78.1 - Les papillons bleus

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Le 7 avril 3918 AD, soit durant une chaude matinée, la Septième Brigade partit enfin pour la capitale de Lanartis. Ils avaient loué une grande calèche et des chevaux, où ils avaient rangé leurs sacs et leurs mallettes. Luna, Misaki, Gabriel et Giotto s’étaient installés sur les sièges de passagers, tandis que le Général Wolfe conduisait le véhicule. Cassandra était assise à ses côtés et profitait de la température.

Flint quant à lui, avait opté pour monter une jument, à part des autres. Il consultait une carte de la région que la mairesse d’Alba lui avait offerte, avant leur départ. Il se souvenait un peu des routes, pour avoir rendu visite à Lucas. À force de voyager avec son groupe, il finissait par oublier certains détails.

— Archenwald est encore à une journée de voiture, dit Shayne, derrière lui.

— C’est bien ce que je me disais, soupira le blond. On va devoir se raconter des histoires pour passer le temps, parce que je sens que ce silence va me saouler…

Il plia la carte et la rangea dans la selle de son cheval, qui contenait une pochette où ranger quelques articles. Dia dormait, attachée à sa ceinture. Il l’avait surprise à ronfler, un peu plus tôt. Elle qui avait la parole si facile, habituellement, se sentait épuisée par les récentes journées de travaux. Elle avait mérité sa sieste.

— Ne me dis pas que tu t’ennuies de ta belle louve, hein Flint ? taquina Cassandra.

— Pfft, n’en rajoute pas. Hier, elle n’arrêtait pas de jacasser de sa fratrie.

— Elle s’inquiète, c’est tout à fait normal.

Il mit une main sur la poigne de son arme et repensa à la crise de larmes qu’avait eue Dia, pendant la soirée précédente. Celle-ci avait peur qu’il était arrivé malheur aux esprits élémentaires, coincés dans l’autre dimension. Elle avait toujours cette amnésie étrange qui lui apportait beaucoup de stress et ne souhaitait pas embêter les autres avec ses petits soucis. Le dragon était dans la même situation qu’elle, sauf qu’il gardait son calme.

— Nous finirons bien par trouver une solution, ajouta Flint. Il ne faut pas sous-estimer Wyatt. J’ai confiance en ses capacités.

— Ha ! répliqua sarcastiquement Luna, à travers la petite fenêtre derrière la tête de Shayne et Cassandra. Je suis deux fois mieux que ce type. Donnez-moi n’importe quelle tâche et je vous la fais, les doigts dans le nez.

— Ah, parce que tu sais ouvrir des portails, maintenant ? taquina la guérisseuse.

Aucune réponse. Elle jugea que celle-ci était en train de rougir de honte.

Quand il était question de parler de la magie, Luna aimait souvent provoquer son meilleur ami et lui prouver qu’elle était plus forte que lui. C’était devenu une vieille habitude qui ne la quittait pas. Cela faisait presque une semaine qu’il avait disparu et elle s’ennuyait de lui. Elle ne l’avouerait pas pour le moment, mais elle priait afin qu’il revienne sain et sauf de l’enfer. Penser au jeune homme lui donnait des papillons dans le ventre. Elle baissa son regard, et se tourna les pouces.

— C’est vraiment dommage qu’Athéna ne vous ait jamais enseigné comment traverser d’une dimension à l’autre, dit Gabriel à son dragon.

Celui-ci était installé en face de Luna et Misaki, alors qu’il tricotait une nouvelle serviette pour se changer les idées. Le reptile argenté était allongé à côté de lui et se reposait.

— Jadis, je possédais cette connaissance, mais beaucoup de choses ont changé depuis la création de ce monde, expliqua Giotto. Tout d’abord, les sceaux qui ont été placés sur le voile étaient très différents lorsque je suis né. Ils étaient très puissants et nous n’avions pas à nous inquiéter des monstres puisque nous étions nombreux pour les renforcer. Par contre, pendant que les années se sont écoulées, les influences divines ont rapidement changé comment nous avons perçu le monde et comment nous le comprenions…

— Tu veux dire que tu pouvais voyager dans l’autre dimension ? demanda Luna, intéressée par ses paroles.

— C’est exact. Cependant ce n’était qu’en cas de dernier recours. Quand un ange venait sur Aeglys pour y expédier l’âme d’un pécheur ou d’un prisonnier du Saint Royaume, j’étais disponible pour leur ouvrir un portail. Plusieurs années après qu’ils eurent cessé d’y enfermer ces gens, j’ai perdu cette capacité. Le plus étrange est que peu importe qui m’a fait ça, a oublié d’effacer mes souvenirs.

Riordan secoua la tête et prit parole :

— Ce que Papy a oublié de vous mentionner, c’est qu’il partageait déjà son corps avec son fils, à l’époque. L’entité qui a zigouillé avec eux n’a pas pris en compte la deuxième âme. C’est pour ça qu’ils s’en sont souvenus.

— Tu marques un point, Rio, remarqua Giotto. Merci.

Le dragon reprit sa posture initiale.

— Ces possessions arrivent souvent… je me trompe ? dit Gabriel, qui s’inquiétait pour son ami. Je n’aimerais pas être à ta place…

— Ça ira, répondit l’esprit. Au moins, il essaie de se rendre utile.

