100.1 - Une déclaration troublante

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Quand elle se leva après sa sieste, cette après-midi-là, Misaki passa devant la porte de chambre de Wyatt. Elle entendait des bruits inhabituels dans la pièce d’à côté, mais elle reconnaissait la voix de Scottie. Tous deux étaient en train de faire l’amour. La combattante pouffa de rire avant de s’éloigner.

En chemin, la guerrière albinos croisa Yosuke qui revenait de l’entraînement. Celui-ci ne regardait pas où il mettait les pieds et percuta son ex-épouse.

— T’es distrait ou quoi… ? soupira-t-elle.

L’homme, aux longs cheveux aussi noirs que ses yeux étaient foncés, leva son regard vers la guerrière et fronça des sourcils.

— Pardon, dit-il.

Elle remarqua qu’il regardait une photo de leur bébé, Yuki. Lorsqu’elle réalisa ce que c’était, elle baissa la tête, honteuse de sa réaction. L’ancien bras-droit de Daichi Hatsuki n’avait jamais eu la chance de rencontrer son fils.

— Je suis désolée… dit Misaki. Tu pensais à lui ?

— Oui, confirma son interlocuteur. Je n’arrive pas à croire qu’il a déjà quatre ans.

— Et il pète la forme, comme on dit. D’après Daichi, il se comporte beaucoup comme tu l’étais, plus jeune. Sakura en prend soin comme la prunelle de ses yeux.

— Et comment va notre fille… ?

— Elle va très bien. Avant que la guerre n’éclate, elle comptait s’inscrire à l’académie militaire de Baldt, dans quelques années. Son souhait le plus cher était de devenir une grande guerrière comme nous.

— Elle n’est pas un peu jeune ?

Il gloussa, mais réalisa que leur enfant devait avoir près de douze ans, en ce moment même. Leur dernière conversation avait été un désastre. Il avait refusé de discuter calmement, quand il l’avait vu embrasser un autre homme que lui. Le maître des armes s’était avoué vaincu et s’était éloigné. Quelques jours plus tard, elle était venue le voir pour lui parler de leur bébé. Elle lui avait donné la photo qu’il tenait.

Yosuke rangea l’image dans l’une de ses poches de pantalon et retourna son regard sur celle qu’il venait de percuter.

— Tu t’en allais où, comme ça ? interrogea-t-il.

— M’entraîner, pourquoi ? demanda-t-elle.

— Pour rien. On a de nouvelles recrues qui sont arrivées, il y a une quinzaine de minutes. Ce sont les parents et la sœur de Derek.

Elle leva un sourcil et fit la moue.

— Ah bon ? C’était le choix de qui ?

— Luna. Elle prétend que tous les trois ont le sens des affaires. Je ne vais pas m’en plaindre, puisque nous avons besoin de toute l’aide possible. Cependant, je trouve l’idée d’engager des civils, très risqué. On ne sait jamais quand les démons pourraient débarquer ici et tout saccager.

— Je ne m’en ferais pas pour ça, sincèrement. Nous sommes en sécurité avec les nombreuses protections que Zeus et Athéna ont placés partout.

Il hocha la tête, mais elle pouvait voir qu’il était sur le point de pleurer.

— Tu m’excuseras, mais j’ai une poussière dans l’œil, mentit ce dernier.

Il allait s’éloigner lorsqu’elle l’arrêta. Elle agrippa son poignet.

— Yosuke… formula-t-elle.

— Tu n’es plus la même… Tu as changé.

— J’ai fait le deuil de mon mari, il y a quatre ans…

— La Misaki que j’ai quittée en mourant se serait jetée à mon cou à l’heure qu’il est et on aurait fait l’amour comme des bêtes…

Elle lâcha son poignet et baissa son regard. Il était frustré, déprimé.

— Tu m’as tellement manqué, c’est bête… soupira-t-elle. Mais j’ai quelqu’un d’autre dans ma vie… et je l’aime bien…

— Je sais… mais moi je t’aime toujours…

Il tourna son visage vers son ex-épouse. Il allait lui toucher le visage, délicatement, mais recula rapidement.

— Je suis navré pour tous les soucis que tu as dû endurer à cause de moi, prononça-t-il. Laisse-moi simplement un peu de temps… à digérer tout ça.

L’albinos aurait voulu lui dire à cet instant qu’il aurait toujours une place importante dans son cœur, mais savait que si elle faisait cela, qu’elle compliquerait leur relation. Elle décida donc de le laisser, après l’avoir salué.

Derrière elle, la guerrière entendit un petit cri aigu depuis la chambre de Wyatt Silverwind. Cela mit Yosuke mal à l’aise, lorsqu’il passa devant leur porte, mais il continua son chemin avant d’aller rejoindre la sienne. Misaki ne put s’empêcher de sourire et se demanda ce que les deux jeunes hommes pouvaient bien faire.

Ah la jeunesse… se dit-elle. Si intenses et si insouciants… Enfin, Flint et Gabriel ont passé l’âge, mais ils font encore des bêtises…

La brigadière replaça une mèche folle derrière son oreille gauche, puis descendit au rez-de-chaussée, où elle croisa Lusso qui l’attendait sur le divan du salon. Le petit chien de prairie bondit par terre et s’approcha d’elle, à quatre pattes.

— Bien dormi ? demanda-t-il.

— Comme un loir, répliqua cette dernière.

