51.2 - Flint et Athéna

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Ne dis pas des bêtises mon fils. Toute ta vie, tu as été formé pour servir le peuple des mortels. Les brigades en question, c’était l’idée de ton père. Avant une certaine époque, nous n’avions que des soldats qui travaillaient pour la république. Ton père a fait en sorte que tu puisses apprendre l’esprit d’équipe en engageant ton oncle durant toutes ces années. Tout comme moi, il souhaitait tu puisses t’entendre avec tes semblables. De plus, Gabriel a toujours été là pour toi…

— Où veux-tu en venir avec Gabriel, maman ? Est-ce une autre de tes créations ?

Non… Gabriel est une anomalie magique qui désirait plus que tout survivre, nous avons découvert en lui une âme pure et un cœur solide. C’est pourquoi je l’admire beaucoup. Son évolution est… fascinante, dois-je dire.

— Tu parles de lui comme s’il n’était qu’un monstre à tes yeux, dit Flint qui se sentait insulté.

Je ne veux pas vous offenser toi et lui, mais il est vrai qu’il n’est pas entièrement humain… Cependant, cela ne m’empêche pas de trouver une certaine beauté en lui et de l’apprécier comme un membre de ma propre création. Aussi… il me rappelle étrangement quel-

— Je serais reconnaissant que tu ne parles plus de lui… trancha Flint, qui souhaitait défendre l’honneur de son mari. Allons direct aux affaires. Que dois-je faire maintenant que j’ai apparemment été conçu pour être une machine de guerre ? Que dois-je tuer pour te faire plaisir ?

Le visage d’Athéna s’assombrit. Nash, aux côtés de la déesse, n’en revenait pas que son neveu avait le culot de parler ainsi à sa propre mère.

Flint Markios, en voilà des manières ! gronda l’oncle. Ce n’est pas comme ça qu’on t’a élevé. Excuse-toi, maintenant !

— Toi, je t’ai rien demandé, mon oncle… siffla le blond entre ses dents. Toujours aussi casse-pied, même mort… Mais je…

Oh… Flint, soupira la déesse, attristée. Ce n’est vraiment pas comme ça que j’avais imaginé notre première rencontre…

— Ah bon ? grogna Flint, qui se tourna vers Athéna. Tu ne t’attendais quand même pas à ce que je sois un gentil petit toutou qui réponde à toutes tes demandes, hein maman ?! Toute ma vie j’ai renié ton existence et celle de l’au-delà… et maintenant on m’apprend que je suis l’un d’entre vous ? Désolé, mais j’ai le droit d’être en colère ! Je voulais vivre une vie simple avec mon mari, loin de cette maudite religion à la con ! Mais non ! Voilà qu’on fait de moi un bouffon… ! Une fichue marionnette entre les mains d’une mère qui est en fait ma propre déesse ! J’ai le droit d’être furieux !

Il se tourna violemment vers Nash et le pointa du doigt :

— Et toi mon oncle, je t’interdis de me faire la morale après m’avoir abandonné comme ça ! Tu n’avais pas le droit de mourir ! Tu n’avais pas le droit de me dire que tu m’aimais avant de crever comme ça sur le champ de bataille…

Nash allait dire quelque chose, mais il avait le cœur tout aussi brisé que celui de son neveu. Il avait compris pourquoi Flint était de mauvaise humeur. Il se contenta de lui sourire bêtement et hocha la tête. Le blond lut la tristesse dans le regard de son oncle, mais ne chercha pas à en dire plus. Il pleurait à chaudes larmes. Nash lui manquait cruellement. C’était mutuel. Cette rencontre entre deux dimensions leur permettait au moins de communiquer, ne serait-ce que pour quelques minutes.

— Pourquoi toi et pourquoi pas Troyd ? pleura le brigadier. Fais chier… Ma vie n’est plus pareille sans toi, à me coller dans les baskets. Chaque jour, je m’ennuie de ta voix et de tes répliques qui me tapaient sur les nerfs… Le sais-tu à quel point je t’ai toujours considéré comme mon héros, Nash ? Comment je souhaitais devenir comme toi ? Je ne l’ai jamais dis à personne, mais tu étais comme un grand frère pour moi…

Le châtain hocha la tête à toutes ces paroles. Flint essuya ses larmes et jeta un air résigné à sa mère. Il n’en revenait toujours pas de ce qu’elle lui avait demandé, un instant plus tôt. Elle baissa son regard, honteusement.

Tu as raison de m’en vouloir, dit-elle. De ta perception, c’est comme si je t’avais mis au monde comme seul espoir que tu rejoignes ma cause, mais ce n’est pas forcément le cas… Mais il est vrai que j’aurais aimé que tu nous aides. Si tu ne veux pas nous assister à combattre les forces du mal, c’est ton choix… J’aurais quand même espéré pouvoir renouer mes liens avec toi… Je suis sincèrement désolée…

— Pour cela il aurait d’abord fallu que tu ne nous abandonnes pas entre les mains d’un accroc du travail, répliqua Flint, sèchement.

Athéna passa une main sur le visage de son fils qui ne la quittait pas des yeux.

Je n’ai pas eu le choix, mon père m’a rappelé au Saint Royaume en vous donnant naissance, dit-elle. Mon corps d’emprunt est mort ce jour-là, sans que je puisse intervenir. Je n’ai même pas eu le temps de vous tenir dans mes bras, il était déjà trop tard.

Le brigadier recommença à pleurer. Il n’arrivait pas se retenir, même qu’il détourna son champ de vision pour qu’elle évite de lire en lui. Il prit une grande respiration, puis retourna son attention dans les yeux d’Athéna.

