118.1 - Période d'adaptation

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Trois semaines s’étaient écoulées à bord du Célestia.

Les passagers commençaient à s’habituer à leur nouveau mode de vie. Peu à peu, l’équipage du véhicule massif avait décoré les lieux afin d’y créer une meilleure ambiance. Tous les membres de la Septième Brigade faisaient de leur mieux afin de participer à la vie sur le vaisseau.

Wyatt était sorti de l’infirmerie, une semaine plus tôt. Il avait fait une vilaine infection dans le ventre et pour cette raison, Cassandra et ses assistants avaient dû le garder plus longtemps. Ce dernier n’avait reçu pratiquement aucune visite, sauf celles d’Artael et d’Estelle. À part eux, tous les membres de son groupe l’avaient renié.

Le mage des eaux savait qu’il avait mal agi, mais Flint avait avoué à ses supérieurs qu’il y était peut-être allé trop loin en ne se mêlant pas de ses affaires. Son père et le général avaient toutefois compris qu’il avait agi sans réfléchir, parce que son collègue lui avait fait perdre son sang-froid.

— Tiens… tu travailles encore ? fit Luna, alors qu’elle vit Wyatt dans la grande serre.

Cette dernière était entrée dans la grande pièce où l’on avait planté plusieurs fleurs et où il y avait un arbre. C’était la seule pièce qui rappelait la nature, aux habitants du Célestia. Afin de se rendre utile, Wyatt entretenait le jardin où il faisait pousser diverses plantes médicinales pour Cassandra. Elles poussaient rapidement et en abondances. Les infirmières s’en servaient pour soigner les gens.

— Il faut bien que quelqu’un s’occupe du jardin, répliqua le mage, sans même adresser un regard à sa meilleure amie.

— Ça fait des jours que t’es sorti de l’infirmerie. Pourquoi tu ne viens plus nous voir ? interrogea son amie.

— Personne n’est venu me rendre visite, lors de ma convalescence.

— C’était les ordres des autorités du Célestia. Il n’y a qu’Estelle qui a refusé de suivre cette directive. Lorsqu’on l’a chopée, elle a été obligée de passer le jour suivant à nettoyer les toilettes pour hommes… et tu sais comment elles sont crades…

Wyatt grimaça de dégoût. Les toilettes publiques étaient en effet toujours répugnantes. Il y avait des concierges qui travaillaient pour eux, mais jamais il n’aurait aimé se retrouver à la place de la petite blonde.

— Il fallait t’y attendre, quand même. Ce que tu as fait est la pire trahison qu’un brigadier puisse faire envers son équipe. T’as vraiment de la chance que Flint ait pris ta défense. Plusieurs passagers voulaient te jeter dans l’espace.

— Je sais. Cassandra m’en a parlé.

Le mage se gratta la tête. Luna remarqua qu’il s’était coupé les cheveux.

— Tiens donc… tu t’es débarrassé de ta queue de cheval ? Pourquoi ?

— J’avais besoin de changement. Tout le monde a besoin de se changer les idées sur ce stupide vaisseau, de toute façon. Une coiffure par ci, une coiffure par là…

Il tourna son attention vers la magicienne. La chevelure de son amie était rose foncé et légèrement plus longue que la dernière fois où ils s’étaient vus.

— Toi, par contre, cette couleur est éclatante.

Il n’y avait aucun enthousiasme dans sa voix. La magicienne comprit que le rose ne lui plaisait pas vraiment. Il n’y avait que Misaki et Cassandra qui semblaient l’apprécier. Les autres membres de la Septième Brigade étaient tous indifférents ou désapprouvaient. Pratiquement tout le monde s’ennuyait de sa teinture mauve.

Ce jour-là, elle portait une robe de chambre pourpre, ainsi qu’un tee-shirt bleu marin et un pantalon beige. Pour compléter son ensemble, elle portait les pantoufles de lapins roses qu’elle avait l’habitude de mettre à ses pieds, quand il faisait un peu froid. Le sol du vaisseau était plutôt glacial pour la plupart des passagers, alors ils portaient tous des chaussures ou des chaussons. Wyatt trouvait son style étrange.

