80.1 - Flint et Lucas

7 minutes de lecture

Son visage était aminci. Son corps était recouvert de cicatrices post-opératoires et aussi de coups de fouets. On l’avait torturé. L’homme qui se tenait dans les bras de son quadruplé n’avait rien du bel homme, fier et joli qu’avait été Lucas lors de sa sortie du placard, à sa famille. Il dormait paisiblement, alors que Flint pleurait pour ce dernier. Ils étaient étendus dans une tente qu’ils avaient dressée tout près de l’endroit où ils avaient mangé, un moment plus tôt. Le capitaine avait demandé au groupe de repousser la mission. Il avait besoin de savoir ce qui s’était passé à son frère.

— Nous devons l’allonger, dit Cassandra à son supérieur.

— Qu’est-ce qu’ils lui ont fait… ? brailla Flint. Oh mon pauvre Lucas…

— Nous ne saurons rien tant qu’il ne sera pas réveillé.

— Je vais les tuer, ces lâches !

Debout, devant la tente, Gabriel et Shayne écoutaient la conversation en silence. Luna préparait un onguent avec un pilon et un mortier, près de leur feu de camp. Dia s’était assise près du colosse, avec Giotto qui assistait la magicienne.

— Il faudrait d’abord savoir qui lui a fait ça, suggéra la magicienne.

Elle entra dans la tente avec l’onguent et s’approcha du corps de Lucas. Cassandra se déplaça afin de ramasser le pot de crème. Elle en prit un peu et retourna le récipient dans les mains de sa collègue de travail. La brunette se pencha alors sur le torse de l’ambassadeur et passa la substance gluante sur ses blessures.

— La bonne nouvelle, c’est qu’il n’a pas perdu beaucoup de sang, puisqu’il a été capable de marcher jusqu’à nous, commenta Luna. Toutefois, il souffre de malnutrition, ce qui sous-entend qu’il s’est échappé d’un endroit horrible.

— Mais comment est-ce possible !? grogna le capitaine. Il était en parfaite santé lorsqu’il nous a envoyé sa dernière lettre… Rien ne laissait prétendre qu’il était en danger… On a eu de ses nouvelles le mois dernier !

— Ce n’était peut-être pas son écriture, Flint, suggéra Cassandra. Souviens-toi que certaines personnes se sont fait passer pour lui, et qu’ils correspondaient avec ta famille. Ce sont possiblement les mêmes disciples de l’autre fois.

— Tu veux dire… qu’ils sont de retour ? soupira son supérieur. Merde… Pas besoin de répondre, j’ai déjà ma réponse…

Flint se tapa le front et lâcha une série de jurons. Il croyait qu’ils en avaient fini avec le culte de Perséphone. À son plus grand malheur, ils recommençaient à leur causer des problèmes. Il savait dans le fond qu’ils étaient à l’origine de la disparition des esprits élémentaires. Il ne voulait simplement pas l’admettre.

— Ces bâtards en ont sûrement profité pour s’infiltrer dans notre dimension, quand ils ont capturé Dia et sa famille, grogna-t-il. Dans le fond, ils n’avaient pas besoin de les tuer, simplement de les faire passer de l’autre côté du voile.

— Cette hypothèse n’est pas banale du tout, remarqua Giotto. Mais ça ne reste qu’une idée, pour le moment. Concentrons-nous plutôt à soigner ton frère.

À travers ses larmes de rage, Flint hocha la tête, puis appliqua un sort de régénération sur le corps de Lucas. L’onguent de Luna avait déjà un effet positif sur les blessures du blessé. Elles pâlissaient à vue d’œil. La peau prendrait un certain temps à cicatriser parfaitement, mais au moins il s’en sortirait.

— On devrait lui faire manger quelque chose… commenta le blond. Mais quoi…

— Attends qu’il se réveille, proposa Luna. Il n’est pas comateux comme tu l’étais. Il a simplement besoin d’un peu de repos.

— Mais c’est mon frère…

Cassandra secoua la tête et mit une main compatissante sur l’épaule de Flint.

— Écoute, je comprends ta détresse, mais laisse-nous faire, d’accord ? Nous sommes spécialisées à soigner les blessures.

Le capitaine essuya ses larmes et approuva tristement la demande de sa camarade. Il fit une bise sur le front de son quadruplé, se leva et sortit de la tente, la tête basse.

Comment peut-on être si cruel envers un être un homme si bon et si généreux ? songea celui-ci alors qu’il enfuyait son visage dans le torse de son mari.

Gabriel entoura son partenaire d’un bras, son regard posé sur la tente. Lui aussi s’inquiétait pour Lucas. Ils avaient tous grandi ensemble. Pour lui, la santé des quadruplés était très importante. Malgré le fait qu’il était marié à Flint, ils représentaient tous sa fratrie adoptive. Qu’ils soient liés par le sang ou non ne le dérangeait pas. Il s’inquiétait pour lui.

— Et s’il mourait ? pleura le grand blond. Que vais-je dire à mon frère ?!

Il venait de lever la tête vers son bien aimé. Le colosse ne savait pas lui répondre quoi que ce soit. Il était bouche-bée.

