80.3 - Flint et Lucas

7 minutes de lecture

— Il n’a jamais été question que tu te reproduises, dit-il. Athéna souhaitait seulement qu’on protège ce monde, coûte que coûte.

Les autres écoutaient cette conversation en silence. Shayne avait décidé de monter sur le cheval libre alors que Cassandra s’était assise avec les autres, dans la calèche.

— Et si on changeait de sujet ? proposa Flint. As-tu des nouvelles des soldats qui combattaient avec toi, près de la grotte ?

Lucas fit non de la tête.

— Je crois qu’ils sont tous morts, dit ce dernier. C’est probable que la plupart d’entre eux ont été réduits en purée pour ces démons.

— Je suis désolé… répondit Flint.

— Bah, il ne faut pas. Ce sont les risques du métier. Mes supérieurs à Archenwald sauront sûrement me dire ce qui s’est réellement passé.

— Crois-tu qu’ils te croient mort ?

L’ambassadeur haussa les épaules.

— Sinon… fit celui-ci qui tourna son regard vers Flint. Comment vont les affaires avec Kyran ? Est-ce qu’il a recommencé ses recherches ?

— Oh… ça ? mentionna son frère. Disons qu’il a pris un peu de temps avant d’en parler à notre père et le Conseil. Mais d’après lui, ils sont sur le point de régler plusieurs cas d’infertilités. Les recherches de Randell vont enfin servir à quelque chose de positif…

— Quand même, ça a dû être un choc pour lui de se rendre compte qu’il était stérile.

Le jour où Lucas était venu à Baldt pour la toute première fois, Kyran Markios avait pété un câble. Non seulement son frère n’était plus sa sœur, mais il était volontairement infertile. Ils avaient rapidement appris que le conseiller ne pourrait jamais concevoir d’enfant et qu’il était le seul quadruplé hétérosexuel qui aurait normalement pu se reproduire de manière traditionnelle.

Puisque Sarah ne comptait pas se marier et qu’elle se dévouait corps et âme à l’église pour le reste de ses jours, la lignée des Markios s’arrêterait avec eux, à moins d’adopter. Légalement parlant, Estelle Markios était la seule héritière de la fortune de ses parents et de son grand-père.

Les recherches de Randell Tabris étaient bien entendu celles du clonage humain. Une équipe de scientifiques s’était portée volontaire afin de reproduire les cellules souches des personnes infertiles et de les incuber dans des mères porteuses volontaires. La magie et la science avait permis à une jeune femme de la république de porter les semences de son mari. Elle attendait un bébé de sept mois. Si elle accouchait au neuvième mois, Kyran aurait la chance de concevoir son propre enfant, un jour.

— Au moins, Randell nous aura servi à quelque chose, déclara Lucas. Si ce n’était pas de mon entêtement, j’aurais accepté de porter un enfant pour lui, mais pas de lui.

— Tu n’as pas à t’en vouloir pour ça. Sarah peut nous aider, Gabriel et moi. Elle s’est déjà proposé de porter notre enfant en elle. Elle ne demande rien en retour, mais je pense faire une généreuse donation à l’église, si jamais nous procédions ainsi. Nous ne savons pas si nous allons le faire. Je ne voudrais pas lui imposer tout ça. Elle le ferait cependant pour nous, parce qu’elle sait à quel point nous voulons une belle et grande famille… Elle deviendrait aussi la marraine officielle du bébé.

— Ouf… je peux déjà imaginer comment les religieux la chasserait de leur demeure…

— Au contraire, le Père Shalom pense que c’est le plus beau cadeau qu’elle puisse faire à son prochain. Certains moines n’approuvent pas la parole de leur supérieur, mais comprennent que Sarah souhaite le faire par charité et non par gain personnel.

Lucas tourna son regard vers la route.

— Le Père Shalom, hein ? La dernière fois que je l’ai vu, il n’avait pas vraiment apprécié ma transition. Il avait du mal à utiliser mes pronoms.

— Ne t’en fais pas pour ça, répondit Luna, derrière lui. À chaque fois qu’on lui parle de toi, désormais, il utilise les bons pronoms. Il regrette de t’avoir manqué de respect, ce jour-là. Il y avait une nonne trans dans leur paroisse, peu de temps avant votre naissance, en fait. Celle-ci était appréciée de la plupart des gens de Baldt, mais elle s’est enlevée la vie parce que ses frères et sœurs religieux ne l’acceptaient pas. C’est une histoire assez sombre que le Père Shalom a essayé d’oublier.

— Il doit sûrement parler de Sœur Isadora, mentionna Gabriel. Mère Agathielle en avait discuté quelques fois, avant qu’elle ne parte pour Lanartis. Lors de ses discours, elle prêchait que nous devions tous apprendre à nous respecter les uns et les autres, peu importe comment nous nous identifions.

— Tu te souviens de tout ça ? dit Flint qui se tourna vers la lucarne, derrière lui. Nous n’étions que des gamins quand c’est arrivé.

— J’avais déjà le cerveau d’un adulte, chéri.

— Oh, c’est vrai… pardon, rétorqua son époux.

Le capitaine bailla et se croisa les bras avant de fermer les yeux, un moment. Le galop des chevaux le détendait. Il avait toujours aimé dormir en voiture.

— Je me demande si elle est toujours vivante… dit alors Lucas.

— Hein ? Qui ça ? questionna Luna.

— Mère Agathielle. Si c’est le cas, elle doit être aussi vieille que Virgile l’était à sa mort.

