85.2 - Charlie et Gabriel

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— L’enchantement est beaucoup trop puissant pour ça. C’est possible que l’un des membres de ma fratrie soit passé par ici et qu’il soit notre bienfaiteur, mais je ne saurais te dire qui c’était.

La magicienne s’approcha de son supérieur et ajouta :

— En tout cas, peu importe qui c’était, mon mana se régénère déjà. Cette église est un puits d’énergie magique. On devrait s’en servir comme abri temporaire. Si nous pouvions prévenir les autres, ça serait un excellent endroit où dormir, quelque temps.

— Je suis du même avis, ajouta Dia. Mais n’oublons pas que nous sommes toujours à la recherche d’Éclipse.

— Je ne ressens pas sa présence, dit Charlie. Ni celle de Lusso ou même Windy. Les périmètres sont vides de toute énergie magique, à part cette église.

— Mince alors… couina le phénix, derrière eux.

Dia se tourna vers l’oiseau aux plumes brillantes.

— Ah, c’est vrai… constata celle-ci. Lusso et toi êtes très proches…

— Mais où peut-il bien se trouver… ? pleurnicha Kelvin. Je veux mon grand frère… Je veux mon Lusso…

Les larmes du phénix brisèrent le cœur de Luna. Celle-ci comprenait à quel point il était difficile d’être séparé de ceux qu’on aime. Elle s’approcha de l’oiseau et lui posa une main sous le bec, pour lui caresser le visage.

— Tout doux, Kel’, dit-elle. Ne t’en fais pas pour lui. On le retrouvera.

— T’en es sûre ? couina celui-ci.

— Nous allons faire de notre mieux, je peux te le garantir, ajouta son interlocutrice qui lui fit son plus beau sourire.

— Je… je vois… mmm… euh…

L’oiseau semblait hésiter à lui dire quelque chose. La jeune femme, curieuse, lui demanda :

— Quoi donc ?

— Finalement… je veux bien te laisser une chance.

Le corps de Kelvin s’illumina à un tel point qu’il produisit un peu de lumière autour de lui. Il devint une boule d’énergie qui se transforma rapidement en ailes magiques, sur le dos de Luna. La magicienne réalisa ce qui venait de se passer. Elle gloussa et fit battre son nouvel accessoire, pour se pratiquer.

— Nous avons fait un pacte ! s’exclama-t-elle. Trop cool !

Elle leva un poing en l’air, sauta de joie et s’envola jusqu’au plafond de l’unique grande salle de l’église. Toutefois, elle ne maîtrisait pas le vol, et se cogna la tête.

— Ouille ! gémit celle-ci. Hahaha ! C’est trop marrant !

Flint soupira et secoua la tête.

— Au moins, on en a une qui s’amuse, reconnut-il.

— Mm hmm, répliqua le golem, qui observait leur amie virevolter au-dessus de leurs têtes. On dirait qu’elle a attendu ce moment, toute sa vie.

— Youpiiiiiiii ! couina leur amie, dans les airs. Aïe !

La demoiselle venait de se cogner cette fois contre un mur. Elle tomba au sol, entre deux bancs de l’église. Elle rit aux éclats. Après s’être relevée, elle essuya son pantalon. Le phénix se matérialisa à côté d’elle, perché sur l’un des sièges. Il l’observait en silence. Il la trouvait curieuse.

— Tu es étrange… dit-il. Mais je suis content que ça t’ait plu.

— Et comment ! J’ai toujours désiré m’envoler, depuis toute petite ! C’était une expérience amusante ! J’ai hâte d’essayer ça dehors…

— Pas si vite, Luna, dit Flint. Nous devons d’abord nous reposer. J’ai besoin d’une sieste. J’ai mal dormi la nuit dernière et je commence à avoir… envie… de dormir…

Le jeune homme bailla et s’étira les bras, encore une fois depuis tout à l’heure.

— Ouais, ouais… bouda la magicienne.

Gabriel trouva une marmite au fond de la grande salle, renversée et recouverte de poussière. Les anciens occupants de l’église avaient laissé une note sur un comptoir comme quoi il fallait le replacer de la même manière, une fois utilisé puis lavé. Le colosse avait aussi remarqué un vieux feu de camp, à l’extérieur du bâtiment. Il n’y avait pas de cuisinière électrique, donc les voyageurs devaient sûrement se servir des braises pour bouillir leur eau. Pour cette fois, ils ne cuiraient rien. Le golem avait déjà préparé quelques sandwichs qu’ils avaient conservés dans son grand sac à dos.

Il se tourna vers la jeune femme et demanda :

— Luna, tu veux quelle saveur ? Tomate ou saumon ?

— Saumon, dit la jeune femme.

— Flint ? poursuivit le gros guerrier.

— Eh, je vais me contenter de ma salade de crudités et ma bouteille d’eau... répondit mollement son mari.

— J’ai aussi quelques noisettes, si ça t’intéresse.

— Ça ira, t’en a plus besoin que moi…

— Ne dis pas de sottises, t’as besoins de tes protéines !

Alors que les deux mariés discutaient de leur dîner, Dia sortit de l’église, accompagnée de Charlie. Comme d’habitude, les deux esprits partaient à la chasse pour leur repas. Flint et Gabriel commençaient à s’habituer à leurs habitudes alimentaires. Kelvin décida de rester près de sa toute nouvelle porteuse. Celle-ci lui offrit un morceau de sandwich. Il n’aimait pas le pain, mais mangea le saumon émietté. Ensuite, il déploya ses ailes et rejoignit la louve et l’ours. Il avait besoin de faire un peu d’exercices.

