85.1 - Charlie et Gabriel

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Selon les dires de Wyatt et Estelle, le village d’Alba était infesté de démons. Le groupe de Flint décida donc d’éviter cet endroit et se dirigea plutôt vers l’ouest. Un quart d’heure plus tard, ils ralentirent. Ils n’avaient croisé que des monstres de petites tailles et sans importance, sur la route.

— Ouf… je n’en peux plus… gémit le golem. Mes jambes vont me lâcher !

— Habitue-toi, bouboule, dit Luna. Nous n’avons pas de chevaux.

Derrière elle, Kelvin bondissait derrière eux à chaque fois qu’ils avançaient. Il n’avait pas encore formé de lien avec la magicienne. Il préférait les suivre pour l’instant. Même si la jeune femme était triste qu’il ne lui fasse pas confiance, elle savait que cet enfant avait besoin de se trouver près de son frère et de sa sœur.

— Je peux m’asseoir sur Charlie, non ? demanda le colosse.

— Pas avec ce dos-là, non, dit sa hache. Je pourrais essayer de retourner à ma forme draconique, mais mon pouvoir est assez instable depuis que nous ne formons plus qu’une seule personne, mon petit-fils et moi.

— Ah, parce que la phase d’ours polaire est temporaire ? interrogea Flint, intrigué par cette conversation.

— Je l’ignore, ajouta l’arme de son bien-aimé. Par contre, je sais que je suis l’un des seuls esprits élémentaires capable de prendre différentes formes, depuis qu’on m’a mis au monde. Je crois que ça a un lien avec l’élément de la création. Un esprit tel que Dia ou bien Kelvin ne pourrait pas se transformer autant qu’il le voudrait, mais moi, je n’ai habituellement pas ce problème.

— Ce n’est pas vraiment ce que vous nous avez expliqué, plus tôt, remarqua le golem. Je pensais que vous pouviez changer selon vos désirs… Je me trompe ?

— Surtout lorsque nous nous réincarnons, expliqua la louve. Une métamorphose secondaire requiert beaucoup de mana. Par contre, nous pouvons agrandir ou diminuer la taille de nos corps facilement. Cette transformation est mineure, donc elle est facile pour toutes les créatures de notre famille. Par contre, ce que Giotto peut faire, c’est typique de sa nature. Il n’utilise pas autant d’énergie magique que nous.

— C’est Charlie, corrigea la hache. Chaaarlie.

— Ouais, ouais… soupira la louve. Pardon, je vais devoir m’y habituer…

— Donc, ça fait de toi un polymorphe ? demanda Gabriel.

— Plus ou moins… J’ai toujours aimé être un dragon, mais j’ai l’impression que mon nouveau moi désire autre chose.

Le colosse hocha la tête et frotta le bout non-tranchant de sa hache, pour le réconforter. Ils devenaient très proches, ces deux-là.

— Ne t’en fais pas, mon ami, dit le porteur. Nous trouverons bien un nouveau corps qui conviendra à ton âme. Mais si tu veux mon avis, tu gagnes des points en ours polaire.

— Héhé, gloussa l’arme.

— C’est vrai que c’est bien comme changement, remarqua Luna. Pour être franche avec toi, ton autre forme me faisait peur. La version miniature n’était pas si terrifiante que ça, mais quand tu étais gigantesque, j’avais presque envie de prendre la fuite. Un ours polaire, à côté de ça, ça m’a l’air moins terrifiant…

— Elle n’a pas t… tort, couina le phénix, qui les suivait toujours.

Il était tellement timide et silencieux qu’il parlait à peine. La magicienne se tourna vers lui et remarqua qu’il avait diminué en taille. Il lui descendait jusqu’à la poitrine. Elle jugea que cela devait être plus ou moins sa grandeur normale et que celle qu’ils avaient vue plus tôt, n’était qu’une illusion.

— Es-tu certain que tu n’as pas besoin qu’on prenne une pause, Kel’ ? demanda Dia, qui se sentait concernée par son petit frère.

— N… non… fit celui-ci. J’ai seulement besoin de c… calme.

L’oiseau avait besoin de se dégourdir les ailes, alors il s’envola au-dessus de leurs têtes et fit quelques cercles autour d’eux. La lueur de ses plumes éclairait un peu le chemin, mais il n’allait pas tarder à éteindre ses flammes naturelles, car il ne souhaitait pas attirer les démons vers eux.

— Il est plus anxieux que dans mes souvenirs, formula la louve. Sa dernière mort l’a grandement affecté.

— C’est exact, émit la hache. Il est en bonne compagnie, désormais.

Flint s’étira les bras dans les airs et bailla. Il commençait à avoir mal à force de marcher. Lui aussi avait besoin de se reposer un peu. Bientôt viendrait l’heure du dîner et il avait quelques collations dans son sac de voyage, toutes préparées au matin. Les légumes sauvages fluorescents qu’ils avaient trouvés se mangeaient bien. Il n’aimait pas particulièrement les tomates, mais ne s’en plaignait pas puisque la nourriture était plutôt rare sur ces terres.

