115.2 - Une pause bien méritée

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— C’est quand même étrange qu’il y ait autant d’aliments dans le garde-manger, dit Flint. Nous sommes ici depuis quelques heures et tout ça me semble si frais…

Il enleva le pain de sa plaquette de viande et gratta celle-ci avec une fourchette.

— Tout ça vient de la magie du réacteur… ou du noyau central, expliqua Luna. Nous ne mourrons pas de faim, tant que nous serons à bord de ce vaisseau.

— On dirait de la triche, répondit le blond. Je n’ai pas l’habitude de consommer de la viande que je n’ai pas abattue moi-même.

Cassandra fusilla le capitaine. Celui-ci réalisa son erreur et s’excusa. L’elfe n’avait déjà plus faim. Vexée, elle se leva et se dirigea au comptoir afin d’aller se servir une tasse de thé. Un instant plus tard, elle sortit du réfectoire sans même leur dire au revoir. Cela jeta un froid dans la pièce.

— Quelque chose ne va pas ? questionna le blond qui se tourna vers Shayne.

— Elle s’inquiète pour nos enfants, rétorqua le général. Hypnos m’a avoué qu’elle n’a pas beaucoup dormi depuis la mission de la base lunaire. Disons qu’elle carbure au café et aux fruits.

— Et elle est docteure… Je vais devoir lui parler en privé.

— Pas la peine, elle a juste besoin de temps pour s’adapter à notre nouvelle situation.

— Et moi j’aurais besoin de vacances…

— Nuance, on a tous besoin de vacances.

Flint et Shayne échangèrent un regard complice et éclatèrent de rire en même temps. Les anciennes tensions entre le capitaine et le général avaient disparu depuis si longtemps qu’ils avaient fini par se respecter mutuellement. Gabriel appréciait de voir qu’ils s’entendaient bien, contrairement au début de leur voyage pour Lanartis.

— Et bah, on dirait deux frères, commenta Luna avant de croquer un raisin.

— La famille Markios : l’essayer c’est l’adopter, plaisanta Scottie.

— Idiot !

La magicienne pouffa de rire, suivie de Wyatt et Misaki.

Malgré le fait qu’ils avaient perdu quelques valeureux combattants lors de la récente embuscade, les membres de la Septième Brigade avaient mérité ce repos. Flint se sentait fier d’être entouré par ces gens qu’il considérait non seulement comme des amis, mais comme sa famille à part entière. Ils en avaient vu de toutes les couleurs, mais celui-ci avait le pressentiment que leur aventure n’était pas sur le point de se terminer.

— Je propose qu’on fasse un autre repas de ce genre, demain soir ! s’exclama Gabriel qui leva une grosse tasse remplie de bière. Montrons à ces dieux comment célébrer, façon baldtienne ! Ce repas m’a fait du bien… hihihi… hic !

Il rougit timidement, alors que ses camarades acclamèrent cette décision en chœur. Cette soirée avait été pour eux, une réussite. Ils passèrent les prochaines heures à discuter de tout ce qui leur passait par la tête.

Lorsque vint le temps d’aller se coucher, Flint décida de se promener un peu autour du vaisseau spatial. Il n’avait pas sommeil et avait besoin de se changer les idées. Après tout, cette journée avait été longue.

Lucas ne dormait pas. Ce dernier s’était installé à une petite table au fond d’une grande serre où poussaient des plantes et des fleurs. Cette pièce avait été aménagée spécialement dans le vaisseau afin de fournir une ambiance plus sereine aux passagers. L’ambassadeur avait trouvé un rasoir électrique, un peu plus tôt et s’était rasé la tête. Sa chevelure blonde ne faisait plus que quelques centimètres. Il se tenait à l’écart des autres depuis leur retour à Célestia, ou plutôt à bord du véhicule. Il avait besoin de calme et d’espace. Contrairement à son frère, il faisait tout ce qu’il pouvait afin de rester en contrôle de la situation.

À cran, il avait décidé de trouver une petite pièce où se calmer. Il avait fini par découvrir cette serre qui servait de petit parc. Il avait aussi déniché un livre dans une salle remplie d’œuvres de différentes cultures et avait opté pour lire quelques chapitres avant de se coucher. Voilà plus de deux heures qu’il lisait en silence, sous les branches d’un érable miniature.

Il entendit la porte automatique s’ouvrir et leva son regard vers son frère dernier-né qui entra, les mains dans les poches. Celui-ci était décontracté.

— Ah tiens, te voilà, toi, dit le capitaine de la Septième Brigade. Je me suis inquiété, durant notre repas. Est-ce que ça va ?

Lucas déposa son livre sur la table et croisa ses mains.

— Ne t’en fais pas pour moi, je vais bien, formula celui-ci.

— Tu t’es rasé les cheveux ? Pas mal !

— J’avais besoin de changer de coupe. Ça fait maintenant plusieurs années que je les laissais pousser. C’est étrange de ne plus avoir de queue de cheval.

— Ça te va bien en tout cas.

Les cheveux de Flint avaient un peu poussé durant les dernières semaines. Ils n’étaient pas très longs, mais il pouvait désormais passer des mèches derrières ses oreilles. Celui-ci décida de s’asseoir avec son aîné, avec qui il n’avait pas eu la chance de parler en tête-à-tête depuis quelque temps.

