107.3 - La grande plongée

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— C’est notre dernier recours… Toutefois, je crois toujours qu’ils pourraient nous aider à renverser le Conclave, une bonne fois pour toutes.

Misaki se mit une main sur la hanche et jaugea Hypnos, méfiante.

— Très bien, je vais leur laisser une chance, mais il est hors de question que nous acceptions Troyd dans notre camp. C’est un violeur et personne ne l’aime à Baldt.

— Si ça peut te rassurer, je ne le porte pas dans mon cœur, moi non plus, fit le dieu. Perséphone le garde seulement comme un chien de garde, car il est assoiffé de pouvoir et sait se battre. Elle trouve certains de ses traits très admirables.

— Il n’y a rien d’admirable chez cet homme… ni de bon…

— Thane non plus ne l’aime pas. Il le tolère à peine.

— J’imagine qu’il l’endure simplement parce que ça fait l’affaire de sa maudite folle, n’est-ce pas ? Parce que si c’est le cas, je le plains…

— T’as tout deviné…

¤*¤*¤

Lorsqu’il ouvrit les yeux, Flint réalisa qu’il était assis à l’intérieur d’une chambre plutôt en désordre. Boites de pizzas vides, bouteilles de sodas à moitié pleines, une console de jeux vidéo à droite, une autre à gauche mais en plus petit… Quelques bouteilles de pilules, une montre et des bouchons auditifs. Devant lui se tenait un écran d’ordinateur, mais aussi une garde-robe avec deux portes-miroirs. Il vit son reflet et remarqua que son apparence était peu soignée. Ses cheveux étaient en batailles, il avait une barbe naissante et n’était pas musclé du tout. Il se rendit compte qu’il avait rajeuni. Il se leva pour s’observer dans la glace et remarqua qu’il avait l’air d’un jeune adulte efflanqué, le même qu’il avait été autrefois.

— Bordel, c’est quoi ça ? se dit-il pour lui-même. J’ai l’air d’avoir moins de vingt-ans.

Il regarda ses doigts et vit qu’il ne portait pas de bagues : ni celle que Gabriel lui avait offert pour leur mariage, ni celle que tous les brigadiers portaient depuis leur arrivée à Célestia. Il ne ressentait pas la moindre trace de magie dans son corps. Tout semblait banal. Celui-ci jeta un coup d’œil autour de lui et vit qu’il dormait dans un lit simple. Il n’y avait pas de trace de son époux, nulle part, ni d’Estelle.

— Teddie ? T’es réveillé ? lança une voix derrière la porte de sa chambre.

— Ouais ! répondit Flint, automatiquement.

— Papa veut savoir ce qu’on doit ramasser pour souper !

— Une poutine au hamburger et la sauce barbecue du resto !

Flint cligna des yeux. Il se demandait ce que c’était. Dans son esprit se forma l’image d’un plat de frites recouvertes de sauce au barbecue sucré, du bœuf haché et du fromage Mozzarella. Étrangement, cela lui donnait faim.

— Encore ?! s’exclama la voix. Tu ne te tanneras jamais, on dirait bien…

— Bah, c’est lui qui paie, faut bien en profiter…

— OK ! Je lui dis ça tout de suite !

Cette voix appartenait à Sarah Markios, mais une nouvelle information entra dans la tête du blond. Ici, elle s’appelait Marie Sage ; ce qui voulait dire que son nom était soit Théodore ou bien Teddie. Il contourna rapidement son pupitre et vit qu’il avait un document d’ouvert, où il y avait d’écrit : L’Héritage des Markios, au titre. Il cligna des yeux et se frotta la barbe.

Euh… je suis un écrivain dans cette dimension… constata celui-ci. C’est un miracle que mon autre moi ait été capable de créer tout ça, sans mon assistance…

Il lut quelques lignes et remarqua qu’il avait déjà écrit trois livres et qu’il commençait un produit dérivé. Il avait posté cette histoire sur un site web de relecteurs, portant le nom de Scribay. Il cligna des yeux.

