108.3 - La Fête du Canada

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Ottawa avait beaucoup plus de circulation que d’habitude, d’après les pensées de Teddie. Flint se dit qu’ils devraient attendre une autre journée, pour que les réjouissances de cette fête se terminent. Ensuite, il essaierait de retrouver ses amis. Pour le moment, il voulait se tourner vers sa famille et essayer d’apprendre à mieux les connaître, sur cette planète étrange. Il savait déjà que Kyran était un peu plus décontracté, mais ignorait dans quoi celui-ci travaillait. L’alter ego en lui ne pouvait lui répondre à cette question, non plus. Il semblerait que son frère soit très discret, dans cette dimension, en ce qui concerne sa vie privée.

Ici, Kyran se fait appeler Nathan, se dit-il. Je crois qu’il a développé des talents artistiques en grandissant, mais il ne vit plus avec nous depuis quelques années…

Le téléphone portable de Flint fit un étrange bruit sonore. Il retira ce dernier de sa poche de jean et vit qu’il avait reçu un nouveau message d’un Scottie Sanders sur Facebook.

C’est bon, ma sœur s’est calmée, put lire le blond, mentalement. Je ne sais pas si tu es sain d’esprit et si tu racontes la vérité, mais tout ce que je peux te dire, c’est que j’aime ton écriture et je compte continuer à te lire durant les jours qui vont suivre. Je dois t’avouer que je trouve cela perturbant que tu connaisses nos prénoms, alors qu’on ne sait rien de toi… Toutefois, j’ai toujours été spirituel… Il y a quelque chose en toi qui me semble familier et je ne saurais expliquer pourquoi. J’espère que tu sauras pardonner mon idiote de sœur. La prochaine fois que tu passeras au parc, viens partager tes histoires avec moi. Ça me fera plaisir de t’écouter.

Flint secoua la tête, déçu. Scottie ne semblait pas le croire sur parole. Il avait surtout l’air de le prendre comme une sorte de détraqué dont il pouvait se servir pour son propre divertissement. Le capitaine se dit qu’il vaudrait mieux l’éviter pour quelque temps.

Ça c’est malin, grogna-t-il. Le seul des jumeaux qui semble s’intéresser à moi ne le fait probablement pas pour les bonnes raisons. En même temps, ce n’est pas une bonne idée de faire de mauvaises suppositions. Peut-être qu’il me prend vraiment au sérieux, même s’il ne me croit pas entièrement. Il est réceptif, c’est déjà ça…

Il décida de rebrousser chemin jusqu’à Baldt Street, qui se trouvait dans la basse-ville. C’était à plusieurs minutes de marche de là. Il s’était rendu au parc en jogging, mais avait dû prendre plusieurs pauses, étant donné que son corps n’était pas si en forme que cela. Chaque fois qu’une voiture passait près de lui, il espérait reconnaître le visage de son mari ou bien de sa fille. Teddie n’avait pas l’âge d’avoir un enfant adolescent, mais il pouvait très bien se mettre en couple, s’il le souhaitait. Il vérifia sur ses réseaux sociaux rapidement et constata qu’il était célibataire.

Comment ça, tu ne dévoiles pas ton orientation sexuelle ? se dit-il pour lui-même. Se pourrait-il que tu sois encore dans le placard ?

Flint trouvait les agissements et les souvenirs de son alter ego, très étranges.

Si la magie n’existe pas ici, au moins, nous avons accès à plusieurs gadgets électroniques, poursuivit ce dernier. Tout ce que j’ai besoin de savoir se trouve à portée de main…

Après s’être assuré qu’il n’y avait pas de voiture qui passerait dans la rue, il la traversa à pas de course et dépassa les nombreuses ambassades jusqu’à ce qu’il arrive dans la rue Baldt, anciennement connue sous le nom de Stewart Street. Il avait déjà mal aux pieds, à force de courir. Combien de temps s’était écoulé depuis que ce dernier s’était éloigné de son appartement ? Il avait passé une bonne heure à marcher.

— Je vais devoir apprendre à me servir des bus, prochainement… marmonna-t-il pour lui-même. Ça sera plus rapide ainsi.

Voilà bien un mot avec lequel il n’était pas familier jusqu’au moment où il avait fait connaissance avec son autre lui. Teddie Sage semblait apprécier les trajets en commun, et ne savait pas conduire. Il sortait très peu de chez lui, sauf pour aller voir des films aux cinémas, s’acheter de nouveaux jeux vidéo ou bien aller manger au casse-croûte de son père. C’était un jeune homme qui souffrait de solitude et de dépression, qui ne parlait pas tellement à personne, car il croyait qu’on le prendrait pour un fou. Pour cette raison, il s’était mis à écrire des histoires… des récits qui étaient en fait tous basés sur la véritable vie des Markios. Flint ressentait que cette série apaisait le cœur troublé de l’individu avec lequel il partageait son corps. Tôt ou tard, ils finiraient tous deux par ne faire plus qu’une seule entité. Il commençait à comprendre comment le tigre blanc s’était senti en fusionnant avec son neveu. C’était une expérience particulièrement troublante.

Le portable du blond se mit à sonner. Il le répondit.

— Allô ? fit celui-ci.

Teddie ? interrogea la voix de son père. Mais t’es rendu où ? Ça fait plus d’une demi-heure que ton repas t’attends sur la table.

