86.3 - La famille Tabris

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— Mais comment est-ce possible ? demanda Flint. Ne sommes-nous pas à Lanartis ? Du moins, c’est ce que Wyatt et les autres nous disaient…

— Pas vraiment, c’est le nouveau terme qu’ils emploient pour désigner la France. Drokaï faisait partie d’une communauté portuaire, elle s’appelait Le Havre. Archenwald est plus ou moins l’équivalent d’Amiens, en 2018. Ici, nous sommes à Rouen, mais cet endroit, comme tu peux le voir, est une ville fantôme et a été presque entièrement détruite par la guerre. Le grand fleuve qu’on a longé depuis quelques heures, c’est la Seine. Autrefois, c’était plus grand, mais je crois qu’il s’est asséché avec le temps.

— D’où sors-tu toutes ces informations ? continua son ami.

— J’étudie beaucoup la géographie d’Aeglys. Celle de ce nouveau monde est similaire à la nôtre. Il y a beaucoup de différences, mais pas trop quand même. À force d’examiner le tout, j’en suis venu à la conclusion que notre planète est un peu une version différente de celle-ci. D’ailleurs, la nation de Baldt n’existe pas ici, toutefois si on faisait tout le trajet vers l’ouest, on finirait par trouver le Canada… Donc, ça ferait de nous, des canadiens. Par contre, comme je te l’ai expliqué, il y a beaucoup de différences entre nos pays et la structures de nos terres. En enfer, par exemple, il manque le chaînon de montagnes entre Baldt et Lanartis… Puis nos continents du Nord viennent en fait du sud. Fascinant, non ?

— Ouf, tu me donnes mal à la tête, Lu’…

— Ce n’est pas grave. Le monde est tellement détruit ici, qu’il est à peine reconnaissable. Toutes ces informations ont été perdues aux survivants de cette planète. Ils vivent désormais comme des tribus de sauvages et luttent contre les démons. En fait, si on lit bien sur le globe terrestre, c’est écrit « Notre planète, la Terre », avec la date de fabrication de celui-ci.

— On devrait l’emmener avec nous, dans ce cas. Ça pourrait nous être utile.

La magicienne secoua la tête.

— Nan, on finira bien par trouver une carte du monde dans un autre bâtiment. Ce truc est trop encombrant pour nos sacs à dos.

Pendant que Flint examinait la sphère étrange, Luna consultait les documents de l’ordinateur. Elle appuya sur un fichier qu’elle ouvrit. Du son et des images en sortirent. Le bruit était d’excellente qualité.

Thomas, où sont les bougies ? dit une voix familière. Il en manque une pour former le chiffre douze.

L’image se tourna vers un jeune homme vêtu d’une chemise à fleurs, le même qu’ils avaient vu au sous-sol. C’était un jeune homme roux, aux yeux verts. Il semblait athlétique et avait une bouteille de bière à la main.

Je l’ignore, chéri. Freddie ne s’en plaindra pas, crois-moi, répliqua l’homme.

C’est le bouquet, ça ! Je suis pâtissier et je n’ai même pas prévu d’acheter les bougies pour ta fille… Quelle honte !

Du calme, Chris. Tu n’as qu’à former le chiffre douze en le dessinant avec le glaçage. Elle va l’aimer, je peux te l’assurer.

Vraiment ?

Mm hmm, fit l’autre. Maintenant, dépêche-toi, elle s’en vient.

Ils entendirent une sonnette.

Entrez ! C’est ouvert ! héla la voix familière qui filmait un gâteau d’anniversaire. Oh mince… je dois faire vite…

Flint, Luna et Dia virent de grosses mains qui ressemblaient à celles de Gabriel, qui formèrent le chiffre douze sur le gâteau, avec du glaçage bleu ciel. Il déposa ensuite le petit sac à côté de lui et posa son appareil sur la table. L’image affichait ensuite plusieurs petites filles, vêtues en uniformes. L’une d’entre elle était une jolie rousse aux yeux verts. Elle avait un ballon dans ses dextres avec d’étranges pentagones noirs et blancs. Près d’eux se pencha un gros bonhomme barbu, avec une coupe de cheveux familière. Il avait un corps un peu plus gros que leur ami colosse, mais c’était bel et bien le type qu’ils avaient vu sur les photos.

Bienvenue chez les Tabris ! dit Chris, de bonne humeur.

Un symbole en bas de l’image leur montra un petit rectangle qui tournait au rouge, avec une barre plus pâle à l’intérieur. Il y eut une coupure et l’image cessa de fonctionner. Il y avait un triangle au milieu de celui-ci. C’était le même que Luna avait appuyé dessus, accidentellement, lorsqu’elle avait ouvert ce document.

— Je vois, remarqua Flint. Son épouse et son fils sont partis et il a refait sa vie avec quelqu’un d’autre. Cette petite devait être la fille de la dépouille…

— Mouais… dit la magicienne. C’est tellement triste… Ils avaient l’air si heureux.

