86.2 - La famille Tabris

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Tous deux ne comprenaient pas pourquoi il ne restait plus que les vêtements du grand-père de Gabriel. Ils ramassèrent tout de même quelques vêtements en souvenir de ce passage dans la pièce et les mirent dans le sac à dos du gros guerrier. Certains de ces articles pourraient lui plaire, s’il les essayait.

— Comment avancent vos recherches ? demanda la louve, qui passa près de la porte de la chambre. Avez-vous trouvé quelque chose d’intéressant ?

— Seulement des fringues, dit le capitaine.

— Luna veut vous voir dans la chambre, au fond du couloir.

— Très bien, on te suit.

Alors que Flint sortait de la pièce, son mari jeta un air inquiet autour de lui. Le grizzly au cœur tendre se demandait ce qui était arrivé à sa famille biologique.

Comment s’appelaient-ils ? s’interrogea ce dernier. Quels étaient leurs rêves ? Leurs passions ? Savaient-ils que Randell deviendrait si cruel ?

À voir les nombreuses photos à travers l’étage, Gabriel avait compris que son grand-père avait été un bon vivant et qu’il avait eu l’air tout aussi chaleureux que lui. Son cœur se serra, lorsqu’il jeta un dernier coup d’œil dans le placard.

— Il devait se sentir seul… mentionna-t-il.

— On n’en sait rien, chéri, formula Flint. Viens… Peut-être que Luna pourra nous éclaircir un peu au sujet de ces gens.

— Non… J’aimerais rester ici un moment, si ça ne te dérange pas.

— D’accord. Je te rejoins lorsque j’aurais discuté avec notre amie.

Lorsque Flint sortit, le colosse s’approcha d’un bureau où ils avaient laissé une lampe à huile, quand ils étaient entrés un peu plus tôt. Il tira quelques tiroirs et ne remarqua que des pantalons pour un homme gras. La plupart étaient vides. L’épouse de l’ancien locataire était soit partie, soit décédée avant lui. Le gros brigadier remarqua que le gabarit de son grand-père avait augmenté avec le temps. La dépression l’avait sûrement poussé à bout et il était devenu énorme.

Se pourrait-il que mon affection pour la bouffe et les rondeurs viennent de lui ? pensa-t-il. Est-ce génétique tout ça ou bien je m’invente des histoires pour me rassurer ?

Il finit par trouver un journal intime, un carnet noir où l’encre était encore lisible. Il ne put détecter la date en haut de la première page, mais lu quelques paragraphes. Ce qu’il vit lui brisa le cœur.

Elle m’a laissé pour un autre homme, elle est partie et a pris toutes ses affaires. Elle a même pris notre Randy et notre chien, était-il écrit en haut de cette feuille. Pourquoi m’a-t-elle trompée ? Nous aurions pu arranger les choses… Elle n’avait pas besoin de menacer de me poursuivre pour la garde de notre fils…

Gabriel n’avait pas besoin de lire plus loin pour comprendre ce qui s’était passé ensuite. Celui qui lui avait servi de modèle pour sa création avait été abandonné de sa famille et avait pris beaucoup de poids, par la suite.

Un chien ? se dit le golem. Ah oui, le Saint-Bernard sur les photos plus récentes… C’était un joli toutou. Je me demande comment ils l’ont appelé…

Il tourna quelques pages au hasard, puis lu à voix basse :

J’ai rencontré un homme d’à peu près mon âge. Il s’appelle Thomas. Il est veuf et a une fille de dix ans. On se croise souvent dans les bars et c’est un chic type. Il dit qu’il aimerait passer plus de temps avec moi… Je ne comprends pas pourquoi… J’ai tellement détesté mon existence après le départ de Linda que je me suis laissé aller. Mon thérapeute me dit que ça serait bien si je rencontrais de nouveaux amis, en dehors du travail. Je ne sais pas…

Le golem pencha sa tête d’un côté et tourna aux dernières pages.

Thomas et moi, nous sortons ensemble depuis quelques mois, lut-il à voix basse. Malheureusement, des monstres ont commencé à apparaître sur notre monde et la guerre a éclaté… Son appartement a été saccagé par d’étranges créatures et nous avons perdu notre petite Frederica. J’ai enterré son petit corps tout fragile, pour rendre service à mon chéri… Je ne sais pas si quelqu’un lira ce journal, un jour… Mais j’espère que cette personne aura vécu une meilleure vie que la mienne et qu’il n’aura pas tout perdu… comme nous.

Gabriel, ressentit un nœud dans son estomac. Il lut le verso de la page. Cette dernière était écrite avec une écriture différente.

Chris a fait un infarctus et il est à l’hôpital depuis quelques jours, prononça le golem, machinalement. Je n’ai pas le droit de rester trop longtemps dans sa chambre, car ce sont les ordres des médecins. Notre petite ville est en quarantaine et protégée par les soldats. Cependant, nous n’en avons plus pour très longtemps, je crois. Il m’a dit où trouver ce livre. Il souhaite que je puisse y écrire toutes mes pensées… Il veut que je le lise, mais je n’en ai pas besoin. Je suis heureux de l’avoir eu dans ma vie. Seulement… la fin du monde approche, j’en ai peur et je veux passer le reste de mes jours à ses côtés.

