116.2 - Flint et Luna

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— J’aimerais bien te croire, mais je suis assez grand pour prendre mes décisions moi-même. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je vais sortir du réfectoire avant de tout détruire avec un iceberg…

Sur ces mots, il fit volte-face et sortit de la grande pièce. Le capitaine et son mari s’observèrent en silence. Au bout d’une vingtaine de secondes, ce fut le colosse qui prit parole. Il était surpris de voir Wyatt si tendu.

— Sais-tu, je préférais retourner dans la simulation de la Terre, plutôt que devoir régler ces disputes avec nos collègues, remarqua le barbu.

— Je ne te le fais pas dire. Au moins, là-bas, nous avions l’impression d’appartenir à un monde. Ça va nous prendre une période d’adaptation pour la vie à bord du vaisseau, j’en ai bien peur.

— D’après ce que ta mère nous a dit, un peu plus tôt, nous en avons pour plusieurs semaines de voyage… même des mois.

— Ça serait tellement plus facile de prendre un portail jusqu’au Saint Royaume, tu ne crois pas ?

L’ex-golem se gratta le menton. Il réfléchissait.

— Non, dit-il. Souviens-toi de ce qu’Athéna et Hypnos ont dit. Nous devons tenter une approche furtive afin de ne pas mettre la vie de notre équipage en danger.

Flint se laissa choir sur le comptoir et soupira.

— Ça va être long… râla-t-il.

— On finira bien par se trouver des activités. D’ailleurs, il y a une salle de simulations où nous pourrions nous servir des ordinateurs, si jamais nous voulions tuer le temps.

— Nous allons devoir réunir tout le monde dans notre groupe et discuter des prochains plans à suivre. Si nous sommes coincés ici, autant trouver un moyen de tous nous entraîner. Et cela va aussi pour toi…

Le blond se tourna vers son mari et toucha son bedon avec un doigt. Gabriel gloussa et tenta d’éviter le regard de son partenaire.

— Je suis en meilleure forme que la plupart d’entre nous, rouspéta ce dernier. Pas besoin de me mettre cette pression inutile sur le dos. Vous pourrez compter sur moi, comme toujours, pour nous cuisiner quelques repas. Mais pour ce qui est de ma santé physique, tu n’as pas à t’inquiéter.

Flint s’esclaffa.

— Évidemment, je te connais mieux que quiconque à bord de cet énorme véhicule, déclara-t-il. Seulement, avec ton gabarit imposant, nous devrions tenter de nouvelles tactiques de combats. Tu dois posséder plein de nouveaux pouvoirs, depuis que ton code génétique a été modifié par la machine de Maman…

— Ils ne sont pas très spéciaux que ça, quand même. Je peux désormais lancer des sorts élémentaires mineurs mais mon pouvoir de métamorphose pourrait bien nous servir.

— En fait, on t’a donné une nouvelle opportunité pour tenter de nouvelles expériences. Je t’envie. Tes nombreuses transformations sont si excitantes… !

Gabriel avait terminé de déposer la nourriture dans les assiettes et s’apprêta à emporter ces dernières sur la plus grande table du réfectoire.

— Tu dis ça parce que tu es un gros pervers, Flint, taquina le colosse.

— Mais non… mais qu’est-ce que tu racontes ?!

Le teint du grand blond passa rapidement du rouge au blanc. Il était conscient qu’il avait tenté différentes expériences de ce genre avec son époux, mais celui-ci enviait quand même le pouvoir si spécial de Gabriel. Selon lui, posséder un pouvoir de métamorphose, ça devait être fantastique. Il s’imaginait se transformer en faucon et survoler les plaines au sud de Baldt, ou bien nager dans l’océan sous la forme d’un dauphin. Rien ne l’empêchait d’utiliser les machines du vaisseau pour tenter une nouvelle expérience, mais ce ne lui procurerait pas le même sentiment d’accomplissement.

— Les autres ne vont pas tarder à se lever, dit l’ex-golem. Je devrais aller vérifier si tout va bien avec Randy, d’ailleurs…

— Ne t’inquiète pas pour lui, Misaki s’en occupe.

— Que fait-elle éveillée, si tôt ?

— Une vieille habitude qu’elle a. Elle aime normalement s’entraîner quand tout le monde dort. Mais bon… j’espère que Wyatt et Luna vont régler leurs différends parce que je n’ai pas vraiment envie de me montrer autoritaire.

Gabriel haussa des épaules.

— Ils finissent toujours par se réconcilier. Ne t’en fais pas pour eux.

Flint grogna de fatigue et se leva pour se laisser tomber dans les bras de son mari. Il enfouit son visage dans sa grosse poitrine et soupira de soulagement. Selon lui, il n’y avait rien de mieux que d’aller se réconforter en enlaçant l’élu de son cœur.

— Faudrait vraiment qu’on se trouve une journée de congé, rien que pour nous deux, marmonna-t-il. Ça me manque, nos journées intimes…

— Je sais, chéri, mais on a Randell, maintenant. On doit s’en occuper, en plus de la guerre… On va devoir attendre un peu.

— On a qu’à sauter la session d’entraînement que prépare ma mère… Je suis certain qu’elle se montrera gentille avec nous, si nous le lui demandions.

Gabriel baissa son regard vers son époux et fronça des sourcils.

— Bah quoi ? demanda Flint qui cligna les yeux.