La consommation de viande était évitée, d’après ce qu’il avait entendu de Wyatt. La plupart des démons n’avaient rien d’appétissant. S’il réussissait à trouver des chevreuils ou bien des sangliers sur les plaines sombres, ils étaient chanceux. Toutefois, plutôt que de condamner la faune de cette dimension, ils essayaient de se limiter aux champignons, et aux plantes sauvages. Il y avait aussi beaucoup de poissons et de crustacés qu’ils pouvaient pêcher. Les monstres n’aimaient pas les rivières. Étrangement, il n’y avait plus d’eau dans l’océan. Ces terres étaient plutôt sèches, contrairement à la version aeglysienne de Lanartis.

Flint et ses amis avaient rapidement remarqué que la circulation de l’air était étrange et qu’il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid. Ce monde obscur n’avait d’infernal que la surpopulation de monstres. La lune rouge donnait néanmoins un aspect inquiétant à tout ce qui les entourait.

— Vous allez rire, mais j’ai toujours imaginé que cette dimension serait plus effrayante que ça, remarqua le capitaine. Quand j’étais plus jeune, je me souviens d’avoir lu des passages dans la bible où c’était écrit que les âmes des damnés brûlaient éternellement dans les flammes des enfers. Je trouve ça étrange, car ce monde n’a rien de tout ça…

— Bah, il faut se dire que cet endroit n’a qu’un seul but et c’était de sceller Perséphone et ses sbires, loin des mortels, dit Gabriel. Je pense que ces passages ont été inventés afin de nous encourager à ne pas dévier de la foi.

— Moi j’appelle ça du chantage, ajouta la magicienne. C’est pour ça que j’ai arrêté de prendre les religieux au sérieux. Ils ne pensent qu’à contrôler les masses.

— Notre religion est loin d’être parfaite, mais au moins je sais maintenant qu’Athéna existe, continua le golem. Selon moi, servir les esprits élémentaires en plus d’avoir un mari avec des ailes, ça me confirme que le monde spirituel est bien réel.

— Peu importe, je suis curieuse à présent, formula Luna qui plaça une mèche derrière son oreille. J’aimerais rencontrer la déesse, un jour. J’ai tant de questions à lui poser sur la magie et…

Elle allait terminer sa phrase, lorsqu’elle réalisa qu’elle parlait ouvertement d’Athéna comme une simple humaine. Elle se sentit embarrassée. Même si la magicienne n’était pas très pratiquante de sa religion, elle avait développé un certain respect pour les esprits élémentaires et leur créatrice.

— Et toi, Flint, tu te vois comment ? formula Luna. Tu es un ange, après tout, donc… Ça doit te faire bizarre d’être l’enfant biologique d’une déesse… non ?

— Pour être honnête avec vous, je n’en ai aucune idée, répliqua son interlocuteur sans même se retourner. J’ai seulement envie de reparler à ma mère et peut-être avec mon oncle, si j’en avais l’occasion. Je me demande comment se déroulent les choses pour eux, là-haut…

Le golem haussa les épaules et pointa un bâtiment alors qu’ils avançaient dans l’obscurité.

— Eh, en parlant de trucs religieux, regardez ce que j’ai trouvé, dit-il.

Ils tournèrent tous leurs têtes vers une vieille église délabrée. La porte était grande ouverte, il n’y avait aucun signe de vie à l’intérieur. La magicienne y envoya un feu follet magique pour éclairer un peu le bâtiment, afin de s’assurer qu’il n’y avait personne. Le tout se trouvait à plusieurs mètres d’eux. Ils s’y rendirent.

— Examinons cet endroit et voyons ce que nous pourrons y trouver, dit Flint. Nous pourrons nous y reposer pour quelque temps, s’il est vide.

— Bonne idée, répondit la louve.

Plus ils s’avançaient dans le bâtiment, plus le capitaine avait l’impression que sa mère les guidait ici-bas. Il ignorait si cette dernière exerçait le moindre pouvoir sur ce monde ou si elle les avait complètement oubliés, mais il espérait que tôt ou tard, elle remarquerait le danger dans lequel ses deux fils et leurs amis s’étaient retrouvés.

L’intérieur de l’église était complètement vide, sauf qu’il y avait des bancs tassés contre les murs, des sacs de couchages laissés par d’anciens visiteurs et des graffitis étranges tracés sur les murs. Le blond comprit que cet endroit avait été visité par les éclaireurs de Cordelia Lawson ou bien l’homme qu’ils appelaient Estagar.

Il y avait peu d’êtres vivants dans cette région, autre que les survivants et la Septième Brigade. Flint ne savait pas s’il devait se réjouir de savoir qu’ils n’étaient pas seuls ou bien s’il devait avoir peur pour sa peau.

— Cet endroit me fait peur, murmura-t-il pour lui-même.

Un coup de pinceau ici et là et l’église serait comme neuve. Cependant, elle n’avait plus rien d’un endroit sacré, mais plutôt un bâtiment qui avait été souvent utilisé comme abri. Il détectait toutefois un puissant charme à l’entrée, un sort de protection qui repoussait sûrement les monstres ou bien les intrus maléfiques. Un mage puissant l’avait installé avant de repartir.

— Nous ne risquons rien dans ce sanctuaire, prononça la louve, aux pieds du capitaine. Je ressens l’influence d’Athéna entre ces murs.

— Ah bon ? demanda Flint. Je pensais que tout ça venait d’un simple mage.

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