54.1 - La lettre de William

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Cassandra ne trouvait pas sommeil alors que le ciel étoilé se dressait au-dessus d’elle et la crécerelle. Elle se promenait autour de la ville, tranquillement, et écoutait les murmures des esprits qui rôdaient dans les ruelles. Elle reconnut les voix des frères embaumeurs qui avaient tous deux étés tués, lors de l’invasion. Les Fawkes n’avaient pas survécu longtemps lorsqu’un démon était entré dans leur bâtiment et avait tout saccagé sur son passage et tué les deux hommes avant de bondir à travers le toit de l’immeuble. L’elfe marcha en direction des deux esprits errants, près des ruines de la maison funéraire. Elle essaya de comprendre ce qu’ils disaient.

— Monsieur Fawkes ? dit-elle. M’entendez-vous ?

L’un des esprits se tourna vers l’elfe et pointa la jeune femme du doigt.

— Je suis Cassandra, vous m’avez vu il y a plusieurs semaines, dit l’elfe. J’arrive à ressentir votre présence et celle de votre frère… Mais je n’arrive pas à vous voir comme il faut… Me comprenez-vous ?

Ruines… vous… cherchez… ruines…

— Je vois…

Elle tourna alors sa tête vers sa partenaire plumée et cligna des yeux. Elle avait récemment commencé à entendre certaines paroles lorsqu’elle croisait une âme errante, ce qui n’était pas le cas, plusieurs mois plus tôt. L’archère se dit que le simple fait d’être synchronisé avec Windy, lui permettait d’augmenter ses propres pouvoirs.

— Windy, dit alors Cassandra. Ils ne peuvent pas rejoindre l’au-delà, ils ont une œuvre inachevée qui les empêche de passer à l’autre monde.

— Je sais, répondit l’oiseau. C’est aussi ce que je ressens.

— … Aidez-nous… Pitié…

L’elfe plissa des yeux, l’esprit pointa cette fois en direction des dégâts de la maison funéraire. Tout ça se trouvait derrière lui et l’autre silhouette. Cassandra n’arrivait pas vraiment à déchiffrer ce qu’il disait, mais son intuition lui dit qu’il fallait qu’elle fouille dans les décombres, afin de rendre un dernier service à ces hommes.

— Que cherche-t-on, au juste ? demanda la jeune femme qui commença à soulever des planches. Un instrument ?

La forme spectrale de l’aîné des deux frères s’approcha de Cassandra et essaya de communiquer avec elle ; il mima une espèce de boite que l’on pouvait ouvrir.

— Un coffret ? demanda l’elfe ?

— … Oui… Très important…

— Je vois… Et si je le trouve, pourrez-vous quitter ce monde ?

Possible… Aidez-nous…

— Je vais faire ce que je peux.

La crécerelle observa sa porteuse qui soulevait les planches et marchait à travers le bâtiment détruit. Windy constata que les pouvoirs de Cassandra étaient de plus en plus puissants, ce qui l’étonnait. À leur rencontre, l’elfe n’était même pas capable de voir les esprits, ni de les entendre. Elle pouvait simplement ressentir leur présence. Maintenant, elle arrivait surtout à les voir durant la nuit et pouvait échanger quelques mots avec eux.

L’oiseau ne l’avait pas mentionné à son amie, mais bientôt, il serait fort probable que Cassandra aurait de puissants pouvoirs spirituels et ces derniers dépasseraient sûrement ceux des esprits élémentaires. Tout ce que l’elfe avait à faire, était de s’entraîner à percevoir les esprits et les spectres. Windy avait compris que celle-ci avait du sang magique coulant dans ses veines, c’était probablement ce qui amplifiait ses pouvoirs. L’esprit du vent avait l’impression de retrouver la magie puissante des hauts-elfes, une race qui avait disparu, plusieurs millénaires plus tôt.

Se pourrait-il que Cassandra soit une descendante de ce peuple ? se dit la crécerelle, alors qu’elle alla se percher sur un mur de pierres.

L’elfe avait déjà manifesté son don à plusieurs reprises, sous formes de simple intuition et de curiosité. L’oiseau n’avait fait que débloquer une partie de son potentiel, à force de l’aider dans ses missions. Cassandra soupçonnait déjà que Windy lui cachait quelques pensées, même si elles synchronisaient pratiquement à tous les jours. Elle avait fini par connaître le comportement de la crécerelle par cœur. À toutes les fois que celle-ci lui cachait un détail important, elle semblait se mêler dans ses mots ou bien se faisait silencieuse.

Cassandra trouva ce qui semblait être l’une des chambres des embaumeurs, à moitié défaite à cause des nombreuses pierres qui étaient tombées sur tous les meubles. Une partie des murs fracassés tenait encore debout. Le spectre qui s’était adressé à l’elfe, un peu plus tôt, passa à travers les murs pour pointer une autre direction dans la pièce, il pointait pour Cassandra l’objet qu’il cherchait, en dessous du lit.