— Je me promène dans la rue, je m’en viens. Mets mon repas dans le réfrigérateur, d’accord ? Kyran nous a appelés, un peu plus tôt.

Au moment où il réalisa son erreur, le capitaine se couvrit la bouche avec horreur.

Kyran ? ajouta son interlocuteur. Minute… Ce n’est pas Teddie qui me parle, n’est-ce pas ? Tu es Flint… je me trompe ?

Le blond venait de réaliser que son père était déjà au courant pour leur identité secrète. Il soupira de soulagement.

— Si je te dis le nom d’Artael… commenta celui-ci. Est-ce que ça te dit quelque chose ?

Reviens à la maison et tout de suite, ordonna son père. J’ai à te parler.

Flint était assis dans le salon de son appartement, avec son père à côté de lui. Arthur Sage était le portrait craché de sa véritable personnalité, Artael Markios. Cependant, il était un peu plus jeune et ses cheveux lui descendaient jusqu’aux épaules, plutôt qu’au bassin. Il attachait ces derniers en queue de cheval et comme le capitaine, s’était laissé pousser une courte barbe.

Ils visionnaient la télévision en face d’eux, à volume bas. Marie Sage était sortie pour la soirée, alors que le père et son fils dégustaient leur repas ensemble. Flint avait appris rapidement que les quadruplés Sage avaient été abandonnés par leur mère, à leur naissance, car elle était trop jeune pour s’en occuper. Ce fut les parents d’Arthur qui les avaient élevés jusqu’à ce que celui-ci soit assez mature pour s’occuper de ses enfants. Diana Kingston n’avait été qu’un coup d’un soir.

Elle était ivre et ne s’était même pas souvenu d’avoir passé la nuit avec lui. Par conséquent, celle-ci ignorait qui était vraiment le père de ses enfants et n’avait pas l’air de s’en soucier. Elle avait fini par l’oublier après de nombreuses années et avait refait sa vie. Dernièrement, l’assistant-gérant du casse-croûte avait tenté de reconnecter avec cette dernière, mais sans succès.

— Depuis quand es-tu réveillé, en fait ? questionna Flint.

— Bonne question, fit son père. Ça m’est arrivé il y a quelques semaines, alors que je lisais les premiers chapitres de ton roman. Tout d’abord, j’ai cru que c’était une mauvaise farce, mais je me suis vite rendu compte que certains de ces passages étaient déjà apparus dans mes rêves… Ça ne m’a pas pris plus de quelques heures avant de réaliser que tes livres parlaient de nous tous. Puis, Arthur Sage a finalement compris qu’il partageait son corps avec une âme importante : la mienne.

— As-tu tenté de parler de tout ça avec moi ? Enfin… Teddie… ?

— Il disait que ce n’était qu’une histoire qu’il se racontait pour s’endormir la nuit, rien de plus. Teddie est un garçon solitaire qui a passé sa vie devant un écran d’ordinateur ou bien à jouer à ses jeux vidéo. Il ne cherchait jamais à faire de mal à personne… Cependant, je le savais qu’il souffrait en silence et j’ignorais comment réagir. Quand il a fait sa sortie du placard officielle, j’ai fait comme si cela n’était pas un si grand problème que ça, mais il l’a pris de travers…

— Il ne t’en veut pas, tu sais ? Il s’attendait simplement à ce que tu le jettes dehors. Je commence à comprendre ce qui l’a poussé à agir ainsi… Il s’isole parce qu’il a honte de ce qu’il est, contrairement à moi. Il n’a pas encore rencontré l’âme sœur. Il écrit donc notre histoire en s’imaginant aux côtés de Gabriel, pour se désennuyer.

Artael prit une gorgée de sa bière après avoir hoché la tête.

— S’il rencontrait notre ami golem, j’imagine que tout cela changerait, n’est-ce pas ? suggéra celui-ci. Un simple élément dans mon existence a modifié mon état d’esprit. Ta simple présence pourrait affecter la sienne, comme un effet papillon.

— Peut-être… mais encore faudrait-il que je le trouve, expliqua son fils. Cette ville est immense. Par contre, je ne vois pas pourquoi on devrait s’en faire, puisqu’on ne peut pas en sortir. Suffit de bien l’étudier et on finira bien par retrouver l’un des nôtres.

Artael le regarda étrangement.

— On ne peut pas sortir d’Ottawa ? Comment ça ? demanda-t-il.

— Nous ne sommes mêmes pas vivants dans cette dimension… Enfin, rien de tout ceci n’est réel, déclara Flint. Nous sommes dans une simulation qui vise à interagir avec Perséphone et Thanatos. Ceci est une invention de maman, en fait.

Il lui expliqua en détail ce que Hypnos lui avait raconté sur le laboratoire de la lune, ainsi que toutes les actions qui avaient précédé à cet événement, depuis la destruction de l’enfer. À la fin de son récit, le capitaine de la Septième Brigade réalisa que son père était bouche bée.

— Je sais… ça fait beaucoup à avaler, expliqua le fils. Mais bon, on nous attend en dehors de cette simulation. Tout ce qu’il nous reste à faire, c’est de rassembler tout le monde et essayer de négocier avec l’ennemi…

Il y avait encore tout plein de détails qui échappaient au patriarche de la famille Markios. Bien qu’il soit ravi de ne plus être le seul à se souvenir d’Aeglys et de sa vie antérieure ; il avait le sentiment d’avoir oublié quelque chose de très important…

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