— C’est flippant, exprima Luna.

— Pas plus que d’entendre les voix des armes élémentaires, commenta Misaki.

L’albinos était installée, dos à Cassandra. Elle avait ses mains derrière la tête et écoutait la conversation entre le colosse et son esprit. Cette dernière avait envoyé une lettre à ses enfants avant de partir du village. Elle écrivait une nouvelle lettre tous les jours, mais hésitait souvent à envoyer quoi que ce soit. Finalement, elle avait opté pour un message simple et encourageant.

Un messager était venu lui porter une lettre, l’autre jour. Sakura s’ennuyait beaucoup de sa mère et elle avait hâte qu’elle revienne, cela brisa le cœur de la jeune maman. Yuki ne posait pas trop de questions, il était très sage pour un enfant de quatre ans. Daichi Hatsuki s’occupait d’eux, lorsque Sarah Markios était indisponible pour le gardiennage. L’ancien rebelle avait envoyé des nouvelles de son cours à l’Académie. Les élèves de Misaki demandaient comment elle allait.

La guerrière avait à peine commencé le nouveau semestre en tant qu’enseignante d’arts martiaux qu’elle avait été convoquée à traquer Troyd Markios avec le reste de sa brigade. Elle s’en voulait un peu d’avoir tout quitté, si brusquement, mais c’était ainsi que se déroulaient les choses à Baldt. Tous les professeurs étaient aussi des brigadiers qui devaient se remplacer.

Daichi enseignait les cours d’armes avancés alors que la guerrière s’occupait des novices. L’ancien chef de la rébellion avait consacré les quatre dernières années à enseigner les deux matières, en compagnie de Shayne. Il était temps pour lui de passer à autre chose, tranquillement. Il avait cru que Misaki serait un excellent choix pour le remplacer et il avait misé juste, car elle aimait enseigner.

— Sinon, Gabriel… fit Luna. Pourrais-tu me coudre un bonnet, d’ici quelque temps ? J’ai oublié le mien dans ma chambre.

— Avec plaisir ! fit le golem qui sourit. Ça risque de me prendre quelque temps, toutefois. J’espère que tu ne m’en voudras pas.

— Nah, ça peut toujours servir pour les fois où nous irons dans des régions froides.

— Nous ne risquons pas de nous rendre au pôle sud avant un bail, blagua Misaki. À moins que t’aies envie d’aller jouer avec les pingouins…

— Oh, j’adore les pingouins ! déclara le gros guerrier. Ils sont tellement mignons et tout rigolos quand ils se promènent… Hi hi hi…

Ce dernier bondit de son banc et afficha son plus beau sourire. Cela dit, il se cogna la tête au plafond. Le chariot craqua légèrement, ce qui provoqua la panique générale de la part de la magicienne qui se braqua contre la guerrière. L’albinos, étonnée, écarta ses bras et empoigna la portière à sa gauche, au cas où elle aurait besoin de sortir rapidement. Le véhicule redevint stable et les deux dames soupirèrent de soulagement.

— Mais qu’est-ce que vous faites, bon sang ?! grogna Flint à travers l’une des fenêtres. On ne peut pas rembourser cette calèche…

Luna se tourna vers la droite et remarqua que le blond et son cheval avaient ralenti le trot afin de se mettre à niveau avec ses collègues.

— Pardon… couina le colosse qui rougit de honte. Elles parlaient de pingouins et je n’ai pas pu résister… Tu sais comment j’aime ces petites bêtes…

Son regard se perdit dans le vide. Il était dans les vapes, rien que d’y repenser. La magicienne roula les yeux et retourna à sa place initiale, tandis que Misaki replaça ses vêtements tout froissés.

Pendant ce temps, Flint retourna aux côtés de Shayne et Cassandra.

— Ils ne l’ont encore jamais vu avec une otarie, marmonna le capitaine pour lui-même.

— J’ignorais qu’il aimait tant les animaux, remarqua l’elfe.

— Il a toujours eu un faible pour les animaux exotiques.

— Giotto doit faire son bonheur, pas vrai ?

— Tu parles… quand il n’est pas en train de le dorloter, c’est Dia qui prend toutes ses caresses et ses bises. Je pense qu’il aurait pu devenir un gardien de zoo s’il n’était pas devenu brigadier. Ça me fait penser que mon père compte en ouvrir un dans le quartier sud de notre capitale. Il dit que c’est pour attirer plus de touristes, mais bon…

— Eh… c’est risqué, répondit Cassandra. Il y a aussi la ferme dans ce secteur.

— C’est pour cela que Kyran et quelques membres du Conseil essaient de l’en dissuader. Bien sûr, papa insiste que ce serait un refuge pour les animaux et non une prison, mais bon… le jour où ça arrivera, les poules auront des dents.

La soigneuse gloussa.

Artael avait bon cœur, mais parfois il prenait de drôles de décisions qui ne plaisaient pas à tout le monde. Néanmoins, les gens de la ville appréciaient tous les efforts qu’il faisait pour améliorer la vie de ses citoyens.

Cassandra passait beaucoup de temps à la ferme de Baldt, lorsqu’elle avait du temps libre. Elle aimait bien brosser les chevaux, traire les vaches et donner un bon toilettage aux chiens qui jouaient souvent dans la boue.

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