117.2 - La déchéance du mage

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La journaliste hocha la tête et vérifia la bouche de son père, encore une fois.

— Ouais, je trouve ça étrange d’ailleurs, formula Estelle. Nos collègues qui ont participé à cette mission semblent tous avoir oublié ce qui s’est déroulé, outre le fait que Perséphone et Thanatos sont de notre côté…

— Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi Athéna les a accueillis parmi nous si elle sait qu’ils sont responsables de notre génocide, soupira Kylie. Je ne leur fais pas confiance du tout. Shayne aussi, d’ailleurs.

— Maman compte nous parler de tout ça lors de la prochaine réunion de groupe sur le pont, expliqua le blond. Je vais devoir leur expliquer ce qui s’est passé avec Wyatt…

— Franchement, tu t’attendais à quoi en lui parlant sur ce ton ? gronda sa fille. Nous le savons tous que tu as des méthodes peu orthodoxes pour régler les problèmes, mais quand même… il s’agit de ton collègue de travail.

Elle se mit les mains sur les hanches et fixa son père droit dans les yeux.

— P… pardon… marmonna l’homme qui la dépassait de plusieurs centimètres.

— Ce n’est pas à moi que tu dois t’excuser mais à Wyatt pour l’avoir provoqué. Nous sommes déjà tous à cran, à cause de ce voyage forcé vers le Saint Royaume. Nous n’avions pas besoin d’un tel drame dans nos rangs !

Le capitaine déglutit et recula d’un pas. Même Kylie avait peur de son épouse lorsqu’elle se fâchait. Elle savait se montrer très autoritaire. En fait, celle-ci rappelait étrangement à son père, une version miniature de Gabriel en ce moment même.

— Dis donc, ma chérie, où as-tu trouvé tout ce courage ? demanda le responsable de la Septième Brigade. On dirait une maman lionne.

La journaliste gloussa et se gratta la joue.

— J’ai d’excellents modèles, répondit sa fille, avant de poser un doigt sur son torse.

— Eh bah punaise…

Kylie rangea sa trousse de premiers soins et mit ses mains dans ses poches. Flint fit disparaître par magie son épée, toujours recouverte du sang de Wyatt. Il s’occuperait de nettoyer son arme plus tard, quand la situation se serait calmée.

— Ta fille a toujours eu du cran, avoua la guerrière. Elle était juste trop timide de t’affronter, quand elle était plus jeune.

— Mais euh… gémit la petite blonde. Pas devant mon père…

Elle posa son regard effrayé sur celui de sa bien-aimée. Flint remarqua à quel point les yeux bleus d’Estelle étaient ravissants. Ils lui rappelaient ceux de sa sœur. Elle avait définitivement les traits familiers des Markios. Il avait toujours de la difficulté à se faire à l’idée qu’elle était, à la base, une entité magique. Plus celui-ci l’observait, plus il se rendit compte qu’elle avait le nez de Gabriel.

— Pourquoi me regardes-tu ainsi, papa ? fit-elle, toute rouge.

— Oh rien, dit le capitaine. Je te trouve simplement jolie. Tu es le portrait craché de tes parents. Je t’adore ma petite princesse.

Sur ces mots, il pinça les joues de sa fille, sous le regard amusé de la punk. La journaliste bouda son père et se croisa les bras.

— Je n’ai plus douze ans… ronchonna-t-elle.

Même si elle avait plus de vingt-six ans, dans cette nouvelle réalité, elle resterait toujours la fille de Flint et Gabriel Markios. Le blond la serra dans ses bras. Kylie haussa les épaules, puis enlaça son épouse et son beau-père.

Wyatt avait dormi plus de six heures. On l’avait mis sous des sédatifs pour soigner ses blessures. Il réalisait qu’il se trouvait dans une infirmerie, celle du vaisseau spatial. À sa droite, Scottie lisait un livre pour passer le temps.

— Ouf… soupira le mage, qui essaya de se relever.

Il souleva sa couverture et vit qu’on avait mis un pansement sur sa plaie, afin de l’empêcher de saigner. Il replaça sa tête et souffla des narines.

— Au moins tu n’es pas aveugle, c’est bon signe, répliqua sardoniquement Scottie.

Le mage remarqua que son époux n’était pas de bonne humeur.

— Il t’a tout balancé, n’est-ce pas ? demanda-t-il.

— Il n’a pas eu besoin de le faire. Tout le vaisseau est au courant que tu l’as agressé et qu’il s’est défendu. Tu es en isolement jusqu’à demain. On doit se remplacer pour te surveiller et t’empêcher de sortir d’ici.

— Pourquoi ça, en isolement ?!

L’éclaireur ferma son livre et le posa sur ses genoux. Il cligna des yeux et répliqua :

— Tu avais la ferme intention de tuer un supérieur dans nos rangs. Pour cette raison les plus hauts gradés présents sur le Célestia ont décidé qu’une sanction serait nécessaire. Flint leur a expliqué qu’il ne portait pas plainte et qu’ils n’avaient pas besoin de te punir davantage, mais ils sont en colère.

— Ce con a pris ma défense ?! Pfft…

Ce con, comme tu le dis si bien, essayait seulement de te manipuler à me parler parce que tu semblais préoccupé par certains sentiments. Tu l’as mal pris et tu l’as agressé.