— Toute ma putain de vie, j’ai voulu entendre ta voix et te serrer dans mes bras, dit-il. Tu n’as jamais été là pour moi… Tu n’as jamais été…

Flint pleura encore plus fort, au même moment que sa mère. Ils voulaient l’un et l’autre s’enlacer, malgré les distances. La louve s’était rapprochée de son porteur et de sa créatrice, elle essayait de renifler les mollets spirituels de la forme qui se dessinait sous les yeux. Nash observait la scène, en silence.

— Même Dia s’ennuie de toi, tu vois ? dit Flint qui se pencha vers la louve. Au point qu’elle en perd la raison.

Je sais… Mais elle va bientôt me rejoindre là-haut. Techniquement parlant, toi aussi tu pourrais nous rejoindre… Mais ta place est déjà sur Aeglys.

— Où veux-tu en venir ? Je suis mort, c’est ça ? demanda l’ange blond.

Athéna s’essuya les yeux, attendit quelques secondes pour se remettre de ses émotions, puis expliqua à son fils :

Non… Le moment où tu es né sur ces terres, tu étais déjà un ange. Tes pouvoirs étaient simplement enfouis dans ton esprit. Tu as une existence sur Aeglys, tu as une raison d’y rester alors que les autres anges en ma compagnie n’en ont pas. Ils n’ont pas de famille, ni de liens d’appartenance à ton monde. Un jour, tu comprendras comment te déplacer d’une dimension à l’autre… Mais pour le moment, je veux que tu restes sur Aeglys et que tu y vives pleinement. Ton destin est d’être brigadier et de mener ton peuple vers la victoire contre la Déesse Perséphone. Ton frère et ta sœur seront à tes côtés durant tout ton cheminement et vous ne serez pas seuls dans votre combat. Vous aurez les esprits élémentaires de nos croyances et celles des autres religions. Aussi… Il y a autre chose que je dois te dire… Perséphone n’est pas la seule divinité maudite que nous avons enfouie dans la dimension cachée de votre monde. Elle est accompagnée d’autres dieux renégats qui rêvent, un jour, de détruire notre ordre et de réduire en esclavage tous ceux et celles qui croient en nous. C’est un lourd fardeau que je vous laisse à toi et mes autres enfants, mais nous vous aiderons de notre mieux, depuis le Saint Royaume. Des gens des autres planètes ont déjà commencé à voyager à travers l’espace, et luttent contre les forces des ténèbres et ce sans notre consentement. La vie en dehors de votre monde est beaucoup plus évoluée que tu ne le crois… Tout ce que je puisse espérer, c’est que ma bonne vieille Aeglys résistera à cette maudite guerre.

— C’est beaucoup trop d’informations pour moi… Je sens que ma tête va éclater, gémit Flint. Je pense que tu te trompes sur toute la ligne sur mon compte maman, je ne suis pas un héros… Je suis loin d’être un sauveur…

Je n’ai pas besoin d’un héros, j’ai besoin de mon fils. J’ai besoin que mon enfant se batte et lutte pour la paix et l’avenir de son monde… Sans quoi, tout ce que j’ai fait jusqu’à présent n’aura servi à rien… Il y a tant de choses que je souhaiterai te raconter en ce moment, mais je vais devoir couper notre signal de communication d’ici peu. Même au Saint Royaume, nous avons notre lot de problèmes en ce moment. Les dieux renégats ont réussi à envoyer une armée de démons sur nos terres et nous devons conserver toute l’énergie possible, pour les jours à venir. J’ai dépassé la limite qu’on m’a accordée… Je…

Il y eux quelques bruits statiques, l’image d’Athéna se brouilla, ainsi que celle de Nash. Tous deux tentaient de dire quelque chose à Flint et la louve, mais ils ne réussirent pas à transmettre le message qu’ils comptaient leur dire.

Le blond vit son oncle s’approcher de lui, le visage rempli de culpabilité mais de compassion ; Flint ne le voyait déjà presque plus. Ce fut avec tristesse que les messagers spirituels saluèrent Flint et Dia.

Un moment plus tard, les images étranges de la déesse et de l’ancien brigadier disparurent… Ensuite, le temps reprit son cours normal.

Le cœur de Flint battait à une vitesse folle. Il se remettait à peine de ses émotions quand la louve s’affala au sol. Elle était déprimée et épuisée.

— Ne restons pas là, Dia, proposa l’ange à la louve. Rentrons manger un morceau. On reparlera de tout ça, lorsque nous aurons le ventre plein.

Elle accepta de le suivre, même si elle avait le cœur lourd.

L’esprit élémentaire de la lumière et son porteur retournèrent au palais après ce qu’ils venaient d’expérimenter et se rendirent au réfectoire. Finalement, le brigadier se fichait bien de manger à la taverne, tel qu’il l’avait prévu. Elle n’était pas dans un bon état et le tavernier était absent, de toute façon. La vision que le jeune homme venait d’avoir de sa mère et de son oncle, l’avait complètement déstabilisé.

Pendant l’heure qui suivit, Flint et Dia gardèrent silence et se rapprochèrent l’un et l’autre. Ils se serraient comme un maître et son chien. Le blond ne trouvait plus les mots pour exprimer ce qu’il ressentait et la louve réalisait à quel point elle s’ennuyait d’Athéna. Malgré le fait qu’elle soit si attachée à sa vie sur cette planète, l’esprit de la lumière souhaitait revoir sa créatrice.

Ils partagèrent tous deux un plat de viandes et de frites, qui se refroidit lentement alors qu’ils réfléchissaient à des choses différentes. Sans qu’ils s’en rendent compte, l’après-midi était arrivé.

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