83.2 - Des retrouvailles corsées

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Elle en avait assez de garder pour elle ce qu’elle avait sur le cœur, alors se tourna vers lui et lui rentra son index dans le torse. Elle le regardait d’un air sévère.

— Qu’est-ce qui t’as pris de tuer le mercenaire engagé par nos ennemis ?! grogna-t-elle. Il t’a supplié de l’épargner !

— Oh ! C’est pour ça que tu es fâchée ?

— Non ! Enfin, si ! Tu es tellement violent ! Pourquoi toute cette violence gratuite ? Tu sais que j’ai horreur de ça !

Elle se croisa les bras et souffla sur une mèche qui lui tombait devant le visage.

— Il avait fait une erreur de jugement, ce n’était pas une raison pour lui enlever la vie, ajouta Cassandra. Et puis, j’ai remarqué que tu as un plaisir malsain à boire le sang de toutes les bêtes que nous tuons depuis notre arrivée en enfer… Je ne te reconnais plus, Shayne. Tu es en train de laisser tes pulsions démoniaques prendre le dessus !

— Euh… c’est que… balbutia le général.

— Je te croyais différent. Mais non… Plus le temps passe et plus j’ai peur de toi !

— Mais Cassie…

Il allait s’approcher d’elle pour la prendre d’une main, mais elle le repoussa et lui fit signe de rester loin d’elle. Elle fit demi-tour et s’éloigna de quelques pas.

— M… mais où vas-tu !? bégaya celui-ci.

— J’ai besoin de m’éclaircir les idées, grogna-t-elle.

— Mais Cassie… ! pleurnicha son amant.

— Non !

— Caaaaassiiiiiiiiie… !

— N’insiste pas !

Cassandra s’éloigna davantage, le général se sentait impuissant face à la colère de sa partenaire. Il décida tout de même de la suivre, piteusement.

Les autres avaient remarqué cette dispute ; ils préféraient ne pas s’en mêler. Surtout pas Misaki qui comprenait à quel point son amie avait été perturbée par le récent comportement étrange du vampire.

— Croyez-vous qu’ils vont s’en remettre ? demanda Estelle, qui se tourna vers ses parents. Je l’ai rarement vu dans un tel état…

Gabriel haussa les épaules, il était aussi mêlé que sa fille. Il avait remarqué une étrange tension se former entre le couple ; d’autant plus que Shayne n’avait pas l’habitude de se montrer si vulnérable.

— L’amour peut nous faire réaliser des choses complètement absurdes… pas vrai chéri ? commenta Flint qui caressa ensuite la tête de son mari.

Le colosse plissa des yeux et toisa son époux.

— Ha, ha, répliqua-t-il machinalement. Très drôle.

Il lui tira la langue alors que Flint lui pinça la joue.

— Mon gros toutou adoré, prononça-t-il.

— Arf, pas devant les autres… couina son interlocuteur.

— Quels genres de choses absurdes ? demanda l’adolescente.

— Ah, tu comprendras quand tu seras un peu plus vieille, répondit le capitaine. Profite de ta jeunesse, tu n’as pas besoin de pervertir ton âme, comme les joyeux lurons qui te servent de parents.

Il lui fit un clin d’œil et lui donna une bise sur le front.

— Je ne suis plus si jeune que ça ! bouda Estelle.

Elle hésitait à lui dire qu’elle était déjà au courant pour leur jeu de rôle canin, sans oublier toutes les fois qu’elle les avait surpris en train de faire l’amour.

Kylie toussa pour essayer de leur faire changer de sujet.

— Et si on discutait plutôt de l’arrivée de notre nouvelle amie ? proposa alors Scottie, qui souhaitait aider Estelle.

— Ah ouais, tu es très silencieuse, remarqua Wyatt qui examina la loutre, assise à côté de lui. Quelque chose ne va pas ?

Bella n’avait rien dit depuis l’arrivée des autres. Elle bouillait surtout de l’intérieur, car la magicienne occupait toutes les pensées de son porteur. La petite mamifère s’était sentie délaissé et n’aimait guère ce sentiment. Elle se croisa les pattes avant et tourna son regard dans une direction opposée.

— Quelle merveilleuse surprise, remarqua Dia, sarcastiquement. On aurait tellement pu se passer de la starlette de la famille…

— Dit la plus grande idiote de l’univers, se moqua la loutre.

— Attends un peu que je t’attrape ! grogna la louve.

L’esprit de la lumière se leva sur ses quatre pattes et s’apprêta à bondir par-dessus les jambes du colosse afin d’aller mordre Bella. Le golem la rattrapa par le collet et l’empêcha de bouger davantage. La queue de Dia roula en dessous de son corps et ses oreilles baissèrent vers l’arrière.

— Ça suffit, vous deux ! ordonna Giotto. Votre vieille querelle a assez durée.

— Mais c’est elle qui a commencé ! bouda Dia.

Le dragon miniature descendit du bras libre de son porteur avant de se déplacer en direction de la loutre.

— Quant à toi, cesse de provoquer ta sœur. Vous êtes toutes les deux aussi pathétiques, l’une que l’autre.

— Eh ! couinèrent-elles, en même temps.

— Rappelez-vous pourquoi nous sommes ici, plutôt que de lutter à savoir qui est la plus jolie et la plus célèbre des deux élémentaires, continua l’aîné des esprits. Vous êtes des enfants d’Athéna et votre mission est de protéger le monde d’Aeglys ! Rien d’autre ! Alors cessez-moi ces gamineries, tout de suite !