De la fumée sortit de la machine, sans qu’elle s’en rende compte. Elle tourna son regard vers la batterie et remarqua qu’elle l’avait surchargée. L’écran s’éteignit aussitôt. Elle avait provoqué un court-circuit, accidentellement.

—Fais chier ! chiala celle-ci. On aurait pu découvrir d’autres informations intéressantes sur ce truc. Merde, merde, merde…

Elle tapa sur la batterie, mais celle-ci resta inactive. Elle lâcha donc l’objet et se leva du siège. Elle attira sa lumière magique vers elle et se dirigea vers la sortie.

— Où vas-tu ? questionna la louve.

— Je m’inquiète pour notre nounours, dit-elle. On l’a laissé seul trop longtemps.

— Pareil pour moi, répliqua Flint. Partons à sa recherche.

¤*¤*¤

Gabriel venait de terminer de creuser un grand trou, derrière la cour de la maison. Il avait trouvé une pelle dans un vieux garage, en face de la demeure. Il n’avait eu besoin que de le défoncer, puisqu’il ne s’ouvrait pas de l’extérieur. Lorsqu’il eut terminé sa tâche, il entra par la porte du sous-sol et prit le squelette dans ses bras. Il ressentit une nausée après l’avoir soulevé, comme s’il bafouait son esprit. Le tigre l’observait en silence.

Le golem déposa les restes de Thomas dans sa tombe et recouvrit celui-ci de terre. Il murmurait une prière qu’il avait apprise à l’église d’Athéna. Son cœur se sentait moins lourd à chacune des pelletées qu’il mettait sur la pauvre victime de cette guerre.

— Puisse ton âme reposer en paix, enfant de la lumière, dit-il en mettant le dernier bout de terre sur la tombe.

Merci… dit une voix spectrale, à son oreille.

Il cligna des yeux et fit volte-face. Il n’y avait personne. Il frotta son tympan et se demanda s’il n’avait pas imaginé tout cela. Il était au courant que des spectres rôdaient dans les plaines, mais il n’en avait pas encore aperçu, jusque-là.

— Thomas était bel et bien près de nous, dit Charlie. Il est reparti.

— Ah bon ? fit le colosse. J’espère que notre petite cérémonie lui a fait du bien.

— Tu lui as rendu un fier service en lui souhaitant un repos éternel. Celui-ci était coincé dans les limbes, tu vois ? Maintenant, il peut rejoindre l’au-delà et retrouver celui qu’il aimait tant.

Gabriel esquissa un sourire et constata qu’il pleurait de joie. Il s’essuya le visage rapidement, quand il entendit Flint et Luna qui criaient son nom, depuis l’intérieur du bâtiment.

— Je suis ici ! lança-t-il.

Il déposa la pelle près de la tombe et épousseta son linge, recouvert de terre. Le capitaine, la magicienne et la louve sortirent par la porte du sous-sol et rejoignirent leur ami.

— T’as déjà enterré ce type ? interrogea le blond. Comment as-tu fait pour creuser si vite ?

— J’sais pas… c’est venu tout seul et j’ai trouvé cette pelle dans le garage…

Gabriel leur montra ses bras musclé, fier d’avoir rendu un service à la dépouille. Il était néanmoins très fatigué. Il avait besoin de se reposer un peu, après la dure matinée qu’il venait de vivre. Il ne comptait pas faire de dîner, non plus. Il avait besoin d’un peu de temps pour lui.

— Tu as fait du bon travail, chéri, dit Flint qui plaça une main sur l’épaule de son mari. Je suis fier de toi.

Le colosse gloussa et embrassa son époux sur les lèvres, avant de faire signe à Charlie de le suivre. Il se tourna en direction de l’église, dont ils se servaient tous comme quartier général. Il était temps pour eux d’y retourner.

— Partons, proposa le gros barbu. Nous n’avons plus rien à faire ici.

— Bonne idée, répondit le capitaine. Je commence à avoir faim. Je crois que je vais nous préparer un peu de poissons en brochettes. Qu’en dis-tu ?

— Nous avons l’embarras du choix, formula la magicienne caustiquement.

Kelvin descendit de l’immeuble et vint s’attacher au dos de sa porteuse, sous forme d’ailes. Celui-ci était aussi timide qu’à leur première rencontre. Cependant, il était plus amical envers les autres et ne s’enfuyait plus, en leur présence. Quant au tigre, il ne gênait plus personne.

— C’est quand même dommage qu’on n’en sait pas plus sur ton père, dit Luna.

— Bof, au moins je sais que mon grand-père était un type bien, prononça le golem. Je n’ai pas besoin de plus pour être heureux.

Flint sourit à cette remarque. Chose certaine, son mari avait refermé une vieille blessure que personne n’avait réussi à guérir, jusque-là.

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