— Une petite minute… n’était-ce pas le nom qu’Estelle avait mentionné ? se dit-il pour lui-même. Étrange…

Il remarqua que son histoire avait atteint les quarante-huit mille lectures, mais qu’il recevait très peu de commentaires ou de retours positifs sur ses chapitres. La seule réaction qu’il ressentit, fut de tourner les yeux. Ensuite, il ouvrit un onglet sur un site appelé Facebook. Il ne comprenait rien de tout cela, mais sa tête s’adaptait peu à peu à cette nouvelle réalité. Il se passa une main dans les cheveux et vit que la date était le 1er juillet 2018. Ce jour-là était la Fête du Canada. Il voyait des couleurs du drapeau partout sur les réseaux sociaux. Rien de tout cela ne voulait dire quelque chose, à ses yeux. Cette simulation était très étrange.

Tout à coup, un objet se mit à vibrer dans sa poche de jean. Il sortit machinalement ce qui semblait être une petite tablette tactile et appuya sur un symbole rectangulaire avec deux demi-cercles à chaque bout qui penchaient vers le bas. Il entendit une voix étrange, de l’autre côté de l’appareil.

— Teddie ? fit une voix familière. Ça fait quelques fois que j’essaie d’appeler sur le téléphone de la maison mais c’est toujours occupé. Pourrais-tu dire à papa de m’appeler ?

— Il est au travail, mais il compte ramener de la bouffe pour souper. Essaie de le rejoindre sur son portable.

— Tu plaisantes… ? Il l’a en encore fait entré travailler, ce porc ?

— Les apprentis-cuisiniers sont tous nuls à chier, d’après son patron.

— Pas évident que notre père soit l’assistant-gérant.

Cette voix appartenait à Kyran Markios, mais celui-ci était connu sous l’alias de Nathan Sage sur cette planète. Flint n’aurait su dire pourquoi, mais cette version de son frère semblait moins autoritaire que la vraie.

— Bah, tu sais, répondit Teddie, il fait de son mieux. Tout comme Marie et toi…

— Vraiment, ça nous aiderait si tu pouvais enfin te trouver une bonne maison d’édition… Fichue économie de merde ! Pfft…

Le capitaine de la Septième Brigade entendit alors un bruit de clochette de l’autre côté de l’appareil téléphonique et comprit que son frère travaillait dans une boutique, probablement une petite épicerie locale.

— J’dois y aller, Ted, dit son frère. Prends soin de toi.

— Toi aussi, mec. Ciao.

Clic. Flint comprit que la communication était coupée et il rangea le téléphone dans sa poche. Il prit une grande inspiration et décida de sortir de sa chambre.

Téléphone hein ? Voilà un mot intéressant, se dit-il avant de rire. Bon… papa emmène un souper et moi j’ai un texte à finir… Non, pas de texte. Je dois retrouver les autres… Mais comment trouverais-je mes amis dans cette grosse ville ? Devrais-je aller vérifier mes courriels ? Ah… encore un mot qui ne m’est pas inconnu, tout à coup…

De nouvelles informations déferlaient dans sa tête, à un tel point qu’il avait le tournis. Il se tapa les joues, puis se dirigea vers ce qui semblait être la toilette près de sa chambre. Devant lui se tenait un miroir rectangulaire dans lequel il put voir sa barbe plus en détail. Celle-ci lui descendait jusqu’en bas du cou.

— C’est joli de vouloir ressembler à ton mec, mais tu n’as pas la graisse qui va avec tout ce poil… marmonna-t-il dans le vide.

Il fouilla dans les outils de son père et se tailla un peu la barbe après s’être appliqué un peu de crème. Finalement, il recréa la barbiche qu’il portait souvent dans sa réalité : fine, mais faisait tout le contour de son visage. Il rasa la moustache complètement. Il n’aimait pas sa coupe de cheveux, alors il prit un ciseau et se les tailla de sorte qu’ils ressemblent un peu plus à son ancienne tête. Lorsqu’il eut terminé, il prit une grande inspiration, expira et sourit.

