74.1 - Révélations et réconciliations

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Le 5 avril 3918 AD, Flint et son groupe se trouvaient à mi-chemin entre Alba et Archenwald. Ils avaient dû envoyer un messager à la capitale pour leur présenter des excuses de leur retard. Ils ne pourraient pas s’y rendre avant d’avoir terminé un accord qu’ils avaient passé avec la maire du village. Celle-ci recherchait de vaillants guerriers pour résoudre le mystère du champ de coquelicots au nord de leur communauté. Elle prétendait que ces derniers étaient hantés et que la plupart des villageois qui s’y rendaient en fin de soirée ne revenaient jamais.

— Croyez-vous vraiment que c’est une bonne idée de camper ici pour la nuit ? demanda le golem qui marchait le long des fleurs rouges, en compagnie de Flint et Shayne. Ça me fout les boules, toutes ces histoires de fantômes…

Il prit rapidement la main de son mari, effrayé. Il tournait la tête dans tous les sens.

— Oh Gabriel… fit le vampire. Ne me dis pas que tu ne t’en es jamais remis de cette peur… On a pourtant passé de nombreuses nuits à en chasser…

— Oui, mais le dernier fantôme qu’on a éliminé avait pris possession de mon armure et j’ai failli tuer la pauvre Misaki en l’écrasant ! pleurnicha-t-il.

— Je ne t’en veux pas, tu sais ? dit la guerrière qui marchait derrière eux.

— Merci… couina le golem d’une toute petite voix.

Le reste du groupe les suivait en silence. Ils avaient opté pour ne pas louer de voiture pour cette nuit-là, ni de chevaux. La majorité de leurs possessions se trouvaient dans un entrepôt de l’auberge, où les aubergistes avaient accepté de les surveiller. Les membres de la Septième Brigade avaient emporté le strict minimum avec eux.

Giotto sortit sa tête du sac noir du colosse, qu’il portait d’une simple manche, par-dessus son épaule. Le tout était rempli d’accessoires ou d’ingrédients pour préparer des repas. Sous son apparence miniature, le dragon avait pratiquement la taille d’un chat et ne prenait pas trop de place.

— Et puis, il y a Dia et moi, remarqua le reptile. N’oublie pas que les esprits élémentaires n’ont rien à craindre des spectres. Tu pourras compter sur nous pour te protéger.

— M… merci, Gio, gémit Gabriel.

Ils finirent par trouver une surface aplatie où mettre leurs sacs de couchages et allumer un feu de camp pour cette nuit. Cassandra avait transporté une tente dans un sac qu’elle partagerait avec les autres dames du groupe. Elle commençait déjà à l’installer. Les trois hommes dormiraient à la belle étoile.

Un peu plus loin, Dia pourchassait des papillons de différentes couleurs et essayait de les attraper avec ses crocs. Elle sautillait dans tous les sens et souhaitait en dévorer quelques-uns. Elle allait même jusqu’à grogner et japper à quelques reprises. Lorsque le dernier pris la fuite, elle battit sa longue queue au sol quelques fois, puis revint vers le groupe, déçue. Elle était grincheuse, cet après-midi-là. Elle n’avait pas réussi à se trouver un repas depuis quelques heures. Tous les lièvres et les oiseaux des plaines se faisaient rares et elle avait de plus en plus faim.

— Ne t’en fais pas, mentionna Flint qui se tourna vers elle. Nous finirons bien par trouver une bête pour toi. D’après Shayne, il y a beaucoup de sangliers qui traînent au nord de ces plaines. Ça te dit d’en traquer avec nous ?

— Oh ! Parfait, dit-elle en relevant le pif vers son porteur.

— Ils sont plus précisément dans les bois, corrigea le vampire. Toutefois, ils sortent de temps à autre dans les champs afin de profiter du soleil.

Le capitaine déposa son sac de couchage par terre et le golem fit de même. Dia s’étira et bailla. Elle s’allongea près de son porteur et se roula au sol pour se gratter le dos dans l’herbe. Elle avait besoin d’un brossage, car sa fourrure était trop épaisse pour elle et celle-ci perdait beaucoup de poils.

— Viens ici, toi, ordonna Misaki à l’animal.

— Hein ? Pourquoi ? demanda l’esprit qui se releva afin de regarder la guerrière.

L’albinos lui montra le peigne qu’elle tenait dans l’une de ses mains et Dia compris ce qu’elle comptait faire. La pauvre partenaire de Flint s’approcha donc de la dame, tête basse. C’était une humiliation pour elle de passer à travers la mue printanière, près des humains. Elle les trouvait si compliqués avec toutes leurs règles d’hygiènes.

— C’est pour ton bien, précisa la guerrière qui se pencha vers la bête. Tu me remercieras plus tard. Ça t’évitera de lécher ton poil et de tomber malade.

— Pffft… bouda Dia, qui lui tourna le dos.

Tandis qu’on la brossait, la louve aperçut Luna déposer une marmite au sol. Elle l’avait emporté de leurs affaires personnelles afin de préparer un potage, ce soir, en compagnie du colosse. Elle s’était aussi occupée d’emmener les ustensiles. Shayne quant à lui avait les bols en sa possession.