— Peut-être. Elle habitait à Archenwald durant tout ce temps. Tu aurais pu lui parler.

— Très juste, mais comme vous le savez déjà, je n’aime plus tellement les églises et encore moins les couvents. Vous vous rendrez vite compte que notre école est dirigée par des nonnes. Ce n’est pas comme à Baldt où vous avez désormais une académie réservée aux brigadiers. Nous avons aussi un établissement privé, réservé aux plus riches de la ville. C’est l’œuvre de ces fichus bourgeois… Bleuh…

Il poussa une grimace, suite à ces mots. Il n’avait jamais aimé la haute société. Il préférait la camaraderie des soldats et ses partenaires de patrouilles.

— J’ai hâte que vous rencontriez Priya et Boris, poursuivit ce dernier. Ils sont un peu comme ma nouvelle famille par extension. Ils sont aussi marrants que vous.

— Tu veux dire, la naine et l’homme-lapin ? demanda Flint qui ouvrit un œil. En effet, ils étaient très gentils quand nous vous avons rendu visite. Que deviennent-ils ?

— Ils sont toujours aussi… Euh…

L’ambassadeur n’avait pas eu le temps de terminer sa phrase. Une flèche s’était planté entre sa tête et celle de son frère. Il se tourna vers la route et ne vit que des points sombres à l’horizon. Pendant ce temps, Shayne donna un léger coup de cheville à sa monture et sortit son arme de sa ceinture. Son corps était recouvert d’une énergie ténébreuse et il fonçait vers ce qui venait de les attaquer.

— Préparez-vous à combattre ! ordonna Flint.

Il bondit de son siège alors que les autres sortaient de la voiture. Lucas s’éloigna avec la calèche dans une direction opposée, afin de protéger les montures. Les points noirs devinrent rapidement de nombreuses personnes. Ils étaient au moins une vingtaine. Tous armés et vêtus de capes noires. Le capitaine reconnut ce style pour l’avoir vu à plusieurs reprises, par le passé. Ils étaient tous membres du culte de Perséphone.

Un premier individu fonça dans sa direction et tenta de lui dérober Dia, qu’il tenait fermement dans sa main droite. Par réflexe, Flint lui trancha la main. Son adversaire recula et lui planta une dague dans le bras non-armé. Flint hurla de douleur.

— Attention ! lança Gabriel.

Le colosse fonça vers le disciple et lui donna un coup de poing. Dans ses mains, il ne portait pas une hache, mais deux gants argentés, d’un cuir étrange. Ces derniers disparurent et un dragon de très grande taille fonça en direction des malfrats. Giotto lança un puissant jet de feu qui brûla vif, trois de leurs adversaires.

Cassandra, quant à elle, venait d’abattre l’archer de leur groupe et s’en prenait déjà à leurs mages. Elle était assistée par Luna qui mobilisait les plus puissants avec des sorts paralysants. Au bout de quelques minutes, ils avaient abattu tous les disciples, sauf l’un d’entre eux, qu’ils gardèrent comme prisonnier. Shayne s’assura qu’il n’avait pas de seringue à sa possession. À en juger leurs apparences variées, il comprit que ce n’était pas des clones, mais de véritables personnes.

— Qui êtes-vous et pourquoi avez-vous tenté de nous tuer ? demanda le général qui pointa son épée près de la nuque du captif.

— Des mercenaires, rien de plus ! brailla l’homme. Nous ne faisions que suivre les ordres. Par pitié, ne me tuez pas !

Il braillait tellement que son nez coulait à une vitesse hallucinante.

— Ces capes noires sont de piètres qualités, remarqua Cassandra, qui rangea son arme. Rien à voir avec le culte qu’on a jadis combattu.

— Très bien, dit Shayne. Maintenant dites-nous qui était votre employeur.

— Je… je ne sais pas ! continua le prisonnier. Vous avez tué le chef de notre groupe et il était le seul qui connaissait son identité. Tout ce qu’on devait faire, c’était capturer le dragon et la louve… Il nous a demandé de vous faire peur si nécessaire ! On ne s’attendait pas à tous se faire tuer !

— Oh, mais quel dommage, répliqua le vampire, sarcastiquement. Vous vous êtes trompés si vous croyiez que nous vous laisserions nous avoir comme ça.

— Je le vois maintenant et je regrette absolument tout ! S’il vous plaît, laissez-moi partir ! Je jure que je ne tenterais plus de piller quoi que ce soit de toute ma vie !

— Jamais de la vie.

Shayne lui trancha la gorge et laissa le corps tomber par terre.

— Une ordure de moins sur cette terre, dit-il avant de lui cracher au visage.

— Rappelle-moi de ne jamais te fâcher, ajouta Flint qui s’approcha du général.

— Mouais, et ce n’est pas le premier groupe qui nous attends. Il y en d’autres sur la route. Il s’agit sûrement de l’accueil de ton oncle.

— Comme c’est charmant… Que nous suggères-tu, Wolfe ?

Le grand elfe au teint basané se tourna vers son subordonné, à la fois surpris et touché que celui-ci lui fasse confiance dans cette décision.

— Je propose que nous quittions la route et que nous tentions de les éviter. Ils sont trop nombreux pour nous et nous risquons d’épuiser notre mana avant la nuit.

— Bonne idée, acquiesça Flint. Partons maintenant.

Sur ces mots, le général et le capitaine ordonnèrent aux brigadiers de rejoindre la calèche et ils partirent, après avoir décidé de croire au flair du vampire.

Annotations

Vous aimez lire TeddieSage ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0