— Ne fais pas ton gros paresseux…

Gabriel se pencha et embrassa son partenaire. Il l’agrippa tout de même d’une main, près des fesses. Il lui caressa le dos et huma son odeur. Flint en profita pour passer ses bras autour du tour de taille imposant du colosse et sourit. Ils restèrent ainsi pendant quelques minutes, à s’embrasser et se caresser, comme ils avaient l’habitude de le faire.

— Minute, fit aussitôt le capitaine, qui réalisa un petit détail. Est-ce qu’ils ont au moins lavé le comptoir après tu sais quoi ?! On a placé nos assiettes sur ça…

Il échangea un regard troublé avec le guerrier pansu qui comprit aussitôt où celui-ci voulait en venir. Ils avaient oublié d’en parler avec Wyatt avant qu’il ne parte de la pièce, en coup de vent. Le cuisinier sursauta et déglutit.

— En effet, ce n’est pas très sanitaire, fit ce dernier. Mais connaissant Scottie, il a sûrement désinfecté tout ça avant d’aller se coucher…

Gabriel se pencha et renifla le meuble en question. Il constata que celui-ci sentait le citron.

— Mouais, j’avais raison. On l’a échappé belle.

Le blond, soulagé par cette nouvelle, décida qu’il était temps d’aller chercher son fils. Il irait ensuite avertir les autres membres de son groupe que le repas était servi.

¤*¤*¤

Flint avait fini par trouver Luna dans la salle sportive du vaisseau, où cette dernière était installée dans un jacuzzi. Tous les autres membres de la Septième Brigade déjeunaient, alors que le capitaine avait décidé de partir à la recherche de la magicienne. Elle avait enfilé un maillot de bain à rayures noires et blanches, en deux pièces. Elle était assise, dos à la sortie de la grande salle. Son supérieur posa son regard sur les anciennes cicatrices de sa collègue de travail. Elle les avait recouverts de tatouages. Flint pouvait y voir des fleurs de toutes les formes et couleurs. Il se demandait quand elle avait eu l’idée de se faire encrer.

— Ah tiens, c’est nouveau ça, remarqua-t-il.

Luna regarda par-dessus son épaule et vit son ami. Il se rendit compte qu’elle avait pleuré.

— Quoi ça ? Mon encre ? demanda-t-elle.

— Oui… je trouve ça très joli. J’ignorais que tu aimais les fleurs à ce point.

— Elles me calment quand j’ai besoin de tranquillité.

Flint enleva ses souliers et ses chaussettes afin de mettre ses pieds dans le bain chaud. Il s’installa sur un banc élevé, plus sec que les autres.

— Qu’est-ce qui t’as poussé à en mettre sur tes vielles blessures, si je ne suis pas indiscret ? questionna celui-ci.

— J’avais besoin de changement, avoua son amie. J’en avais marre de constamment les voir dans la glace, lorsque j’étais plus jeune. J’ai voulu en faire une œuvre d’art.

— Je comprends. Tu aurais pu les effacer avec les machines d’Athéna, par contre.

— J’ai décidé de les garder… Elles font partie de moi.

Le blond hocha la tête et esquissa un sourire.

— Tu dois déjà te demander pourquoi je suis ici, n’est-ce pas ?

— Pas vraiment. Vous vous inquiétez pour moi ?

— Surtout moi. Wyatt n’est pas resté longtemps pour le déjeuner. Il est parti s’enfermer dans sa chambre. Gabriel t’a gardé un plat pour plus tard.

— Je n’ai pas faim, mais merci.

Flint se gratta le haut du nez et pencha sa tête d’un côté.

— Lu’… tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai ? Je sais que tu en as beaucoup sur la conscience avec tout ce que nous avons vécu durant les dernières semaines… Mais tu n’as pas besoin de tout garder pour toi…

— Dernières semaines… ? Flint… Dix ans se sont écoulés pour nous !

Il déglutit. Cette difficulté à s’adapter au passage du temps le rendait de plus en plus mal à l’aise. Il s’en voulait beaucoup de ne pas avoir été plus présent pour elle.

— Oui, pardon… mais ce que je t’ai dit est sincère. Tu peux tout me dire. Je suis là pour toi. Tu m’as beaucoup aidé à la mort de mon oncle, alors…

Les yeux bleus de la magicienne se perdirent dans le vide, alors qu’elle se laissait flotter dans l’eau chaude, jusqu’à la nuque.

— Je… je crois que j’ai des sentiments pour Wyatt… C’est compliqué à expliquer.

— Ah… ah bon ? Je pensais que tu étais… euh ? Flûte, les termes m’échappent…

— Je ne sais même plus ce que je suis… Je ressens très peu de tensions sexuelles et encore moins d’attirances romantiques pour les gens… Mais Wyatt… C’est compliqué.

— Tu t’en veux de l’avoir rejeté, c’est ça ?

Elle leva son regard vers son supérieur, expira, puis retourna dans sa position initiale.

— Il n’y a pas de honte à changer d’avis, Luna, dit celui-ci. Pendant un temps, j’ai aussi pensé que j’étais bisexuel, avant de faire ma sortie du placard en tant qu’homosexuel. Enfin, peu importe ce que je suis, je reste fidèle à mon mari et je l’aimerais toujours. Dis-toi simplement que la sexualité est fluide.

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