86.1 - La famille Tabris

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— Tu ne plaisantais pas quand tu disais que cet homme te ressemble, remarqua Luna qui examinait la photo près du feu de camp.

— Bien sûr que non ! grogna Gabriel. Je me sens molesté !

Le colosse était assis sur une chaise en plastique et tapa dans une table à côté de lui. Il était revenu de sa visite dans la maison qu’il devait fouiller pour Flint et était dans tous ses états. Le blond avait déjà observé l’image et n’en revenait pas à quel point le père de famille était le sosie de son mari.

— Évidemment, le garçon sur cette photo, c’est Randell, n’est-ce pas ? dit la magicienne qui tourna sa tête vers le golem.

Ce dernier hocha la tête, alors qu’il essayait de se calmer.

— Ne sautons pas aux conclusions, remarqua Flint. N’oubliez pas que cette dimension pourrait avoir connu des versions très différentes de nous.

— Oh arrête de dire des conneries ! ajouta son mari. Tu le sais bien que j’ai raison ! Mon ADN vient tout droit de ces deux hommes. Mon corps n’est qu’une copie de mon grand-père ! Comment crois-tu que je devrais me sentir ?!

Le capitaine eut un petit sourire en coin, mais fronça des sourcils. Il éprouvait beaucoup de compassion et de respect pour son cher et tendre époux, cependant il trouvait étrange que celui-ci ait trouvé cette photo à cet endroit. Était-ce un cadeau de la Déesse Athéna ? Tentait-elle de les guider à travers cet enfer ? Il s’était toujours demandé quelles étaient les origines de la famille Tabris. Si Gabriel avait raison sur ce point, l’ex-conseiller de Baldt venait effectivement de cette dimension.

— La guerre a eu lieu, il y a fort longtemps de cela, par contre, dit Luna. Si Randell est bel et bien l’enfant de cette photo, alors il devait être très, très vieux.

— Il n’y a aucune archive sur sa famille, à la république, commenta Flint. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il était un ami de la famille de Wyatt et qu’il était aussi le meilleur ami de Virgile Knox. Avant ça, personne ne savait où il vivait.

— Oui, mais il est arrivé à la capitale très jeune. Il prétendait être de Xu Fahn, je crois. Si ça se trouve, il a eu recours à un sortilège de transfert d’âme très puissant afin de mettre son âme dans un nouveau réceptacle.

— Je ne crois pas. Le petit garçon sur cette photo a des traits similaires à celui du vieux mage. Ils ont les mêmes yeux…

— N’oublie pas que Randell est le seul à avoir rendu le clonage humain possible… continua la magicienne. D’après moi, il s’est joué de nous et nous a envoyé une version plus jeune de lui-même, en y insérant son subconscient.

Gabriel secoua la tête alors qu’il écoutait la conversation de ses camarades. Ils l’étourdissaient à force de réfléchir à toutes sortes d’hypothèses.

— Le pire dans toute cette histoire… c’est que la mère de Randell ressemble comme deux gouttes d’eau à Narcissa, vous ne trouvez pas ? poursuivit Flint.

— Je vais être malade, soupira Gabriel qui se leva de sa chaise. Que cherchait-il au juste ? À faire revivre ses parents ?

— Sans doute, répondit le tigre qui était à ses côtés. Une existence immortelle est parsemée de solitude et de tristesse. Peut-être cherchait-il à combler un vide en te créant. Lorsqu’il a réalisé que tu n’étais pas comme son père, il a sûrement dû se dire que tu ne valais rien à ses yeux.

— Dans ce cas, pourquoi avoir recréé sa mère ? Il la traitait comme son enfant…

— Je l’ignore, mais d’après moi il cherchait peut-être à se racheter après t’avoir abandonné, dit le capitaine.

— Balivernes ! grogna Gabriel.

Tel un gros buffle enragé, le colosse entra dans l’église et s’allongea sur le matelas pour ensuite se croiser les bras. Il se faisait tard et il avait besoin de dormir. Grincheux, il se ferma les yeux. Toutefois, il avait faim, alors il les rouvrit. Énervé, il sortit du sac de son mari quelques cacahuètes qu’il mâcha.

Le tigre vint le rejoindre et se coucha à côté de lui. Pendant ce temps, Flint et Luna discutaient à l’extérieur. Dia n’était pas loin. Elle pêchait dans la rivière, alors que Kelvin dormait paisiblement sur le toit du bâtiment sacré.

— Si tu veux mon avis, je trouve que c’est une bonne chose que tu sois une expérience ratée de ton géniteur, dit Charlie. Sans quoi, je n’aurais jamais eu la chance de te rencontrer. Tu serais probablement l’un de mes ennemis en ce moment même et tu essaierais de nous tuer, ma fratrie et moi…

Gabriel était sur le point de lui faire des yeux de couteaux quand il réalisa qu’il avait raison. Après tout, il avait eu une belle vie, jusqu’à présent…

— Oh… fit le guerrier.

— Et puis, tu l’as dit plus tôt, tu m’aimes bien et c’est réciproque… Je n’aime guère ce sentiment que Randell s’est joué de toi, ainsi.

