72.1 - L'anniversaire du golem

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Le 4 avril 3918 AD, la Septième Brigade s’était déplacée au village d’Alba. Quelques jours plus tôt, Flint avait sombré dans un sommeil magique et n’avait pas ouvert les yeux depuis la dernière fois que Gabriel lui avait adressé la parole. Il respirait toujours, mais ne donnait plus aucun signe de vie. On avait placé son corps dans une chambre qu’il partageait avec son mari, chaque soir.

Le golem le faisait boire ou manger par liquides et s’occupait de laver ses vêtements, tous les matins. Il n’avait pas quitté son chevet depuis qu’il l’avait retrouvé inconscient, dans leur tente. Ni Cassandra, ni Luna n’arrivaient à le réveiller.

Dia avait jugé que Flint avait besoin d’un bon sommeil réparateur, après toutes ses dernières épreuves. Elle avait tenté de rassurer Gabriel à plusieurs reprises, mais rien à faire. Flint n’ouvrirait pas les yeux tant et aussi longtemps que son mana ne serait pas entièrement revenu. Après tout, tout mage qui dépensait trop d’énergie magique, dans un effort surhumain, perdait souvent connaissance. Pour le cas du capitaine, toutefois, il n’était pas entièrement humain donc ses pouvoirs angéliques lui demandaient beaucoup plus de concentration qu’un simple mortel.

Le colosse avait passé tellement de temps dans sa chambre que son esprit élémentaire avait décidé de prendre la forme d’un dragon miniature afin de déployer ses ailes et survoler la pièce quelques fois par jour. Il avait tenu compagnie à son nouveau protecteur, même s’il aurait préféré sortir de l’auberge plus souvent. Il était parti à la chasse très tôt, durant la matinée et très tard, dans la soirée.

Parfois, lorsque le colosse était endormi, Giotto avait pris l’habitude de se coucher sur son ventre, comme un félin le ferait avec son maître. Gabriel lui caressait toujours la tête, lorsqu’il se réveillait. Ils étaient rapidement devenus très proches. Riordan se manifestait de moins en moins, mais cohabitait toujours l’esprit de son grand-père.

En ce moment même, le dragon miniature essayait de remonter le moral du golem. Après tout, c’était une journée importante pour ce dernier...

— Il faudrait que tu manges quelque chose, lui suggéra Giotto. Tu n’as rien touché de ton plat d’hier. Les autres commencent à s’inquiéter pour ta santé…

— Je n’ai pas faim, soupira son interlocuteur.

C’était le matin, ils se réveillaient à peine et le reptile ailé s’était posé sur la couverture qui recouvrait Flint pour l’examiner. Depuis quelques minutes, il avait observé Gabriel, qui n’avait pas quitté son mari du regard. Le golem était si déprimé qu’il n’avait plus le goût de rien faire. Dia, habituellement joviale, commençait à s’en faire pour Flint.

La louve dormait en bas du lit. Elle levait sa tête toutes les cinq minutes et espérait que son porteur ouvrirait bientôt les yeux. Malheureusement, il dormait encore et encore à poings fermés. La bonne nouvelle était que l’ecchymose qui était autrefois sur son ventre avait complètement disparue. La fracture de la côte semblait parfaitement guérie. Quant à la grippe, du blond ? Envolée. Il ne toussait plus durant son sommeil et n’avait plus le nez coulant.

— Il va me rendre folle, grogna la louve qui posa son menton sur le lit, près de son porteur. Ça fait trois jours que ça dure.

— Et nous sommes toujours sans nouvelles de ma fille, soupira Gabriel. Il ne manquerait plus qu’elle soit morte…

Il recommença à pleurer pour la deuxième fois, ce matin-là. Le dragon battit des ailes pour sauter sur le bedon de celui-ci. Il le regarda tristement.

— Allons mon ami… ne perds pas espoir, dit-il. On finira bien par trouver une nouvelle brèche dans le voile… Et sincèrement, il faudrait que tu te ressaisisses… Tu n’as pratiquement rien mangé depuis vingt-quatre heures et cette barbe est en train de devenir n’importe quoi. Pourquoi ne la tailles-tu pas un peu ?

— Bof…

— Tu ne vas quand même pas passer ton trente-deuxième anniversaire à ne rien faire dans cette pièce ?! grogna Giotto. Tes camarades t’attendent en bas depuis sept heures, ce matin. Pourquoi ne vas-tu pas les rejoindre ?

Gabriel haussa les épaules. Le reptile secoua la tête et s’approcha du menton du porteur. Il coupa alors un peu la barbe du colosse avec ses griffes, et arrangea un peu celle-ci pour qu’elle soit un peu plus courte. Une fois qu’il eut terminé, il remarqua qu’il y avait beaucoup de poils à ramasser. Gabriel ne réagissait même pas.

— Si Flint ne se réveille pas plus vite, j’ai peur pour la santé mentale de notre ami ici présent, déclara Dia qui pointa le colosse avec son museau. Les autres comptent sur eux pour tant de choses, ça serait bête si on devait les perdre…

— C’est ce que j’ai cru comprendre, formula le dragon. Malheureusement, réveiller un comateux n’est pas dans mes fonctions d’élémentaire.

Gabriel laissa sortir une longue lamentation. Il se tourna en direction de son mari et lui caressa les cheveux ; il ne fit même pas attention à Gio qui bondit de lui et dut survoler la pièce. L’esprit de la création finit par se poser sur le bureau, en face du grand lit. Il s’assit sur son arrière-train et avança sa longue queue vers l’avant.