Les membres de la Septième Brigade comptaient manger du poisson en brochette ou bien faire cuir du sanglier. Le potage serait leur troisième option. Ils finissaient toujours par préparer au moins deux options, à cause de leurs nombreux goûts très différents.

— Au fait, Gabriel, mentionna Cassandra qui se tourna vers le colosse. Quand est-ce que tu t’es rasé la barbe ? Je viens de remarquer qu’elle est plus courte que d’habitude…

— Ah bon ? demanda celui-ci.

Il se frotta le menton et réalisa, qu’en effet, sa barbe avait raccourci. Il avait complètement oublié que Giotto s’en était occupé le jour précédant. Il observa aussitôt le petit dragon dans son sac qui pouffa de rire.

— Oh, c’était toi ! s’exprima le golem.

— Il fallait bien que quelqu’un s’occupe de toi lorsque tu étais en pleine régression, soupira le reptile. Mes griffes sont aussi tranchantes que des lames.

Misaki siffla, épatée.

— Pas mal, pas mal ! Ça me fait de la concurrence, dit-elle.

— Comment ça ? interrogea Giotto.

— Je m’occupe normalement de coiffer tout le monde, lorsque nous sommes sur la route. J’ai oublié mes ciseaux à Baldt, mais bon… Ça tombe bien que tu sois parmi nous. On pourra désormais compter sur toi pour cette tâche.

Gabriel retourna son attention vers son esprit élémentaire.

— Où as-tu appris à tailler les barbes, toi ? fit-il.

Le dragon haussa des épaules et répondit :

— Bah, tu sais… Quand ça fait plus de mille ans qu’on existe, on en apprend des choses. J’imagine que l’une de mes anciennes incarnations a appris tout ça avec un ancien partenaire de route. J’ai rencontré tellement de personnes au cours de mes nombreuses vies que j’ai dû oublier qui c’était…

— Plusieurs incarnations ? formula Luna. Je croyais que ton autre corps était très vieux. Comment est-ce possible ?

— Ah… ça ? C’était mon troisième corps, celui de l’un de mes fils. Il s’appelait lui aussi Giotto. Il y a fort longtemps, il a accepté de devenir mon hôte. Une partie de lui partage désormais le corps de Riordan avec moi. Les souvenirs de nos ancêtres nous suivent depuis la création de ce monde.

Ils se tournèrent tous vers lui alors qu’il s’adressait à la magicienne. Cette remarque prit tout le monde au dépourvu, à un tel point qu’ils restèrent silencieux, un moment.

Misaki arrêta de peigner la louve et demanda aussitôt au dragon :

— Tu en es à combien de réincarnations, au juste ?

— Si on calcule le nombre de siècles et d’enfants que nous avons tous mis au monde… ceci est ma cinquante-septième incarnation. Je m’assure de toujours trouver une femelle qui voudra bien élever mon prochain hôte… Le prochain n’est pas encore né, mais son œuf se trouve au creux d’un volcan inactif, avec ses frères et sœurs. Il devrait éclore d’ici quelques années.

Cette révélation les choqua tous.

— Eh bah, ça alors… Athéna a de quoi être fière de vous, dit Gabriel qui caressa la tête du dragon. C’est toute une dynastie que vous avez là.

— Hé hé hé… couina le dragon. Mes ancêtres te remercient.

Son visage s’assombrit toutefois et il sortit du sac de son porteur avant de reprendre graduellement sa taille normale, alors qu’il s’avançait dans l’herbe. Une fois qu’il était redevenu le gigantesque dragon qu’il avait toujours été, il s’allongea et tourna son visage vers les autres. Il déploya ses ailes un peu et les referma.

— Quelque chose ne va pas ? demanda Flint.

— Non, pas vraiment, mentionna Giotto. Enfin, si… Mon espèce est en voie de disparition, car la chasse aux dragons argentés existe depuis plusieurs siècles.

Flint remarqua que Giotto avait des yeux d’un mauve éclatant. Il vit beaucoup de détresse dans son expression, même s’il essayait de cacher son désarroi. Il commençait à s’habituer à sa présence ; même qu’il faisait de son mieux pour adoucir l’atmosphère entre eux.

— Et les autres races de dragons… sont-elles en danger ? demanda le blond.

— D’après mes souvenirs, plusieurs d’entre elles se sont déjà éteintes, remarqua le vampire. J’ai dû en combattre quelques espèces lors de mes contrats. À l’époque, j’étais jeune et j’ignorais qu’ils étaient tous en voie de disparition.

— Tu ne pouvais pas savoir, remarqua Giotto. Rares sont les dragons dociles comme les têtes argentées. Nous sommes les plus pacifistes d’entre tous. Depuis ma première incarnation, les dragons et dragonnes ne vivent que pour la Déesse Athéna et s’assurent de protéger ces terres. Il y a toujours un hôte qui attend que mon âme soit transférée dans son corps, au cas où je devrais mourir… Cependant, comme je l’ai expliqué l’autre jour, Riordan était mon dernier espoir. Les autres dragons sont encore trop jeunes et peu entraînés afin de contenir tout les connaissances que j’ai accumulées au fil des trois derniers millénaires. Même cette nouvelle coquille n’est pas encore prête. Elle est immature, sans oublier son impatience et son impulsivité. J’ai parfois de la difficulté à prendre le contrôle.

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