— Allons, Flint… Ne sois pas si dramatique, lança une voix masculine, depuis la tente.

— La ferme, Lucas ! commença le capitaine. Je t’interdis de parler de…

Il sursauta quand il réalisa que son frère s’était réveillé.

— Lucas ! hurla-t-il, sur ses gardes.

Il rentra rapidement rejoindre celui-ci, allongé sur le sac de couchage. Cassandra et Luna sortirent rejoindre les autres, alors que Gabriel se fraya une place avec son mari.

— Tu m’as fait peur, crétin ! chiala le frère de l’ambassadeur. J’ai cru que t’allais mourir ! Ne me fais plus jamais un coup pareil !

Il se jeta dans les bras de son quadruplé, qui gloussa avant de l’enlacer.

— Allons, on dirait Sarah ! soupira Lucas.

À sa grande surprise, le colosse se joignit à eux et les serra de ses bras forts. Giotto en avait profité pour s’envoler et survoler un peu le camp. Il ne voulait pas déranger les frères Markios durant leurs retrouvailles.

— Arf, Gabou, tu ne vas pas t’y mettre toi aussi ! s’exclama Lucas. J’étouffe…

— Mon bébé ! pleura le golem. Ne nous fais plus jamais ça !

— Eh bah, avoir sût que j’aurais un si bel accueil, je me serais vêtu pour l’occasion, plaisanta leur interlocuteur.

Il s’esclaffa alors qu’il appréciait d’être entouré d’eux. Au bout d’une minute, son estomac se mit à gargouiller.

Flint se tourna rapidement vers son mari qui comprit aussitôt ce qu’il devait faire. Le golem sortit de la tente à la hâte et partit chercher les restes de leur dîner. Il en restait dans un contenant en plastique. Il revint aussitôt avec une fourchette pour nourrir Lucas. Gabriel tremblait tellement qu’il faillit trébucher sur le pied du général et renverser le tout sur la toile de la tente. Il rougit timidement et pénétra l’abri avec une assiette de pâtes et de sauce marinara. Lucas allait enfin déguster l’un de ses plats après plus de quatorze ans ! Le golem était si fier et si heureux de servir son vieil ami qu’il ne pouvait plus contenir sa joie.

¤*¤*¤

Vers quinze heures, Lucas, dont les blessures avaient été pansées, portait de nouveaux vêtements propres et à sa taille. Flint les lui avait passés jusqu’à ce qu’il retrouve sa demeure, à Archenwald. Il était facile de les différencier, car il avait une longue queue de cheval et une barbichette mince, étendue sur la longueur de son visage. Le capitaine avait estimé qu’il ne s’était pas rasé depuis quelques semaines. Gabriel lui avait passé un couteau afin qu’il puisse la tailler un peu. Lorsque l’ambassadeur eut terminé de se laver et de se changer, il avait rejoint le reste du groupe, près du feu de camp qui n’était plus qu’un tas de braises. Tous les regards se posèrent sur lui.

— Par où commencer… se dit Lucas alors qu’il s’installa tranquillement sur une bûche de bois renversée.

Il avait de la difficulté à bouger à son aise. Même soigné, son corps avait besoin de repos. Comme il n’avait pas sommeil, il préféra discuter de ce qui s’était passé durant ces dernières semaines. Il prit un cachet contre la douleur, tandis qu’il observait tous les gens du groupe. Puisque que personne ne répondrait à son ce dernier commentaire, Flint se dit qu’il serait le premier à lui parler. Il était le plus inquiet du groupe et était déstabilisé que son frère prenne cette défaite aussi bien.

L’onguent qu’avaient appliqué Cassandra et Luna sur son corps, agissait aussi comme calmant. Le capitaine se souvint qu’elles en avaient utilisé sur lui, lors de sa fracture de la côte. Un effet secondaire qui n’était pas mauvais en soi.

— Peux-tu nous dire comment t’as eu ces blessures ? fit-il, contrarié.

Lucas pencha la tête d’un côté et respira un grand coup.

— J’étais en mission pour le roi et la reine, avoua-t-il. J’avais pour devoir de traquer la source d’une certaine rumeur concernant un esprit élémentaire. En suivant les directions qu’on m’a données, j’ai fini par trouver la grotte dans laquelle se cachaient des disciples, au sud de la capitale.

Gabriel lui coula un verre d’eau afin qu’il puisse mieux s’hydrater. Il avait la gorge toute sèche. Il accepta volontiers la tasse et pris une gorgée rapide.

— Un esprit ? Lequel ? demanda Dia.

— Éclipse, je crois, raconta Lucas. Mais je pense surtout que c’était un leurre pour vous attirer, ta fratrie et toi.

— L’idée d’attirer l’adversaire en faisant usage de son nom, n’est pas étranger à certaines tactiques de l’ennemi, déclara Shayne. Il est fort possible qu’ils aient tenté d’attirer Éclipse avec ces rumeurs.

— Peut-être, mais nous nous sommes fait avoir comme des rats, formula l’ambassadeur. En compagnie de quelques hommes, nous avons combattu contre la plupart de ces disciples, postés devant cette grotte… Puis j’ai reçu un coup sur la tête.

Annotations

Vous aimez lire TeddieSage ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0