Le colosse se mit à trembler. Il ne comprenait pas pourquoi, mais il pleurait. Il avait déjà une petite idée sur la fin tragique de cette histoire, car il avait retrouvé le cadavre de Thomas au sous-sol, un flingue à la main. Il vit la dernière page du carnet et ce qu’il lut, le fit éclater en sanglots.

C’est fini, dit-il d’une voix tremblotante. Il est parti avec notre belle petite Freddie au paradis… Il n’a pas survécu à l’opération à cœur ouvert. Je ne peux pas continuer ainsi… Ce soir, je mangerais une dernière pizza en son honneur et je mettrais fin à mes jours. Peu importe qui lira ce journal, sachez que je l’aurais aimé de tout mon cœur. Tout comme j’ai aimé mon épouse. Et je maudis Linda de l’avoir abandonné, puis volé leur fils. Qu’elle pourrisse en enfer, cette g…

Gabriel lâcha le bouquin sur le bureau et recula. Il observa ses mains qui tremblaient rapidement. Il était sur le point de faire une crise d’anxiété. Il se serra les coudes et s’assit sur le lit de la pièce, il se pencha vers l’avant et prit une grande respiration. Ce qu’il venait d’apprendre sur son grand-père ne lui plaisait guère, mais il avait finalement une réponse à son énigme. Il était comme lui. Il aimait un homme et il aimait autant manger que lui.

— Il était bisexuel… gloussa le golem nerveusement. Donc… je peux l’appeler Grand-Papa Bi… Pfft ! Quel nom ridicule.

Il essuya ses larmes, au bout d’une minute, puis se ressaisit.

Le guerrier remarqua alors que Charlie se trouvait tout près de lui. Le tigre était entré à l’intérieur du bâtiment et avait repéré l’odeur de son porteur pour le traquer jusque-là. Il l’observait avec une triste mine.

— T’as tout entendu ? demanda le golem.

— Assez pour comprendre qui était l’homme, au sous-sol, répliqua le félin.

— Quelle tragédie…

— Je sais…

L’animal s’approcha et posa son menton sur le genou de son ami. Gabriel lui flatta la tête en silence, puis se sentit à nouveau apaisé.

— J’aimerais enterrer Thomas, pour rendre service à mon grand-père.

— Ça serait très gentil de ta part, avoua son interlocuteur. Je suis certain qu’il serait heureux que tu fasses cela pour lui.

— Dans ce cas, allons-y.

Le guerrier imposant se leva, puis suivit le tigre blanc à l’extérieur de la chambre.

Luna tapotait sur un étrange objet en plastique, dans la chambre au fond du couloir. C’était un objet électrique qu’elle avait trouvé sur un pupitre, attaché à une prise de courant. Après quelques minutes, elle avait réussi à le faire fonctionner et avait commencé à faire quelques recherches sur ce dernier.

Elle y trouva plusieurs petites images avec des sons, qui défilaient rien qu’en les cliquant. Elle ne comprenait rien à cette technologie, mais son côté curieux et logique lui disait qu’elle se devait de maîtriser cet engin. Plusieurs lettres étaient placées sur l’objet en plastique, dans un ordre qu’elle ne comprenait pas. Était-ce pour écrire ? Elle lut sur un petit carré étrange : LibreOffice Writer.

Relié à l’engin était attaché un gadget gris qui avait un petit trou, en dessous de celui-ci et un laser rouge. Quand elle bougeait cet objet, une petite flèche pivotait dans l’écran. Elle s’en servait pour ouvrir toutes les icônes qu’elle trouvait.

— Tu voulais nous montrer quelque chose ? dit Flint par la porte d’entrée de la pièce. Dia est venu me prévenir.

La louve grimpa sur le lit derrière Luna et se plia les pattes d’en avant, afin d’examiner les images de la boite en plastique. La magicienne alimentait ce qui semblait être une batterie, à côté de la machine. Elle lui donnait de légères décharges électriques.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda le capitaine.

— Je crois que c’est un ordinateur, répliqua la jeune femme. Devant moi, il y a de petits cartons qui disent : logiciel pour ordinateur. D’après ce que j’ai compris, les humains s’en servaient pour écrire des trucs et capturer des images.

Elle se tourna derrière elle et lui montra sur le lit un globe terrestre, illuminé par sa magie. Flint s’en approcha et remarqua que les continents étaient tous différents de ceux d’Aeglys.

L’Amérique du Nord… dit le grand blond, pour lui-même. Quel nom étrange…

— Regarde derrière la porte, dit la magicienne. J’ai trouvé un calendrier.

— Hein… ?

Flint s’approcha de l’objet en question et vit que son ancien propriétaire avait encerclé une date sur celui-ci. Le 5 mars 2018. C’était la date d’anniversaire de Gabriel, mais pas l’année à laquelle s’était attendu le jeune homme. Le symbole de l’AD était aussi absent de ce calendrier.

— Le temps semble s’être arrêté en 2018 pour cette planète, expliqua la magicienne. Ma théorie est que lorsque la guerre a éclaté, tout a été détruit puis Aeglys est né.

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