— Est-ce moi qui hallucine ou bien… ça ne va pas avec Misaki ? demanda celui-ci, qui avait remarqué une certaine distance entre les deux tourtereaux.

Lucas n’appréciait pas du tout que son quadruplé se mêle de leur histoire amoureuse. Toutefois, puisqu’ils travaillaient tous ensemble ; les brigadiers finiraient tous par l’apprendre tôt ou tard de la bouche de l’albinos.

— Nous nous sommes disputés, expliqua-t-il.

— Ah bon ? Pour quelle raison ?

— Ce qu’elle a fait à Troyd… je n’approuve pas.

Flint haussa un sourcil.

— Je vois. Peux-tu me dire pourquoi ?

— J’avais quelques questions à lui poser. Comme… la raison qui l’a poussé à se convertir au Culte de Perséphone… ou bien pourquoi il est l’une des raisons qui m’a poussé à fuir notre famille…

Lucas se couvrit la bouche et évita le regard de son frère. Ce dernier haussa un sourcil, intrigué.

— Il… t’a fait des trucs, n’est-ce pas ? questionna Flint, concerné.

— On peut dire ça. Il revenait de la taverne. J’étais seul à m’entraîner au tir à l’arc et il a profité de cet instant pour passer ses sales pattes sur mes… seins. J’ai fait volte-face et je lui ai planté mon poing à la figure. Il était inconscient. Lorsque j’ai réalisé qui c’était, je n’ai pas voulu le dénoncer. J’avais peur de cet homme et de son influence sur l’armée. Je vivais une période dysphorique, en plus… alors… ce qu’il m’a fait, ne m’a pas aidé.

— Mais… tu aurais pu nous en parler dès ton retour à Baldt, non ?

— Ça n’avait plus d’importance. Il ne pouvait plus m’atteindre. Je n’étais plus la jeune femme innocente et fragile qu’il avait autrefois pelotée. J’étais un homme… Je l’ai toujours été en fait… Mais je me suis vite rendu compte que revenir chez nous avait réveillé de vieilles blessures en moi. Tout d’abord, il y a eu cette dispute avec Kyran parce qu’il était jaloux de mon utérus autrefois fertile et il y avait toute cette histoire de sa propre infertilité… Ensuite, il y a eu les autres visites au palais, où certains soldats ont porté d’étranges jugements à mon égard. Je ne m’y suis pas senti à ma place avant l’année dernière.

— Comment ça, d’étranges jugements ? Pourquoi n’ai-je pas été mis au courant ?

— Parce que tu n’avais pas besoin de le savoir, Flint. Ce n’est plus important… De toute manière ces gens transphobes ont fini par accepter mes allers-venus au foyer.

— Je veux des noms…

Flint fronça des sourcils et tapa la table, comme quoi il avait envie de les dénoncer à son père et au Général Wolfe. Lucas gloussa et répondit :

— À quoi bon t’en faire ? Ils sont tous morts.

— Mais nos soldats doivent respecter nos invités en tout temps ! grogna son frère. Ils-

— Tu t’en fais trop. Ils se sont excusés au fil des années. Je n’ai pas besoin de divulguer leurs identités ; ils avaient déjà assez honte de perdre contre moi, lors de nos duels à l’escrime. Je ne perds jamais un match…

Ce commentaire glaça le sang du capitaine. Lucas était effectivement reconnu pour son expertise de manier les rapières et toutes les variantes d’armes d’estoc. Cet art lui avait été transmis par un vieux brigadier de Baldt, plusieurs années plus tôt.

Il a pris sa retraite un an avant notre départ pour la mission de Lanartis, songea Flint. Je me demande ce qu’il est devenu après être parti de la capitale.

— À quand remontent tes dernières nouvelles de Maître Darius ? formula Lucas. La dernière fois qu’on a discuté, c’était à ma fugue.

— D’après mes souvenirs, il devait se rendre à Mytira en bateau. Nous n’avons plus jamais entendu parler de lui, par la suite.

— Dommage. J’aurais bien aimé lui montrer mon progrès avec les rapières.

Le plus jeune des deux quadruplés en profita pour discuter d’Éclipse.

— Au fait, Lucas… depuis quand sais-tu manier les faux ? J’ai remarqué que tu te débrouilles bien avec ton esprit élémentaire.

— Oh ça ? J’ai fait beaucoup de jardinage avec Boris et Priya, durant nos temps libres. Je coupais souvent les mauvaises herbes d’une des fermes d’Archenwald, afin de me faire quelques piécettes en échange. On avait aussi droit à une petite parcelle de terre où nous pouvions planter nos propres légumes. Une partie de cet or a payé mes études pour devenir soldat dans leur armée. Disons que j’étais tellement habitué à trancher les herbes avec cet outil que j’ai décidé d’essayer des faux alternatives durant mes entraînements. C’est une arme qui a une longue et large portée, donc c’est pratique contre plusieurs adversaires. Toutefois, je préfère un fleuret pour les duels.

— Eh bah… tu n’as pas chômé, on dirait.

— Toi, par contre, j’ai entendu dire que tu as causé plein de cheveux blancs à Tonton Nash… Vilain garnement. En même temps, ça ne m’étonne pas.

Il fit un petit sourire malicieux à son frère. Flint bouda et se croisa les bras.

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