Bella et Dia prirent un moment avant de répondre, en choeur :

— Oui, chef…

Flint regarda le dragon et dit :

— Ainsi donc, ils te considèrent tous comme le patriarche du groupe ?

— En quelque sorte, déclara Giotto. Lorsque je ne suis pas dans les parages, c’est Éclipse et Nox qui devraient normalement s’occuper de notre fratrie.

— Éclipse ? On sait peu de choses à son sujet. Croyez-vous qu’elle est toujours vivante ?

— Sans doute, mais nous ne pourrions le confirmer. Tout est si étrange en enfer. Nous avons beaucoup de difficulté à ressentir notre présence sur de plus grandes distances, donc il nous faut voyager beaucoup afin de ressentir ces ondes.

— Je vois…

Le blond se tourna alors vers sa fille et les jumeaux.

— Et où comptiez-vous vous rendre prochainement ? dit-il. Nous essayons de retrouver les autres esprits élémentaires…

— Nox devait nous guider jusqu’au campement d’une amie, au nord de la région. Il dit qu’une certaine Cordelia Lawson pourrait nous aider, répliqua Scottie. Par contre, nous avons perdu la trace de notre ami félin.

Dia, toujours coincée à cause de la main forte du golem, tourna légèrement la tête vers le jumeau. Elle cligna les yeux avant de lui dire :

— Il est toujours vivant ? Sapristi !

— Ouais, ajouta Estelle. Même qu’il a dormi avec nous quelque temps. Puis il a disparu dernièrement, alors que nous prenions la fuite de Drokaï.

Bella bailla et s’allongea sur le ventre.

— Si vous voulez mon avis, il était dans le camp ennemi, depuis tout ce temps, dit-elle. Qui d’autre donnerait autant d’informations aux disciples, pour nous retrouver ? C’est un expert des ombres, donc il peut très bien se cacher derrière nous…

— Ne dis pas de sottises, ma sœur, gronda le dragon. Nox est le plus loyal des créations de notre déesse. Jamais il ne nous trahira.

— Il suffit qu’un chaman joue avec ses méninges pour qu’il dérape… Bref, je ne lui fais pas confiance. Pas plus qu’aux personnes de ce groupe, sauf Wyatt. Tout le monde peut devenir un potentiel ennemi, ici. Autant vous habituer tout de suite.

Flint n’aimait pas le ton de cette créature. Il reconnaissait qu’elle avait vécu en enfer plus longtemps que les autres, mais sa façon de leur parler lui faisait grincer les dents. Toutefois, il devait admettre qu’elle marquait un point. Il était difficile de faire confiance à de parfaits inconnus. Cela n’expliquait pas pourquoi elle était si craintive de Dia et Giotto. Peut-être croyait-elle qu’ils étaient des imposteurs ? Il se frotta le menton et réfléchit.

— Ce qu’elle est fatigante, soupira Luna. Tiens, j’vais vous rendre service.

La magicienne lança un sort sur la loutre qui se prit aussitôt la gorge. Elle semblait crier, mais aucun son ne sortait de ses cordes vocales.

— Mais qu’est-ce que t’as fait ? demanda Wyatt, déconcerté.

— Je lui ai enlevé la faculté de parler, c’est tout. Ça durera vingt-quatre heures.

— Ce n’était pas nécessaire ! lui reprocha son meilleur ami.

— Crois-moi, si nous sommes pour l’endurer pour quelque temps, j’aimerais mieux ne pas l’entendre.

Bella se croisa les pattes et lança un jet d’eau à la figure de la magicienne. Luna s’essuya le visage. Pour toute réaction, elle fit apparaître un nuage minuscule de foudre au-dessus de la loutre et un éclair lui tapa les fesses.

— OK, là je trouve que tu vas trop loin ! grogna Wyatt avant de se lever.

Il ramassa l’animal et contourna le feu de camp pour aller soigner la blessure. Luna esquissa un sourire. Enfin… elle s’était débarrassé du mage. Elle ne pouvait plus supporter qu’il la prenne pour un objet. Elle ne savait toujours pas comment lui dire ce qu’elle pensait vraiment de sa déclaration d’amour.

— Crois-moi, Gio, ce n’est pas l’envie qui me manquait de lui en coller une, soupira Dia de soulagement, ce qui sortit Luna de ses pensées. Belladonna refuse de grandir. Autant utiliser les grands moyens.

— La violence n’était pas nécessaire ! grogna le dragon. Elle est des nôtres, quand même ! Ah puis, peu importe… Vous n’en ferez qu’à votre tête…

Flint était déçu de voir comment les choses évoluaient dans son groupe. Trois disputes en moins de vingt minutes. Ils battaient un record, ce jour-là.

— Luna, rends-lui sa voix, ordonna-t-il.

— Mais je… répondit la magicienne.

— Tout de suite.

Il fusilla sa subordonnée sévèrement. Elle déglutit et obéit aux ordres de son capitaine. Une fois le sort rompu, la loutre se mit à lâcher une tonne de jurons et de commentaires, à une telle rapidité que personne ne la comprenait sauf Wyatt.

— Maintenant, excuse-toi, ajouta Flint.

— Ouais, ouais… râla la magicienne.

Elle tourna son visage vers la loutre et formula :

— Désolé que personne ne veuille de toi ici.

— Je vais la tuer ! grogna Bella.

— Eh merde, soupira Flint, une main sur le visage.

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