63.3 - Congé au bord de la mer

9 minutes de lecture

Kylie se leva et retira un paquet de clopes qu’elle avait mis dans l’une de ses poches de jean. On interdisait tout le monde de fumer à l’intérieur de la salle à manger, alors elle s’éloigna vers la porte de sortie.

Une fois qu’ils entendirent la porte se fermer derrière elle, Estelle remarqua le sourire au visage de Scottie.

— Pourquoi as-tu cette expression ? demanda-t-elle. Ai-je fais quelque chose de stupide ?

— Non, au contraire, dit le jeune homme. T’as parlé à ma sœur… Pour la première fois depuis qu’elle est dans votre brigade, tu as eu une conversation avec elle.

Estelle se mit à rougir et replaça une mèche derrière son oreille. Elle esquissa un petit sourire, puis déclara :

— Bah, elle est peut-être un peu fofolle ta frangine, mais elle a un bon fond… À l’entendre parler ce soir, j’ai vite compris qu’elle est capable d’avoir un peu de compassion pour les autres. Il est vrai qu’elle aime prendre sa place et qu’elle est enthousiaste. Certains pourraient voir ça comme de l’arrogance, mais je crois sincèrement qu’elle essaie de faire le bien…

Son interlocuteur pouffa de rire.

— Quoi encore ? bouda Estelle. Je ne comprends pas…

— C’est ta façon de lire les gens, quoi… C’est aussi comment je la perçois. C’est trop bizarre, on dirait moi, mais en fille.

— Oh… Je vois… Tu as aussi cette façon d’observer les gens en silence, j’imagine…

Il hocha la tête et se leva. Ensuite, il lui fit signe de le suivre jusqu’au garde-manger. Elle cligna des yeux et ne comprenait pas trop ce qu’il comptait faire.

— Il n’est pas un peu tard pour cuisiner ? demanda celle-ci.

— On ne cuisine rien, j’ai déjà préparé un truc avant le lever du soleil.

Il passa à travers deux portes-battantes et en sortit avec un petit sac où il avait écrit le nom d’Estelle dessus. Elle le prit dans ses mains et constata qu’ils avaient la même sensation que les bonbons qu’ils avaient mangés, la veille.

— Hein ? Mais comment t’as fait ça ? dit-elle. Tu sais faire des friandises ?

— Ouais, c’est Gabriel qui m’a montré comment les faire ce matin. C’est les mêmes qu’il a servis à ma sœur plus tôt. On va s’échanger quelques recettes, puisqu’on cuisine ensemble désormais. Je crois que Cassandra aussi se joindra à nous, lorsque nous serons sur la route.

— Oui, mais elle n’aime pas trop toucher aux viandes crues. Parfois, Shayne nous prépare d’excellentes quiches… mais c’est seulement lorsque nous sommes en ville. C’est très difficile à préparer sans un fourneau.

— Un vampire qui aime cuisiner ? Qui l’eût cru…

Scottie était tellement étonné par une telle remarque qu’il avait presque envie de demander au vampire de lui raconter cette histoire.

Pendant ce temps, Estelle ouvrit le petit sac de jujubes et en mis un dans sa bouche. Elle était surprise de voir à quel point il était d’excellente qualité.

— Ça t’a pris combien de temps à faire tout ça ? demanda l’adolescente.

— Une quinzaine de minutes pour la préparation, ensuite je l’ai congelé avec ma magie, dans le réfrigérateur. Gabriel s’est occupé de briser le glaçon lorsque nous sommes revenus du village. Ils étaient déjà prêts.

— Eh bah… Je suis étonnée… Ils sont réussis pour une première tentative.

— Peut-être, mais ce n’est pas la première fois que je cuisine des friandises. J’aime beaucoup faire des pâtisseries comme des gâteaux ou des biscuits. Ma sœur a une dent sucrée et bouffe tout ce que je lui prépare. Je sais faire des potages, des pâtes, du riz, de la viande, mais rien d’avancé comme ton père.

L’adolescente gloussa et hocha la tête.

— Je crois que s’il n’était pas brigadier, il passerait son temps près d’un fourneau, dit-elle. À un tel point qu’il n’arrêterait pas d’engraisser…

— Pas que ça serait une mauvaise chose pour lui, dit Scottie. Il est né avec une spatule à la main ! Sa nourriture est si excellente que je passerais des heures à apprendre comment il fait tout ça.