Les paroles du félin rassurèrent le colosse. Même si ces dernières avaient été un peu maladroites, au début, il lui avait remonté le moral.

— Viens un peu ici, toi, dit-il avant de soulever le gros matou d’une main.

Il tira le tigre vers lui et le fit tomber sur lui. Il lui caressa ensuite la tête et lui embrassa le museau. Charlie ronronna et lécha le visage de son ami, tel un chien. Il le laissa ensuite lui caresser derrière les oreilles et la nuque.

Ce fut à cet instant que Gabriel réalisa avec horreur que les ossements qu’ils avaient trouvés dans le sous-sol de la maison abandonnée avaient probablement appartenu à son grand-père, puisque Randell s’était échappé de cette dimension.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda le tigre.

— Et si le type qu’on a trouvé là-bas, c’était moi… ?

— Tu veux dire… le père de Randell ?

— Oui… si ce squelette appartenait à mon grand-père, où était le corps de sa femme ? Se sont-ils séparés ?

— Mmm… voilà bien une bien étrange situation… Ça expliquerait son suicide.

— Il y a tant de choses qui m’échappent de cette maison et de la vie de mon père. Ça serait une bonne idée pour nous d’y retourner, lorsque nous serons reposés.

Le félin approuva d’un signe de tête, avant de lui répondre :

— Je suis du même avis.

Flint et Luna avaient terminé de discuter à l’extérieur, près du feu de camp. Ils éteignirent celui-ci et entrèrent rejoindre Gabriel et son esprit élémentaire. Tous deux avaient un peu de difficulté à s’habituer au nouveau corps de Charlie. Ils commençaient à peine à apprécier l’ours polaire qu’il était déjà un tigre.

Gabriel expliqua donc son plan pour le jour suivant à ses amis et ils acceptèrent de l’aider à faire quelques recherches sur la famille de Randell. En fouillant un peu dans la grande maison abandonnée, il espérait y trouver d’autres réponses sur ses origines et aussi sur celles de son grand-père qu’il n’avait jamais connu.

Alors que tout le monde se couchait, y compris Dia qui était revenue toute trempée à l’intérieur de l’immeuble ; le colosse ne put s’empêcher de se demander si l’homme qui lui avait servi d’origine génétique avait été une bonne personne, de son vivant. Il espérait de tout cœur que celui-ci était tout le contraire de son fils Randell.

— Il était bien plus gros que moi, en fait, constata le golem qui fouillait dans une garde-robe. Toutes ses chemises sont au moins une taille au-dessus des miennes.

— Le type au sous-sol portait des fringues bien trop petits pour lui, dans ce cas. Se pourrait-il que ça soit son épouse ? se dit Flint.

Gabriel haussa des épaules. Il déposa ses affaires sur ce qui restait du lit et enfila par-dessus lui une très grande chemise qui avait appartenu à son grand-père. Celle-ci ne s’était jamais désintégrée avec le temps. Elle devait être fabriquée d’un matériel que les termites n’aimaient pas.

— Il reste assez d’espace pour moi, dit le gros guerrier qui cligna des yeux.

— Maintenant, ça explique pourquoi tu aimes tant tes formes, gloussa son mari.

— Peut-être, mais ça n’explique toujours pas pourquoi mon père m’a imposé une limite qui m’empêche de maigrir en bas de cent-soixante kilos.

— Comme si c’était un problème pour toi… On le sait mieux que quiconque que tu aimes trop tes formes pour tout perdre, pas vrai mon nounours ?

Le capitaine lui donna une tape sur la fesse gauche et le colosse rougit.

— Mouais… affirma Gabriel, pour ensuite se gratter la joue.

— Au moins, on comprend maintenant d’où vient ton appétit féroce.

Le gros barbu gloussa, puis enleva la chemise. Il fantasmait déjà à l’idée d’atteindre un poids aussi élevé que son grand-père, mais se dit qu’il valait mieux pour lui de ne pas s’attarder sur ce genre de détail. Après tout, il ne voulait pas devenir un fardeau pour la Septième Brigade. Sa sexualité tordue devrait attendre…

La pièce était grande, le sol était solide. Tout portait à croire que les parents de Randell avaient vécu le parfait bonheur avant que la guerre n’éclate en ce monde. Il y avait des portraits de famille, un peu partout à travers le premier étage et aussi au rez-de-chaussée. L’enfant sur ces portraits grandissait au fil de ces images, pour prendre des traits similaires à ceux d’un adolescent.

Luna et Dia fouillaient une autre chambre, alors que Charlie et Kelvin attendaient à l’extérieur du bâtiment. Tout semblait si paisible, malgré le fait que l’intérieur de cette maison était recouvert de poussières et de toiles d’araignées.

— Le type d’en bas... qui crois-tu que c’était ? commenta le golem.

— Je l’ignore, dit Flint. J’en ai déjà parlé avec Charlie, plus tôt. Peut-être que c’était un ami ou un proche de la famille…

— En tout cas, je ne remarque pas de vêtements féminins, nulle part.

— Ils se sont peut-être divorcés ?

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