— Pas mal ! Pas mal du tout…

Il se souvint où trouver un balai et une pelle à poussière, dans cette maison. Il y en avait un dans le placard de la cuisine, où il y avait deux autres portes-miroirs. Celui-ci s’y déplaça et vit que sa sœur était assise à table et se peinturait les ongles.

Il s’arrêta net et cligna des yeux. Celle-ci n’avait pas l’air d’une nonne du tout. Même qu’elle avait l’air d’une jeune travailleuse de nuit. Maquillée, elle portait une jupe très osée et un haut moulant. Elle dégageait un parfum pas trop fort pour ses narines, mais quand même inhabituel pour une religieuse. Il n’y avait pas le moindre signe de croix dans son ensemble, comme si elle avait complètement rejeté sa foi.

— Mais c’est quoi ça… dit-il, bouche-bée.

— Hmm… ? fit sa sœur qui se tourna vers lui. Oh ! Pas mal, ton nouveau style ! Je vois que tu t’es enfin décidé à te faire tout propre, hein mon frangin ?

— Euh… C’est que… j’en avais envie et euh…

Il essayait de trouver ses mots, tellement il était perturbé par la jeune femme qui se tenait devant lui. Elle avait la voix de sa sœur, mais ce à quoi elle ressemblait, le perturbait. Est-ce qu’elle vendait son corps de manière illégale… ?

— Teddie… ? Est-ce que ça va ? interrogea-t-elle. On dirait que t’as vu un fantôme.

Il déglutit et hocha la tête rapidement. Ensuite, il se tourna vers les portes-miroirs du placard et sortit le balai et la pelle à poussière. Il retraça ses pas jusqu’à la salle de bain et ramassa les poils et les cheveux qu’il avait laissés partout sur le plancher.

Non, mais il est arrivé quelque chose de dingue pour que ma sœur perde sa foi ainsi… se dit-il. Que diable s’est-il passé pendant que nous étions en enfer ?

Une fois qu’il eut terminé de nettoyer la pièce, il partit jeter ses déchets à la poubelle de la cuisine et rangea le reste. Il se rendit par après au salon qui était collé à la salle à manger. Il y avait une porte d’entrée près de deux autres portes-miroirs.

Décidément, les gens aiment se reluquer dans cette famille… pensa-t-il.

Marie Sage se tourna vers lui et l’observa à travers l’arcade rectangulaire du mur qui séparait la cuisine et le salon. Elle le fit signe d’attendre, avec sa tête.

— Eh ! Tu vas où ? questionna-t-elle. Papa ne va pas tarder à revenir du resto…

— Je vais me promener un peu, j’ai besoin de prendre un peu d’air, expliqua Flint.

— D’accord… mais fais gaffe. Il y a des rumeurs qui circulent dans la rue, comme quoi il y aurait des voyous qui rôdent aux alentours. L’un d’entre eux a déjà crevé les pneus de Madame Duguay.

C’était leur voisine. Une amie de leur père.

— Je ferais attention, formula le jeune homme.

Elle fronça d’un sourcil, grimaça, puis haussa les épaules et le salua. Une fois sorti, Flint remarqua qu’il se trouvait dans une ruelle plutôt sombre et que sa maison était en fait reliée à d’autres habitations. C’était des demeures construites dans un gros bloc d’appartements. Il vit derrière lui que le numéro de l’endroit où il vivait était le 15. Il y avait d’autres bâtiments similaires devant lui et ils se rendaient tous très loin. Il remarqua qu’il se trouvait tout en haut d’un escalier en métal et il devait descendre plus bas pour atteindre la surface du sol. C’était un quartier assez pauvre. Rien d’extravagant, comme le palais présidentiel de Baldt.

Flint avait l’étrange impression que le Conclave s’était moqué de lui et de sa famille, en leur forgeant ces nouvelles identités. Il sentait déjà le sang bouillir en lui, tellement il méprisait ces derniers. Sous un ciel chaud d’été, il se demanda où se trouvaient ses amis. Il se mit à marcher dans le vide, inquiet pour eux.

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