Estelle trouvait amusant que son nouvel ami parlait de son père de cette manière. Elle était déjà au courant qu’ils les trouvaient à son goût, mais n’avait pas arrêté de se poser la question, au fil de la journée : « Qui préfère-t-il ? »

Ils s’étaient appuyés au comptoir, depuis un moment. Elle avait fait fondre quelques jujubes, sans s’en rendre compte. Elle avait toujours aimé les sucreries de son père.

— T’as le béguin pour Papa Gabriel, pas vrai ? demanda-t-elle.

Il se mit à rougir aussitôt.

— B… b… bah v… voyons ! Qu’est-ce qui te f… fait c… croire une chose p… p… pareille… ?

La fille pouffa de rire quand il réalisa qu’il s’était mis à bégayer. Il baissa son regard, tristement. Une longue mèche de sa chevelure bleutée recouvrit son visage. Il lâcha un long soupir.

— Depuis plusieurs années, même, dit Scottie. Quand nous n’étions pas dans la même brigade, je le croisais souvent en ville et il me saluait toujours… Et je le trouvais tellement mignon, même quand il cognait des bandits… J’ai toujours voulu rencontrer quelqu’un comme lui.

— Sa grandeur et son poids ne te gênent pas ?

— Pas du tout ! Je me fiche du poids d’un homme tant qu’il a une belle personnalité. Et lui ? Bah… il est super canon, quoi !

— Il est marié, je te signale…

Le jeune homme soupira et hocha la tête.

— C’est bien là le problème, avoua ce dernier. J’ai tendance à tomber sous le charme de mecs qui me sont inaccessibles. Quelle poisse…

— Et t’en pense quoi de mon autre père ?

— Il est très beau, mais parfois il me fait peur… Il est moins effrayant que dans mes souvenirs, par contre… Il a beaucoup changé.

Estelle gloussa et hocha la tête. Elle aussi avait remarqué son changement de tempérament. Plus jeune, elle n’y faisait pas attention. Maintenant, elle reconnaissait qu’il n’avait pas toujours été le parfait exemple du père de l’année.

— J’imagine que ta sœur aussi a un genre préféré, pas vrai ? voulut-elle savoir. Elle m’a l’air d’aimer toutes sortes de femmes.

Scottie secoua la tête avant de répondre :

— Contrairement à moi, elle est plus sélective. Elle aime les femmes sveltes et parfois musclées. Elle ne me l’admettra jamais, mais elle adore les grosses poitrines. C’est pour ça qu’elle passe son temps à mater Cassandra, quand elle a le dos tourné. Il ne faut pas le lui dire par contre…

— Les seins de Cassandra ne sont pas si gros que ça, quand même… somma Estelle. Enfin… peut-être que si… Je n’y porte pas trop attention.

— Elle a de très jolies formes, en tout cas. Si j’étais hétéro, je crois que j’en pincerais pour elle, c’est certain. Seulement, tes parents me conviennent mieux.

La petite blonde roula les yeux. Parler de ça avec lui était tout nouveau pour elle. Cependant, il ne semblait pas la juger. Elle trouvait cette conversation chaude, bien qu’un peu étrange. Celle-ci ne s’était jamais sentie autant libre de discuter de ces choses, avant de le rencontrer. Cassandra l’avait aussi beaucoup aidé à s’exprimer.

Finalement, il n’y a rien de mal à explorer ma sexualité, pensa l’adolescente.

Curieuse, elle se tourna vers lui et lui demanda :

— Ça te ferait quoi, si tu m’embrassais ? Rien, je suppose ?

Elle le taquinait, mais il pencha sa tête d’un côté et de l’autre, avant d’approcher son visage des lèvres d’Estelle.

— Mais qu’est-ce que… commença-t-elle.

Elle ne put terminer sa phrase, que déjà, Scottie lui donna un baiser sur la bouche. La jeune demoiselle cligna des yeux, lorsqu’il recula. Il l’observa et pouffa de rire. Elle regarda de tous les côtés, et se demanda si on les avait vus.

— Je n’ai rien ressenti, avoua-t-il, avant de hausser les épaules.

La petite blonde se croisa les bras et fronça des sourcils.

— Dis donc, vous ne connaissez pas la pudeur chez vous, soupira-t-elle.