— Tout ça me brise le cœur, Gab, marmonna Dia. Je vais aller dire aux autres que tu ne descendras pas, finalement.

— Je te suivrais bien, ma sœur, mais les clients de l’auberge et les propriétaires risquent de me prendre pour un monstre, commenta le reptile ailé.

— Mouais. Contacte-moi par télépathie, si jamais les choses devaient changer. Je reviendrais plus tard.

Elle s’éloigna ensuite vers la porte entrouverte qu’elle ouvrit avec son museau. Ils se trouvaient au fond du couloir et il n’y avait pas tellement de gens qui y circulaient. Pour cette raison, les esprits élémentaires parlaient tout bas et se promenaient selon leurs désirs dans la chambre du couple.

Évidemment, Giotto ne pouvait pas sortir autrement que par une fenêtre ou bien lorsque Gabriel avait besoin de son arme. Le gros guerrier n’avait pas combattu depuis les trois derniers jours et le dragon devait attendre que tout le monde dorme pour s’éloigner de la communauté. Il reprenait alors sa taille normale et partait à la chasse.

Dia, quant à elle, était peinte comme un husky et pour cette raison, les aubergistes n’y voyaient que du feu. Certains clients l’avaient parfois prise pour une louve, ce qui était le cas. Luna s’était empressée de leur jeter des sorts d’illusions afin qu’ils aient oublié tout ça. Personne ne devait savoir que la Septième Brigade traînait avec elle des esprits élémentaires. S’il fallait que Troyd et ses acolytes apprennent tout ça, la brigade mettrait la vie de ces créatures en danger.

La louve s’arrêta au milieu du couloir et se gratta la nuque avec l’une de ses pattes arrière. Misaki avait un peu trop serré son collier en cuir. Afin que l’animal puisse circuler librement, il était important pour eux qu’elle joue bien son rôle. Ils avaient attaché à ce collier, un petit médaillon en forme de cœur, où ils avaient fait inscrire le prénom de la louve. L’esprit élémentaire de la lumière trouvait cela agaçant, mais s’était dit que c’était pour son bien. À Baldt, elle n’aurait sûrement pas eu besoin de cet accessoire. Les gens ne posaient pas trop de questions, là-bas...

Collier de meeeeerde… ! grogna Dia qui essayait d’ôter ce dernier avec sa patte.

Elle finit par abandonner et descendit les escaliers jusqu’à la salle à manger de l’auberge. Cassandra, Luna, Misaki et Shayne étaient installés à une table avec un gâteau au chocolat qu’ils avaient préparé pour Gabriel, ainsi que quelques présents emballés. La louve les regarda un moment avant de secouer la tête.

— Ah, il ne viendra pas… soupira la guérisseuse.

— Ce n’est vraiment pas dans ses habitudes de refuser un dessert, dit l’albinos. Je me disais bien que c’était une mauvaise idée de le célébrer.

— Ce n’est pas vraiment de ta faute, tu voulais simplement lui remonter le moral.

— On le voulait tous.

La louve gratta encore son collier et poussa un grognement afin d’attirer l’attention sur elle. Celle-ci regardait Misaki, l’air de lui dire qu’elle voulait qu’on l’enlève. Shayne qui se trouvait près de l’escalier, détacha ce qui gênait la voie respiratoire de Dia et rattacha l’objet après avoir augmenté l’espace. L’esprit poussa un couinement de soulagement. Le vampire lui caressa le dos et écouta les autres.

Puisqu’ils étaient coincés ici jusqu’à ce que Flint se sente mieux, ils travaillaient autour du village comme mercenaires. Ils avaient plusieurs travaux qu’ils pouvaient faire, grâce aux panneaux de requêtes. La journée précédente, Shayne et le reste du groupe avaient capturé les bandits qui menaçaient la communauté et avaient récolté une jolie somme de pièces d’or. La plupart des criminels avaient toutefois été exécutés par le général ou bien la louve, car ils avaient refusé de se rendre sans combattre.

— Que pensez-vous qu’on devrait faire aujourd’hui ? demanda Misaki. J’ai vu une requête d’escorte qui venait de l’une des habitantes du village. Elle désire se rendre à Drokaï, mais c’est à une journée de voiture. Le prix semble être une bonne offre : cinq cents piécettes, ça ne se refuse pas.

— Je pense la même chose, répliqua le général. Normalement, une demande de ce genre ne se fait pas au-dessus de cent pièces, si c’est une si courte distance. La note faisait-elle mention d’une marchandise à délivrer ?

— Oui, pourquoi ?

— Ah, voilà qui explique la grosse récompense. La dame veut probablement s’assurer que rien n’arrive à son paquet.

Misaki lui passa alors la feuille qu’elle avait ramassée et il la lut à voix basse. Une fois qu’il eut terminé, il retourna son regard vers les autres.

— Nous n’avons pas besoin de tous y aller, dit-il. Deux ou trois d’entre nous suffiraient.

— Dans ce cas, je me propose, formula l’albinos. Je profiterais de vérifier le site de campement où nous avons dormi, l’autre jour. Qui sait ? Peut-être retrouverais-je Estelle et les autres. J’aimerais que tu m’accompagnes, Luna.

La magicienne se pointa, intriguée.

— À cause de la brèche ? demanda-t-elle. Tu le sais déjà que nous ne pourrons rien faire tant qu’elle ne s’ouvrira pas.

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