92.2 - Le règne de la noirceur

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— Nous allons… nous allons… couina la brunette.

La guérisseuse suffoquait, c’était de l’hyperventilation. Elle enfouit son visage dans la poitrine musclée de son bien-aimé, tandis que Misaki l’enlaçait par l’arrière. Flint constata que Lucas maintenait aussi le champ de force avec sa propre magie. Il était assis près du feu de camp et insufflait tout son mana dans l’enchantement du groupe. Le capitaine préféra ne pas le distraire.

Ce fut à cet instant que des craquelures apparurent dans la bulle magique, ce qui laissa pénétrer de petits bouts du nuage ténébreux. La première chose que Flint fit, fut de courir en direction de son mari. Il se jeta dans ses bras, mais il était trop tard. Cet instant serait leur dernier moment, ensemble.

— Gabriel, je t’ai– commença celui-ci.

Mais son visage avait déjà disparu, ainsi que le bout de ses bras. Le colosse poussa un énorme cri, et sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine.

— Flint, non ! cria-t-il. Tout sauf ça ! Oh Athéna, pit-

La phrase de Gabriel fut aussi interrompue, car il venait d’être dévoré vivant par le nuage obscur. La dernière chose à disparaître était le bout de son bedon. Dia et Charlie se tournèrent en direction de l’endroit où s’étaient trouvés leurs protecteurs. Ils étaient sur le point de crier leurs noms quand ils disparurent eux aussi.

Cordelia Lawson fut la suivante à se faire engloutir par la matière noire. Il ne restait plus que sa dague, gisant là où elle s’était trouvée.

Ce fut ensuite le tour de Cassandra qui embrassa les lèvres de Shayne, au moment où celui-ci se fit absorber à son tour. Misaki se tourna vers Lucas et tendit un bras dans sa direction, mais il avait déjà disparu, ainsi que le feu de camp. Il ne restait plus que Luna, Wyatt et les autres esprits élémentaires éparpillés dans le noir.

— Luna ! cria le mage. Je t’interdis de mour-

Le néant l’avait déjà consumé. Tête basse, la magicienne se serrait les épaules et fit une petite prière pour le phénix qui l’accompagnerait dans les ténèbres. Elle ne pleurait pas, elle ne criait pas. Elle semblait avoir accepté que ce fût malheureusement la fin de ses aventures. Elle ferma les yeux.

— Merci pour tout, Kelvin… dit-elle.

— Pas de qu– répliqua l’oiseau.

Il ne restait plus rien qu’une larme ; celle de la magicienne qui réalisa à la dernière seconde qu’elle ne souhaitait pas mourir. La goutte d’eau salée s’évapora dans le vide. Ce qui restait du champ de force, cessa d’exister.

¤*¤*¤

Le 18 avril 3918 AD, à Archenwald, la grande capitale de Lanartis était assiégée depuis quelques jours. Le roi et la reine avaient été exécutés sur la place publique, sous l’ordre de Troyd Markios, dirigeant de cette opération. Une bonne partie de la ville avait été brûlée dans un incendie épouvantable, démarré sous les ordres du chevalier des ténèbres.

Assis dans la salle du trône, le nouveau roi de Lanartis examinait les prisonniers que ses disciples démoniaques lui avaient apportés. Troyd s’était fait un plaisir de s’autoproclamer chef de cette nation, après l’assassinat de Davis et Floraine d’Archenwald. Il traitait déjà les citoyens comme du bétail et tuait peu importe osait se mettre sur son chemin. Tout ceci n’était qu’une diversion pour assouvir ses besoins personnels.

— Votre Majesté, dit le garde qui poussa le villageois devant le faux roi. Ce gueux a tenté de dérober un morceau de viande dans le garde-manger, pour le donner à ses enfants. Quels sont vos ordres ?

Troyd haussa les épaules.

— Je vous en prie, Votre Altesse ! Ça fait trois jours que nous n’avons rien mangé. Il me fallait les nourrir… Depuis que vos hommes occupent nos marchés, nous ne pouvons plus rien acheter… Je vous demande pardon !

Le tyran leva une main, ce qui donna signe au garde d’agir. Ce dernier lui trancha la gorge. Le mendiant tomba à ses pieds.

Un autre garde tira un autre sujet en face de son roi, pendant que le précédent tirait le cadavre en dehors de la salle du trône.

Le fidèle de Perséphone s’ennuyait. Au départ, devenir le dirigeant de cette monarchie lui avait semblé une excellente idée. Par la suite, ses gardes et ses soldats lui avaient obéi au doigt et à l’œil. Il avait reçu l’ordre de veiller sur Lanartis pendant que les dieux renégats étaient partis guerroyer à travers le monde. Il était dégoûté. Il avait toute une armée de démons qui gérait Archenwald et il n’avait pas le droit de quitter cette ville, sous prétexte que c’était désormais leur quartier général.

— Votre Altesse, je vous présente votre nouvelle pâtissière.

— Et quel est votre nom, madame ? demanda le chef de la nation.

Elle le fusilla d’un regard perçant et garda silence. Cette femme était petite, frêle et arborait une chevelure grise en chignon. Ses nombreuses rides lui donnaient une allure sérieuse et endurcie.

Troyd haussa un sourcil. Le pâtissier précédent avait été brûlé au bûcher avec le reste des citoyens qui avaient résisté à l’invasion d’Archenwald. Le despote avait remarqué que la vieille dame devait être aussi vieille que Virgile Knox, à sa mort.

