71.1 - La dimension maudite

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Cachés dans l’ombre, Estelle, les jumeaux et Wyatt observaient un soldat squelette qui passait devant eux. Voilà plus de deux jours qu’ils erraient sur un continent similaire à Lanartis, mais qui n’était qu’une copie ténébreuse et ravagée par la guerre. Il y avait des démons partout et des forteresses qui représentaient des puissances maléfiques de cette région. Ils avaient remarqué que plusieurs seigneurs luttaient pour s’approprier les terres des autres. L’adolescente et son groupe devait constamment se déplacer discrètement, afin d’éviter d’être repérés.

À quelques reprises, Kylie et Wyatt avaient dû éliminer des monstres qui les avaient repérés, mais ils avaient survécu jusque-là.

— Il nous faut un endroit tranquille… murmura Estelle à ses amis.

— Ça sera difficile, répliqua Scottie. Il y a des patrouilles partout…

— Continuons à nous déplacer jusqu’à ce que l’on trouve un endroit sûr, dans ce cas, suggéra Wyatt, tout bas.

Les trois autres hochèrent leurs têtes, alors qu’il préparait un sortilège. Il regarda par la fenêtre et visa le soldat squelette. Wyatt murmura quelques mots inaudibles et un instant plus tard, Wyatt perdit connaissance. Le mort vivant se tourna vers le groupe et les salua. Il regarda ensuite dans toutes les directions, puis s’éloigna avant d’ouvrir la porte d’un immeuble abandonné. Il en sortit et leur fit signe d’approcher.

Kylie s’empressa de ramasser Wyatt et de le mettre sur son épaule. Ensuite, elle descendit de la cabane dans l’arbre à laquelle ils s’étaient cachés depuis quelques heures et s’approcha du soldat. Estelle et Scottie la suivirent rapidement. Lorsqu’ils furent sains et saufs, ils déposèrent le corps du magicien sur une chaise. Le monstre se trouvait maintenant à l’extérieur, il s’éloigna de la maison et s’approcha d’un puits asséché. Il sauta dans ce dernier. Au moment où il allait s’écraser, Wyatt revint dans son véritable corps. Il s’essuya le front.

— J’ai eu chaud, dit ce dernier.

— Ton petit tour de passe-passe nous a sauvé les fesses plus d’une fois, en tout cas, remarqua Estelle. Merci pour tout.

— Ce n’est rien, répliqua le mage. J’ai fait la promesse à tes parents de toujours te protéger et je compte la tenir.

Les joues de son interlocutrice rougirent alors que Scottie examinait la pièce.

Ils étaient dans une petite maison qui semblait être abandonnée depuis quelque temps. Les meubles étaient modernes, il y avait un peu de poussière ici et là. Pas la moindre trace de sang ou de cadavre dans cet étage.

Ils avaient rebroussé chemin jusqu’à ce qu’ils crussent être à Drokaï. Le village auquel ils étaient arrivés était désert à part quelques monstres qui erraient ici et là. C’était si peu organisé qu’Estelle et son groupe pouvaient circuler dans les rues, s’ils faisaient preuve de prudence. Les seigneurs démoniaques ne se préoccupaient pas du village portuaire, puisque l’océan était asséché.

D’ailleurs, les quatre camarades avaient aperçu des campements au loin, qui appartenaient à d’autres démons. Ils n’avaient pas encore croisé le moindre être humain dans cette région, ni d’âme errante. Cette dimension appartenait aux âmes maléfiques, ce n’était pas un endroit sécuritaire pour eux. Ils avaient quand même réussi à survivre avec toutes les ressources qu’ils avaient pu trouver.

— Je suis quand même étonné de voir qu’il y ait des maisons abandonnées partout où l’on passe, remarqua Scottie. On dirait une copie imparfaite de notre monde, vous ne trouvez pas ?

Sa sœur opina du chef et s’installa sur le divan du salon.

— Wyatt nous disait un truc, tantôt… C’était quoi déjà ? demanda-t-elle au concerné. C’était avant que tu transfères ton esprit dans le squelette…

— Ah ça ? dit-il. En fait, Luna et moi, on avait cette vieille hypothèse que notre dimension était en fait une couche pour cacher une civilisation ancienne. J’ai l’impression que nous étions près de la vérité. Cette version de Drokaï ressemble beaucoup à l’autre, mais il n’y a personne. Je me demande bien pourquoi…

Estelle se frotta le menton pendant qu’elle examina la pièce qui les entourait.

— Nous mangeons des aliments en boites de conserves ou bien ce qui se trouve dans les armoires que nous trouvons, mais il est vrai que je me pose beaucoup de questions sur cette dimension étrange, dit-elle. J’ai l’impression que les démons d’ici ne peuvent pas vraiment interagir avec certains objets mais qu’ils coexistent malgré tout avec notre monde.

— C’est aussi l’impression que j’ai, remarqua Scottie. C’est comme si une entité supérieure nous laissait de la nourriture pour survivre ou bien nous guidait à des endroits où nous pouvons nous reposer. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me rassure de savoir que nous ne sommes pas seuls.