Quelques heures plus tard, les esprits élémentaires étaient de retour à l’église, mais Flint dormait alors que Luna préparait une nouvelle potion dans la marmite, à l’extérieur du bâtiment. Dia se reposait près de son porteur, alors que Kelvin était perché sur le toit, il scrutait les environs pour le moindre signe de danger. Gabriel, de son côté, récoltait des baies sauvages. Charlie nageait dans la grande rivière, tout près de lui. Il cherchait du poisson pour leur souper.

— T’en as déjà pêché trois, dit le golem qui se tourna vers son ami. Je crois que ça sera suffisant. Tu peux remonter, à présent.

— Non, dit l’animal. J’ai faim, alors j’aimerais m’en attraper un ou deux !

— Ah, ton dîner ne t’a pas rempli ?

— Je n’ai rien trouvé d’appétissant…

Le colosse haussa les épaules, alors que la tête de l’ours entra sous l’eau.

Ils avaient décidé de camper à l’église pour la nuit. Luna voulait s’assurer qu’ils aient suffisamment de potions pour les jours à venir, autre que celles qui leur permettait d’accumuler du mana plus rapidement. Elle leur préparait tout ce qui leur permettrait de survivre plus facilement : potions pour voir dans le noir, antidotes, anti-paralysants, remèdes, etc. Elle avait même concocté quelques baumes que Cassandra lui avait appris.

Pendant ce temps, les esprits fouilleraient les lieux, en compagnie de Flint et Gabriel. Ils avaient déjà trouvé quelques bâtiments vides, au sud de l’église. Ils se trouvaient dans un vieux village sans nom. Il n’y avait pas tellement de bestioles dans les parages, sauf deux gobelins qu’ils avaient abattus sans problème. Les immeubles avaient déjà été pillés par les voyageurs et les monstres. Il ne restait plus grand-chose à collecter. Le capitaine s’était tout de même trouvé un matelas qu’il avait traîné jusqu’à l’église. Le golem ou bien la magicienne pourraient dormir dessus après lui.

— Ah, te revoilà ! fit Gabriel qui remarqua l’ours sortir de la rivière.

Mais ce n’était plus un ours. Un tigre blanc tenait dans sa gueule un gros poisson qui gigotait dans tous les sens. Le félin s’approcha du porteur et déposa ce qui semblait être un saumon, à ses pieds.

— Charlie ? demanda le guerrier. Est-ce que c’est toi ?

— Euh… est-toi qui a grandi ou j’hallucine ? fit le tigre.

— T’as encore changé…

— C… comment ça ?

Gabriel lui pointa l’eau de la rivière. Le félin s’observa un instant et sursauta. Il râla quelques mots que son maître ne comprit pas et secoua sa fourrure.

— Tu ne contrôles plus tes transformations, on dirait, dit le porteur. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour t’aider ?

— Non… ça ira… répliqua son ami. Mon corps a simplement besoin de temps à s’habituer à toute l’information qu’il est en train d’accumuler. J’ai vécu des milliers d’années, après tout. Ça devrait se régler d’ici quelques semaines.

— Jamais je ne t’aurais imaginé en gros chat, mais j’aime bien ta nouvelle bouille.

Gabriel gloussa et s’approcha du tigre, avant de lui caresser la tête. Il lui dépassait les genoux, pour cette raison il devait se pencher pour l’atteindre. Charlie était légèrement plus grand que Dia et Nox, sous cette apparence. Il était svelte et musclé, pas une once de graisse sur la peau. Sa fourrure était ni trop courte, ni trop longue. Il se lécha une patte, par réflexe.

— Ah, je me sens à mon aise, dit le félin qui s’étira. Je crois que je pourrais m’y habituer. Penses-tu que ça me convient ?

— L’important, c’est que ça te plaise.

À sa grande surprise, le gros chat se retrouva dans les bras de Gabriel qui s’était assis par terre afin de le retourner sur le dos. Il lui gratta le torse.

— Je ne suis pas un chat domestique, tu sais ? soupira le tigre, peu impressionné.

Le golem enfouit son visage dans la fourrure de son partenaire et lui donne une bise sur le museau. Le félin ronronna, et se dit qu’il n’y avait aucun mal de passer un peu de temps en compagnie de son porteur.

— Je t’aime, Charlie, dit Gabriel. Tu le savais, n’est-ce pas ?

— Je t’aime aussi, mon ami, dit le tigre qui lécha le visage de son porteur.

— J’espère que tu vivras avec nous pour de nombreuses années !

Il frôla son nez sur le museau de son partenaire de combat et le serra contre lui. Charlie représentait pour lui, plus qu’un simple esprit élémentaire. Il le traitait comme son tout nouveau bébé, depuis qu’ils s’étaient rencontrés.

En premiers lieux, le polymorphe s’était senti déconcerté par tant d’affection, mais il avait fini par apprécier le grand cœur du colosse. Il retombait en enfance, puisqu’il avait fusionné avec son petit-fils. Même que l’esprit élémentaire se demandait s’il ne désirait pas être considéré comme un animal de compagnie. Il souhaitait se faire gâter par son nouveau maître.

— Tu peux m’appeler Papa, tu sais ? dit le golem pour taquiner le tigre.

— Ne sois pas ridicule ! formula le tigre qui cligna les yeux.

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