— Emmenez-la dans les cachots, dit le tyran qui pointa une porte à sa droite. Enchaînez-la avec les autres cuisiniers et fouettez-les un peu. Ils ont intérêts à nous préparer un festin ce soir, sinon ils seront tous exécutés au pilori demain matin.

— À vos ordres, Messire ! répondit le deuxième garde.

Le barbare sanguinaire assit sur le trône remarqua qu’il restait une dizaine de sujets à passer. Il roula les yeux et sortit une pièce de sa poche de chandail. Il ne portait rien d’extravagant, simplement des vêtements normaux. Il avait fait fondre les couronnes royales pour les mêler à sa nouvelle armure que le forgeron était en train de lui préparer. Tous les bijoux des nobles étaient en train d’être recyclés par ses ingénieurs pour être transformés en armes. L’or et l’argent ne vaudraient rien dans la nouvelle société qu’ils étaient en train de construire.

Silencieux, Troyd observa ses potentielles victimes et plissa des yeux. Il faisait passer sa pièce de monnaie d’un doigt à l’autre, un vieux truc qu’il avait appris durant ses nombreuses années à Baldt.

— Écoutez, je n’ai pas envie de m’éterniser pour répondre à toutes vos demandes, alors je vais résoudre cela avec la Dame de la Fortune, expliqua-t-il. Si j’obtiens face, je vous tue tous sans exception. Si je tombe sur pile, je devrais quand même vous juger et il y a de fortes chances que je vous tue quand même…

— Vous êtes un monstre ! cria une jeune femme dans la vingtaine.

— Tuez-la, ordonna Troyd au garde derrière elle.

Le soldat qui portait une armure ténébreuse lui transperça le crâne avec sa lance. Il retira son arme et le cadavre tomba devant celui-ci. Cela provoqua les cris et les pleurs des neuf autres victimes qu’ils avaient rassemblés dans la salle du trône.

Le dirigeant tira alors la pièce dans les airs et la rattrapa. Il était si habitué à ce jeu qu’il n’eut aucun problème à rattraper la pièce, à la vitesse d’un éclair. Il la regarda et esquissa un petit sourire en coin, avant de se lever du trône.

— Eh bien, mes chers amis, je crois que c’est votre jour de chance. Quel gâchis…

Il s’avança près d’une première femme et lui effleura le visage, avec sa main. C’était une dame dans la quarantaine qui le méprisait avec toute son âme.

— Celle-là est trop vieille pour moi, dit le roi. Quelle est sa spécialité ?

— Elle est couturière, Monseigneur, expliqua le garde, derrière elle.

— Peu importe.

Troyd jeta la pièce derrière lui et saisit la tête de la femme avec ses deux mains avant de la tordre rapidement et la craquer. La dépouille s’effondra par terre.

— En passant, j’ai obtenu Face, avoua-t-il au reste des prisonniers.

Il sortit alors de sa ceinture son épée et embrocha un vieil homme en haillon. Un par un, il abattit son arme sur les victimes, jusqu’à ce qu’il tombe sur une jeune femme aux traits familiers. Celle-là devait avoir plus ou moins vingt ans. C’était une brunette qu’il avait déjà croisée à Baldt, quelques années plus tôt. Elle grelotta de peur lorsqu’il la reconnut. Il caqueta alors qu’il passait une main dans sa barbe.

— Alors, comment va votre pauvre mère, petite Doyle ? demanda le roi. Celle-ci ne se trouvait pas parmi les citoyens que nous avons déjà capturés…

Il rengaina son épée recouverte de sang, sans se préoccuper de la nettoyer.

— Elle était en dehors de la ville lorsque vous l’avez envahie, Monsieur Markios, déclara Misha, froidement.

— Mmm… Voyez-vous ça, elle a de la gueule, cette petite…

Les soldats présents dans la pièce se mirent à rire en même temps que le despote.

Misha avait les mains ligotées derrière le dos et ne put se défendre lorsqu’il approcha sa main pour lui toucher le visage, délicatement. Elle bouillait de colère et ne le quittait pas du regard. La jeune femme enfonça ses doigts, si fort, dans ses paumes qu’elle saignait. Elle ne craignait pas la mort, ni la douleur. Toutefois, elle connaissait assez bien cet homme pour comprendre qu’il était dangereux.

Troyd la gifla du revers de la main gauche. Elle tomba au sol. Il se pencha vers elle et lui fit son plus beau sourire.

— Ose me parler encore sur ce ton et je te trancherais la langue, ma mignonne, formula-t-il. C’est dommage, parce qu’elle est si jolie, ta voix…

Il tourna ensuite son regard vers le garde qui avait emmené la vendeuse de parfums au château. Il lui montra la porte qui menait aux chambres royales.

— Conduisez cette catin dans mes appartements personnels et ligotez-la au lit. J’ai bien envie d’aller me vider le sac…

L’ancien général attrapa alors ses parties intimes et les secoua brièvement pour se faire comprendre. Il rigola.

— Tout de suite, Votre Altesse ! obéit son soldat.

— Non ! Je vous ne laisserai pas faire ! grogna Misha alors qu’elle se débattait.

Elle reçut un coup de matraque sur la tête. Elle perdit connaissance. Le roi souffla des narines et dévisagea le soldat.

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