— Je… c’est typique de ce maudit renard. Merde. J’aurais dû m’en douter qu’il me jouerait un coup pareil. J’ai tout gâché, pas vrai ?

— Gabriel avait envie de te tuer, tantôt, mais on lui a aussi donné des sédatifs assez puissants pour assommer un éléphant. Il ne se réveillera pas avant demain.

Scottie pointa un autre lit en face de celui de Wyatt, où le mage pût voir le colosse qui ronflait à n’en plus finir.

— Évidemment, tu vas être transféré dans une autre pièce d’ici peu, remarqua l’éclaireur. Il s’est énervé, car tu t’en étais pris à son mari, mais nous avons essayé de lui faire comprendre que c’était un stupide malentendu. Hélas, il a planté son poing dans la figure d’un garde et briser les côtes d’un second, à la porte d’entrée de cette salle. D’où la raison de ces sédatifs. Cassandra a eu de très bons réflexes.

Le mage déglutit. Normalement, il s’entendait très bien avec le gros guerrier. Cela lui glaça le sang d’apprendre qu’il avait tenté de l’attaquer pour ce qu’il avait à Flint. Il réalisa enfin qu’il avait commis une terrible erreur.

— Ça en prend beaucoup pour énerver Gabriel, poursuivit Scottie. Toutefois… il suffît qu’on s’en prenne à son mari ou bien Estelle et il commence à voir rouge.

Il posa ses yeux bleus sur son époux et fronça des sourcils.

— Franchement, je te croyais plus futé que ça… Toi qui a un Q.I. plus élevé que la moyenne des humains, tu t’es fait berner comme un débutant.

Wyatt recouvrit son visage d’une main, tellement il avait honte. Puis, il se tourna à sa gauche et ramassa ses lunettes qu’on avait posées sur un petit bureau réservé aux patients. Même s’il avait déjà amélioré sa vision avec les machines, il s’était beaucoup attaché à ses montures. Il posa son regard sur la silhouette de Gabriel, au loin. On l’avait entravé à son lit avec des menottes. Celui-ci pourrait facilement s’en libérer, toutefois. La force herculéenne du colosse lui permettait déjà de briser des cadenas sans le moindre effort. Le mage déglutit, rien que d’y penser.

— Et Flint, dans tout ça ? questionna le mage.

— Il s’est fait grondé par Shayne et son père pour avoir agi impulsivement. Ils ont vite compris que tu étais l’agresseur toutefois, donc ils vont te passer un interrogatoire. Le général est convaincu qu’on t’a fait un lavage de cerveau et croit que Perséphone et ses sbires y sont pour quelque chose.

— Mais c’est n’importe quoi ! Je suis moi, je n’ai passé aucun accord avec personne et non, je ne suis pas possédé par qui que ce soit !

— Dans ce cas, tu vas devoir t’expliquer face aux dirigeants de notre groupe. Athéna s’est enfermée dans sa chambre, en état de panique et refuse d’en sortir. De nombreuses disputes ont éclatées suite à ce que tu as fait dans le couloir. Quel bordel…

Étourdi, Wyatt ferma les yeux et inspira un grand coup. Après avoir expiré, il sentit son mari se lever de sa chaise.

— Je vais aller dîner, dit-il sur un ton détaché. Je vais demander à Kylie de me remplacer.

— Attends…

Scottie tourna son regard vers le mage.

— Quoi ? formula-t-il.

— Pourquoi es-tu si froid à mon égard ?

Le mage rouvrit les yeux et observa son partenaire de vie. L’expression de Scottie était celle d’un homme répugné.

— Tu t’en es pris à l’un de mes héros de jeunesse, répliqua sèchement ce dernier.

— Vraiment ? Tu vas me sortir cette excuse banale ? Je croyais qu’ils ne t’impressionnaient plus autant…

— Je me suis trompé à ton sujet, Wyatt. Un homme capable d’autant de méchanceté ne me mérite pas.

L’éclaireur retira son jonc de mariage de son annulaire droit et laissa tomber celui-ci dans la poubelle, près de la chaise des invités.

— Je t’ai donné dix ans de ma vie, mais tu as tout gâché en t’en prenant à un membre de notre famille... C’est terminé. Je ne veux plus de toi.

— Mais Scottie ! s’exclama le mage. Je…

— Et pour répondre à ta question : oui, je voulais un enfant, mais j’étais prêt à tout laisser tomber parce que je t’aimais et que je respectais ton choix de ne pas vouloir de gamins dans les pattes. J’aurais très bien pu me contenter d’un chat ou d’un chien… Cependant, je ne peux plus te voir sans me dire que tu aurais pu devenir le meurtrier de l’un de mes héros. Tu n’es qu’un lâche, Wyatt.

— Mais je… je t’en prie ! Il faut que nous parlions !

En larmes, Scottie tourna le dos à celui qu’il venait de rejeter, puis s’éloigna en lui faisant le doigt d’honneur. Il venait de rompre avec son mari et comptait officialiser son divorce verbalement avec le reste de l’équipage. Rien de ce que dirait le mage allait lui changer les idées. Il était temps pour lui de passer à autre chose.

Wyatt sanglota et se recouvrit le visage d’un oreiller pour étouffer un cri de frustration. Il avait tout perdu. Jamais, de sa vie, avait-il ressenti autant de honte.

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