Elle se pencha vers lui pour le ramasser alors qu’il s’apprêtait à grimper sur ses vêtements, comme il avait toujours l’habitude de le faire. Il aimait s’accrocher ou bien se percher sur ses épaules.

— Quoi de neuf, depuis ma sieste ? demanda la guerrière.

— Les nouveaux esprits élémentaires sont indisciplinés et donnent un sacré mal de tête à Charlie et Nox. À part ça, tout baigne…

— Rappelle-moi pourquoi on avait besoin d’en créer autant ?

— Bah, c’est pour protéger nos soldats, non ?

— Peut-être, mais n’oublie pas que nous sommes des anges. Nous ne sommes pas sans défense. Nous avons plus ou moins la même force que vous, désormais.

— Sans doute, mais Charlie insiste qu’on soit prudent quand on partira pour Aeglys. Il veut s’assurer qu’on ne manque pas de mana.

Elle hocha la tête et se rendit dans la cuisine où elle ramassa un bol de salade qu’elle avait préparé durant la veille. Les croûtons étaient mous et moins croustillants, mais elle les appréciait quand même. Une fourchette dans sa main et le bol de l’autre, elle sortit sur la véranda. Lusso avait ouvert la porte pour elle, pour l’aider. La poignée était facile à tirer pour un animal comme lui.

— J’ai croisé Yosuke, un peu plus tôt, dit le chien de prairie. Il était tout triste…

— Mouais, répondit Misaki. Hélas, nous sommes dans une période d’adaptation… Nous allons devoir faire des efforts, des deux côtés.

— Comment Lucas le prend-il ?

— Il n’en parle pas tellement avec moi, pour être honnête avec toi, mais il n’aime pas trop que mon ex rôde sur son territoire.

L’albinos jeta un coup d’œil vers la cour devant la véranda et vit une vingtaine de soldats qui s’entraînaient en compagnie de Shayne Wolfe et de Dia. La louve semblait prendre son devoir très à cœur. Elle donnait des ordres aux nouvelles recrues et les menaçaient de les mordre quand ils devenaient paresseux. Bien qu’elle n’eût aucune affinité élémentaire avec l’ex-vampire, elle aimait bien passer du temps avec lui et apprendre à mieux le connaître.

— C’est bien que nous passions plus de temps avec les autres porteurs, dit l’élémentaire de la terre. Ici, c’est plus tranquille, donc on peut développer de meilleures stratégies en rencontrant tout le monde…

— Je suis du même avis, répliqua Misaki, qui avala ensuite un morceau de laitue. Je songe te remplacer par Charlie. Sa fourrure est bien plus douce…

Offensé, Lusso toisa sa porteuse et gonfla ses petites joues.

— Je te taquine, ajouta la guerrière qui l’avait remarqué du coin de l’œil.

— Pfft, dis plutôt que tu me trouves inutile et bon à rien, qu’on en finisse…

— Eh… je ne crois pas. Ton armure de pierres m’est très pratique durant nos entraînements. J’aime aussi comment tu peux nous déplacer rapidement sous la terre. C’est pratique pour les embuscades.

— Bof… les autres n’arrêtent pas de dire que je suis le plus faible de notre fratrie… J’en ai marre… Je ne serais jamais comme eux.

— Pas avec cette attitude de champion, répliqua l’albinos, sarcastiquement.

Le chien de prairie se laissa choir sur l’épaule de sa camarade et souffla des narines. Même s’il savait qu’elle le taquinait, il se sentait comme le maillon faible des esprits élémentaires. Il avait envie que ça change. Alors, il bondit par terre et s’étira sur ses petites pattes.

— Hé ? Où vas-tu ? demanda sa porteuse.

— Je vais vous montrer de quoi je suis capable… bouda-t-il.

Il partit donc en direction du groupe d’élémentaires éduqués par Charlie et Nox. La guerrière pouffa de rire et entendit le cri d’une crécerelle au-dessus de sa tête. Elle leva son regard en l’air pour voir Windy qui planait très haut, suivie de Kelvin. L’oiseau rapace lui donnait des leçons de vol. Le bébé phénix avait encore un peu de difficulté à rester dans les airs très longtemps, mais ses ailes étaient assez fortes pour faire de longs bonds planés.

— N’abandonne pas, Kel ! lança Misaki pour encourager l’oiseau de feu.

— Merci ! répliqua le jeune volatile.

Pendant ce temps, Cassandra sortait par la même porte que Misaki. Elle tenait dans ses mains un grand manuel d’instructions qu’elle avait lu durant les dernières semaines. Ce dernier expliquait comment fonctionnait le système des portails dont se servait le Saint Royaume : le même qu’ils essayaient de reproduire. Elle avait attaché ses cheveux en queue de cheval et portait un simple chandail de laine par-dessus son ventre rond. Elle en était à son quatrième mois de grossesse et avait de plus en plus de difficulté à bouger comme avant.

— Ouf… ces triplés vont causer ma mort… dit-elle tandis qu’elle s’installait sur la chaise, en face de sa meilleure amie. Je vais devoir faire un peu d’exercices pour renforcer mes muscles, sinon je ne serais plus capable de bouger, très bientôt…

— Ma première grossesse fut plus difficile que la seconde, je dois l’admettre, avoua l’albinos. Mais je n’aimerais pas être à ta place. Comment vont tes nausées ? Est-ce qu’elles sont revenues ?

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