— Nous aurions pu rester au campement et attendre que la brèche s’ouvre à nouveau, mais il y avait beaucoup trop de monstres sur le terrain… remarqua la blonde. J’espère que les autres vont bien…

Quand ils étaient arrivés dans cette dimension, ils étaient tombés près d’une rivière où campait une horde de gobelins. Ils avaient reconnu le terrain, mais n’avaient pas vu les tentes qu’ils avaient placées avec les autres membres de la Septième Brigade. Le ciel était noir, il n’y avait pas la moindre étoile pour éclairer leur chemin. Seule une lune rouge comme le sang reflétait la plupart de ses rayons sur les plaines où ils avaient rôdé.

Le jour suivant, le soleil ne s’était jamais manifesté. Ils avaient compris qu’ici, il faisait toujours nuit. La lune avait toutefois changé de couleur et était devenue plus jaune, plus lumineuse. Par contre, elle n’avait jamais changé de place. D’après Wyatt, c’était une illusion puissante qui forçait les démons et les âmes errantes à perdre la raison. Ils n’avaient probablement plus aucune notion du temps, à force de vivre sous un ciel si sombre.

Aussi, il n’y avait pratiquement pas d’horloge fonctionnelle dans cette ville… ni nulle part ailleurs. La montre de Kylie avait cessé de fonctionner quand ils avaient traversé de ce côté du voile. Quant à Scottie, il avait laissé la sienne dans sa tente. Estelle aussi avait une montre défectueuse. Wyatt était le seul qui n’en possédait pas.

— Il est quelle heure, d’après vous ? demanda le mage. J’ai arrêté de compter après notre dernier repas. Je commence à avoir sommeil…

— Il est presque minuit, je crois, mentionna Kylie. C’est normalement à cette heure-là que je me couche… Je tuerais pour une bonne cigarette…

— Et moi pour une bonne soupe préparée par mon père, soupira Estelle. Mais bon, nous sommes coincés ici. Au moins, certaines plantes à l’extérieur ne sont pas toxiques pour nous. On pourrait aller en ramasser et préparer un truc, non ?

— Peut-être en nous levant, suggéra Scottie. Demain, on essaiera de solidifier cet endroit. À quatre, nous pourrons survivre à Drokaï pour quelque temps. Au moindre signe d’un seigneur démon, par contre, il faudra partir.

— Bonne idée, fit sa sœur. On pourrait poser quelques pièges ici et là et peut-être récolter des trucs à grignoter. Le plus important est de survivre… Même si c’est chiant…

Son frère roula les yeux.

— Arrête de te plaindre, dit ce dernier. On a besoin de tes muscles pour nous défendre. Sans toi, je crois qu’on n’aurait pas survécu la horde de monstres qu’on a croisés hier.

— Ne m’en parle pas, grogna celle-ci. J’ai encore l’odeur de cette glue vivante qui a essayé de nous gober… J’suis chanceuse que Wyatt connaît des sortilèges pour nettoyer ce genre de dégâts, sinon j’empesterais cette pièce.

Elle afficha une grimace de dégoût.

— Avec la poussière de cette demeure, je ne vois pas trop la différence, remarqua le mage. Mais bon, je suis ravi d’avoir pu te rendre service.

Pendant qu’ils parlaient, Estelle s’approcha de la porte d’entrée et barricada celle-ci avec une chaise qu’elle avait tirée de la cuisine. Ensuite, elle fit le tour de l’étage. Tout portait à croire que les anciens propriétaires de cet immeuble avaient pris la poudre d’escampette quelques mois plus tôt. Tout semblait si moderne dans ce village que l’adolescente se demandait si des âmes errantes vivaient librement de ce côté du voile.

Il y avait tant de mystères en rapport à cette dimension que les quatre brigadiers avaient passé les deux derniers jours à se poser des questions et à expérimenter un peu avec tout ce qu’ils avaient trouvé. Mis à part les démons qui rôdaient partout, certains endroits étaient calmes et ce qu’ils trouvaient dans la nature était comestible.

— Vous savez quoi ? dit Wyatt. J’ai l’impression que cette guerre est tout récente. Il y a sûrement une raison valable pour laquelle cette ville a été évacuée, mais il faudrait que nous trouvions quelqu’un à interroger.

Estelle pouvait l’entendre depuis le deuxième salon. Elle était concentrée sur des photos de groupes que les anciens habitants avaient posées sur les murs. Les gens qui vivaient ici, autrefois, étaient des humains, tout ce qu’il y avait de plus normal. Ils étaient tous équipés d’armes et d’armures et qu’ils avaient l’air heureux, malgré cet aspect de conflit qui régnait. La plupart d’entre eux avaient des cicatrices et l’une des femmes de ces images avait perdu un bras. Un des hommes n’avait qu’une jambe. Ces terres avaient connu de nombreux conflits. Ces gens étaient des survivants.

Il n’avait pas de documents dans cet étage qu’Estelle et son groupe auraient pu lire. Grâce à cela, ils auraient pu se renseigner plus facilement de ce monde étrange. Tous les livres avaient été déchiquetés en petits morceaux et brûlés dans les immeubles qu’ils avaient trouvés. Les seuls ouvrages qui n’avaient pas été détruits étaient des bibles écrites dans une langue indéchiffrable. Son groupe avait conclu que cette version de Lanartis était une dictature et qu’il y avait un culte à l’œuvre.

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