Il gloussa alors qu’elle le boudait, mais changea rapidement d’expression, lorsqu’il lui fit un câlin et lui donna un baiser sur le front.

— Arrête, exprima celui-ci. Je vais être obligé de t’adopter, tellement t’es toute mignonne. J’envie le mec qui tombera amoureux de tes jolis yeux.

Estelle rougit timidement. Elle n’était pas habituée à tant d’affection de la part de quelqu’un. Les jumeaux Sanders étaient d’étranges personnes, quoique intrigants. Elle blâmait l’alcool, puisque le frère et la sœur en avaient bu un peu, au cours de la soirée. Scottie serait beaucoup plus timide que ça, normalement.

— Toi, c’est la dernière fois que tu bois de la bière en ma présence, critiqua la blonde. T’es pire que mes parents quand leur libido est élevée…

Elle s’esclaffa alors qu’il serrait son amie dans ses bras. Puis, il sanglota, à la grande surprise de cette dernière.

— Mais voyons… Qu’est-ce que j’ai dit de mal ? couina Estelle.

— Pourquoi ne suis-je pas hétéro… brailla-t-il. Papa n’a pas besoin de deux enfants gays… J’suis certain qu’il va m’en vouloir quand il va apprendre que je ne veux pas de femme dans ma vie… Il n’aura pas de petits-enfants à travers moi.

L’adolescente constata qu’il était ivre, en fait. Scottie avait trop bu. Ce qui expliquait pourquoi il parlait si ouvertement de ses problèmes et agissait bizarrement avec sa nouvelle amie. Il lâcha celle-ci et se laissa glisser contre le comptoir, pour tomber sur le plancher. Le jeune homme lâcha un long soupire et observa le mur en face de lui. Il était dans un piteux état.

— Allons, Scottie… fit Estelle. Rien ne t’interdit d’avoir un bébé, même si tu es gay… Tu peux très bien te trouver une mère porteuse, quand tu te sentiras prêt… Mes parents m’en ont parlé, tu sais ? Ils souhaiteraient m’offrir un petit frère ou une petite sœur. Et puis… t’as toujours l’adoption comme option...

Elle s’installa à côté de lui et lui mit une main amicale dans la sienne.

— Je… je vois… couina Scottie. J’y avais pensé, en effet… Mais je suis trop jeune pour ça. Et… Et…

Il renifla de plus belle. La petite blonde se leva et partit chercher du papier mouchoir. Elle avait vu une boite sur le comptoir, un peu plus tôt. Elle poussa même la corbeille jusqu’à eux. Elle se réinstalla par la suite, à côté de son ami.

— Tu as toute la vie devant toi, lui assura Estelle. Tu as quand même dix-neuf ans. Ce n’est pas vieux, hein ? Tu peux encore aller aux études et laisser les brigades de côté, si t’en as envie… Tu pourras même rencontrer un mec qui tombera follement amoureux de toi et vous fonderez une famille…

Elle essayait de lui donner des idées positives et se dandinait un peu, en plus d’avoir une expression rigolote. Cela provoqua un fou rire de la part de Scottie qui éclata de rire, avant de se moucher.

— Honnêtement, je trouve que les personnalités de tes parents déteignent sur toi, mentionna celui-ci. T’es aussi joviale que Gabriel, en ce moment. Et Flint aime beaucoup réfléchir à tout plein de chose… Il a une grande imagination. On l’a remarqué, ma sœur et moi. Ils sortent de l’ordinaire…

— Ouais… Ils font beaucoup parler d’eux, à la capitale.

— Et pas qu’à Baldt. Toute la république les connaît à présent. À notre dernière mission à Kritz, ma sœur et moi on a discuté avec les aubergistes et il semblerait que l’une de leurs chambres ait été renommée en leur honneur. Je n’ose pas imaginer pourquoi… Ma sœur prétend que c’est parce qu’ils auraient couché dedans… Mais bon, ils sont un peu des idoles, désormais.

— Beaucoup de nos brigadiers sont vénérés de cette façon… C’est assez étrange comme sensation. J’espère, un jour, d’être à la hauteur de mes parents.

— Moi aussi…

Ils discutèrent ensuite des exploits de leurs familles et finirent par s’endormir, blottis l’un contre l’autre. Scottie ne pleurait plus, il souriait dans son sommeil.

Annotations

Vous aimez lire TeddieSage ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0