espérait tôt ou tard concevoir un deuxième enfant.

— Alors, si c’est un fils… Que dirais-tu qu’on l’appelle Yuki ? proposa Yosuke, alors qu’ils descendaient le long d’une pente rocheuse.

— Eh, je ne suis pas encore enceinte, je te signale. Pourquoi pas une fille, alors ? Yuki, c’est unisexe après tout.

— Ah, bah Sakura est une enfant heureuse… Je me disais qu’un petit frère pour lui donner du fil à retordre lui ferait du bien, plaisanta le guerrier.

— C’est ça, dis plutôt que tu souhaites avoir un fils rien que pour faire des activités sportives avec lui. Estime-toi heureux qu’elle tienne de son grand-père.

— Je sais, je sais. Heureusement pour moi, parce que rares sont mes amis qui aiment autant la pêche ! Ça me fait penser que ce soir, j’aimerais manger du sashimi… Ça va nous prendre du poisson frais.

— Il nous reste du saumon congelé…

— Beurk, je préfère quand c’est fraîchement sorti du lac !

— C’est toi qui décides, mais n’oublie pas que ça va en prendre beaucoup afin d’en préparer assez pour tout le monde. Il nous reste du saké, pas vrai ?

Ils s’étaient dirigés au ruisseau qui coulait tout le long des montagnes, où se trouvaient leurs quartiers généraux. Yosuke avait décidé, au réveil, d’aller pêcher. Misaki l’avait suivi après qu’elle avait accompagné sa fille à leur école de fortune. Un peu de temps ensemble lui feraient du bien. Elle avait passé la veille à chasser dans les bois et traquer du lièvre, ainsi que de la perdrix qu’elle avait ramenée chez elle. Ses dernières trouvailles lui avaient permis de nourrir sa famille et quelques voisins, ce qui lui avait redonné espoir pour une meilleure qualité de vie, en ces lieux.

Parfois, ils étaient trop pauvres pour se rendre à la capitale et acheter de nouveaux produits. Certains villages voisins où quelques-uns d’entre eux devaient même travailler ou piller des fruits et des légumes aumarché de Baldt. Leurs terres n’étaient pas assez fertiles pour y planter leurs propres produits, sauf des pommes de terre et quelques légumes. Leurs récoltes étaient souvent de piètre qualité. Ce jour-là, il avait été décidé qu’il fallait mettre un terme à la cruauté du Conseil de la république. Daichi désirait mener sa guerre aux portes de Baldt, coûte que coûte

— Comme prénom… que penses-tu de Bob ? plaisanta Misaki. Ça fait un peu exotique, non ? La tête que feraient nos voisins… Héhé… !

Yosuke regarda son épouse, puis leva les yeux au ciel. Il soupira. Elle n’avait pas l’air de le prendre au sérieux. Il désirait avoir un fils plus que tout.

— C’est ça, c’est ça, répondit le guerrier sarcastiquement. Si c’est une fille, je vais te forcer à l’appeler Gertrude.

— Pauvre enfant ! dit-elle en se mettant les mains sur le ventre, alors qu’elle faisait semblant d’être enceinte. Jamais je ne lui donnerai un nom pareil !

— On n’en est pas encore là, dit Yosuke qui lui fit son plus beau sourire.

— Nous ne sommes même pas prêts financièrement pour en avoir un deuxième !

Ils bondirent sur de grandes roches, à proximité du ruisseau où ils comptaient s’arrêter pour la prochaine heure. Yosuke avait déjà sa canne à pêche de sortie lorsqu’ils entendirent au loin un long rugissement sonore. Tous deux ressentirent d’étranges vibrations sous leurs pieds ; même que l’eau du ruisseau vacillait. Était-ce un tremblement de terre ? Misaki leva les yeux vers le ciel, et pointa un étrange point sombre qui devenait de plus en plus gros. Son mari remarqua que la chose descendait à une vitesse étonnante.

— Mais qu’est-ce que c’est ?! lança Yosuke.

Il rangea sa canne, puis se dirigea vers une surface plate ; il ressentait le besoin de se dégager au plus vite. Misaki l’imita. Quelques secondes plus tard, une gigantesque créature s’écrasa là où ils souhaitaient pêcher. C’était une espèce de lézard titanesque aux écailles blanches et argentées. La créature ailée saignait au ventre, du dos et des pattes. Elle avait peut-être été attaquée en plein vol.

— Un dragon ?! s’exclama le guerrier. Je croyais cette espèce éteinte !

— Et moi donc ! rajouta son épouse. C’est moi ou il est minuscule ? On raconte qu’ils sont plus grands qu’une montagne…

— Mais qu’est-ce que ça fait ici, ça ?! répliqua le maître des armes, qui était trop distrait pour répondre au commentaire de sa femme.

L’énorme créature poussa un long soupir plaintif, souffla de la fumée par ses narines, puis tourna son regard vers les deux guerriers.

— Je vous entends parler, mortels, dit-il d’une voix forte. Malheureusement pour moi, je ne survivrai plus pour très longtemps… Il me faut… dormir…

— Voilà qui est sot ! dit Yosuke. Vous mourrez ! Dormir ne vous sauvera pas !

— Au contraire… Nous autres, créatures élémentaires, pouvons régénérer nos blessures facilement en accumulant beaucoup de mana. Toutefois, lorsque nous entrons en hibernation, nous sommes impuissants… Mon seul espoir serait de remettre mon pouvoir entre vos mains, cependant j’ignore qui vous êtes et si vous pourriez un jour rendre service à ma déesse… Je vois en cernant vos âmes que vous n’avez jamais prié Athéna.

— Il ne manquait plus que ça, un dragon athénien ! s’exclama Misaki qui cligna ses yeux. Vraiment des plus étranges…

— Votre religion n’a jamais donné rien de bon à mon peuple, dragon… mentionna Yosuke. Qui me dit que vous ne cherchez pas à semer la pagaille dans nos troupes ? Même si vous êtes blessé, vous avez probablement assez de force pour causer des dommages importants à nos fortifications.

— Il est vrai que les habitants des îles du sud n’ont jamais été très croyants de ma créatrice, cela ne m’empêche pas de protéger le commun des mortels lorsqu’on a besoin de moi…

Aussitôt, le dragon toussa, puis racla sa gorge tandis qu’il observait son reflet dans l’eau vaseuse du ruisseau. Il cracha un filon de sang qui se désintégra à la surface du ruisseau, comme si le liquide mélangé à son sang représentait sa faiblesse. La créature s’affala et ressentit ses forces le quitter.

— Pauvre bête, mentionna le mari de Misaki. Qu’est-ce qui vous a mis dans cet état ? C’est lamentable de voir une si jolie créature se faire attaquer ainsi.

— Ma fratrie et moi sommes pourchassés par le culte de Perséphone d’aussi loin que je m’en souvienne. Leur unique ambition est de nous exterminer, car nous sommes liés au voile qui empêche leur déesse de sortir de sa dimension. Lorsque nous aurons tous trépassés, elle reviendra parmi vous et ce sera la fin du monde tel que vous le connaissez.

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