Lorsque Cassandra retira le coffret, elle le montra au spectre. Celui-ci hocha la tête, il voulait qu’elle ouvre ce dernier. Elle exécuta la tâche malgré le fait qu’elle trouvait curieux qu’il lui demandait tout ça. Puis, elle remarqua le rouleau de parchemin roulé avec attention, déposé dans la petite boîte. Son nom y était écrit.

— Vous m’avez laissé un message ? dit-elle, surprise. Pourquoi ?

Tu nous as aidés autrefois… Ce message pourra peut-être t’aider un jour…

— Attends… C’était ça votre œuvre inachevée ? demanda l’elfe qui tourna son regard vers le spectre.

Il était déjà en train de disparaître.

Il est temps pour toi de connaître tes origines… dit la voix de l’homme qui résonnait dans son esprit, avant de s’éteindre complètement.

— Mes origines… ? Mais qu’est-ce que vous savez de ma vie ?

Étrangement, elle avait compris ce dernier. À force de se concentrer sur les paroles du spectre, elle avait finalement réussi à le comprendre.

L’elfe se tourna alors vers l’autre frère Fawkes qui disparaissait à son tour, de la même façon que l’autre embaumeur. Il n’y avait pas assez de lumière dans cette pièce pour qu’elle puisse lire le message qu’on lui avait adressé, alors elle sortit des ruines de la maison funéraire et se rendit au palais présidentiel, d’un pas rapide. Lorsqu’elle fut rendue au couloir, près de la porte d’entrée, elle s’approcha d’une lumière accrochée à l’un des murs et déroula le parchemin qu’on lui avait laissé.

Là, elle reconnut une écriture familière… C’était celle de William, son père adoptif.

¤*¤*¤

Au matin suivant, à l’infirmerie, Artael se redressa sur le lit auquel il venait de passer les dernières vingt-quatre heures. Grâce aux soins intensifs des guérisseurs et des infirmières, la blessure avait été désinfectée et refermée avec des points de sutures. Assise près de lui, la maréchale de l’armée baldtienne sirotait une tasse de thé. Elle était vêtue modestement et portait une jolie robe verte et un chapeau à plume dans les mêmes teintes.

— Bon matin Monsieur le Président, dit Ellen.

— Je vois que la noblesse a fini par influencer votre style, commenta Artael.

Il posa une main sur sa bouche, avant de bailler.

— Que voulez-vous que je vous dise… J’adore les robes et les chapeaux !

— Combien de temps ai-je dormi ?

— Une journée entière, dit-elle. Ne vous en faites pas pour la reconstruction de la ville. Vos brigadiers et les gens de la guilde des aventuriers se sont tous prêtés mains fortes pour rétablir l’ordre. Tout ça va nous prendre des semaines, voire des mois, avant que Baldt reprenne ses couleurs habituelles, mais j’ai confiance en notre nation pour reconstruire tout ça.

— Ah, je vois que vous n’avez pas chômé…

Kyran entra à l’infirmerie quelques instants plus tard. Il transportait un plateau de nourriture pour son père.

Le président changeait déjà sa robe de chambre pour une autre qui n’était pas souillée de son sang séché, avec l’aide d’une infirmière. Il avait encore un peu mal au niveau de l’abdomen, mais savait que cette blessure prendrait encore quelques semaines, avant de guérir complètement. Il faisait confiance à ses soigneurs, malgré tout.

— Maintenant que tu es réveillé, papa, il va falloir que nous prenions une décision à propos de tu-sais-qui, lui dit Kyran qui faisait allusion à Troyd. Nous l’avons enfermé dans les donjons du palais et il a déjà réussi à tuer l’un de nos gardes…

— Si c’est de mon frère dont tu parles, ça peut attendre. Il aura son procès, dit Artael. Pour le moment, notre tâche est d’aider nos brigadiers à tous se remettre sur pied et de faire en sorte que notre nation retrouve un certain degré de sécurité. Qu’en est-il de Lanartis ? Ont-ils tenté de nous contacter lorsque j’étais inconscient ?

— Nous avons reçu une missive de la part d’un oiseau voyageur, expliqua Ellen. L’un de leurs ambassadeurs aurait quitté Archenwald hier et serait en route pour la république. Le roi et la reine souhaitent comprendre ce qui s’est passé et pourquoi des brèches sont apparues, au-dessus de nos terres.

— Je ne pensais pas que notre confrontation avec les disciples se rendrait jusqu’en Lanartis, commenta Kyran.

— Pourtant dans leur message, ils expliquaient que leurs mages ont ressenti un phénomène maléfique en provenance de notre nation, ce qui les a alertés, expliqua la maréchale.

— Alors quoi ? demanda le conseiller binoclard. Ont-ils envie de nous attaquer parce qu’on a eu des problèmes avec les démons ?

— Ne nous affolons pas, Kyran, dit le président. Leur ambassadeur veut tout simplement obtenir des réponses. Tâchons de faire de notre mieux.

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