— Ça ne te plaît pas, avoue, ronchonna la magicienne.

— Je trouve surtout étrange que tu aies teint tout ça en rose.

Il pointa les cheveux de son amie, d’un signe de tête.

— Arf ! Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi… ?! J’ai l’impression que je suis destinée à garder ma teinture mauve pour le reste de mon existence. Vous n’êtes pas cool avec moi, les autres et toi.

— Bah, fais ce que tu veux. C’est ton corps.

Luna trouvait son ami trop détaché à son goût. Elle s’approcha de celui-ci leva son menton d’un doigt, afin de le regarder dans les yeux.

— Il est où Wyatt et qu’as-tu fait de lui ? interrogea cette dernière. Normalement, tu serais en train de me taquiner ou me contredire.

Le mage cligna des yeux et ôta le doigt de sa collègue, tranquillement.

— Il flotte quelque part, au milieu de l’espace, avec ce qui reste de sa dignité, finit par répondre celui-ci. Je crois que tu ferais mieux de m’ignorer pour quelque temps. J’ai déjà assez causé de soucis à tout le monde.

— Non mais… ressaisis-toi. Scottie déprime grave depuis votre rupture et passe ses journées à boire au réfectoire, en plus de prendre des cachets pour dormir. Il a besoin de toi, alors lâche ces fleurs et suis-moi.

Cette révélation brisa le cœur du mage. Ainsi donc, son ex-époux vivait très mal leur séparation. Une partie de lui avait envie de rire de son malheur, mais l’autre était chagriné d’apprendre qu’il avait recours à des substances nocives pour noyer sa peine.

— Il doit bien y avoir un psychologue sur ce vaisseau, soupira-t-il. Vous devriez lui demander de lui parler. Moi, il ne veut plus me voir.

— C’est ce que tu crois, mais il est misérable. Il ne mange pratiquement plus non plus. Gabriel a tenté de lui faire sa lasagne préférée l’autre jour, il n’a pas été capable d’avaler quoi que ce soit. Nous pensons qu’il se laisse mourir.

— Eh bah, dis donc… Sa décision ne lui a pas fait du bien.

— Et toi ? T’as l’air de t’en moquer royalement, lui reprocha son amie.

Luna mit ses mains sur ses hanches et le fusilla du regard.

— Il l’a dit lui-même, je suis un lâche. Je suis une ordure et je ne le mérite pas.

La magicienne leva son poing tranquillement en l’air, elle essayait de refouler sa rage. Finalement, elle perdit patience et agrippa Wyatt par l’oreille.

— Ouille ! Mais qu’est-ce que tu fais ?! chiala-t-il.

— Je t’emmène voir ton mari, espèce d’andouille ! Ça prend des papiers pour officialiser votre divorce, alors tu vas grouiller ton petit cul et aller le consoler avant que je te brûle les fesses ! Et tout de suite, avant que je me fâche vraiment !

Apeuré, le mage dut écouter ce qu’elle lui disait. Ils sortirent de la serre et croisèrent deux gardes qui devaient normalement veiller sur lui en permanence. Elle leur fit signe de lui laisser le mage et elle le tira de force jusqu’au réfectoire, où il n’y avait que Scottie, assis à un bar. Ce dernier piochait dans une salade de fruits depuis plus d’une heure. Il entendit les gémissements de Wyatt, mais n’en fit rien.

Elle poussa alors son meilleur ami jusqu’au comptoir et jeta un coup d’œil du côté de l’éclaireur. Celui-ci avait bu plus de quatre canettes de bière depuis le souper. Wyatt constata qu’il ne s’entraînait plus non plus, que son corps commençait à devenir moins rigide. Le jumeau Sanders ressemblait un peu plus à son ancienne version de lui-même, dix ans auparavant. La magie angélique y était sûrement pour quelque chose, pensa le mage. Scottie posa son triste regard dans les yeux de celui qui lui avait brisé le cœur, quelques semaines plus tôt.

— Salut… dit nerveusement Wyatt. Est-ce que t’as envie de parler un peu ?

Le seul son qui sortit de la bouche de Scottie fut un sanglot. Il se laissa choir sur comptoir, repoussa son bol de fruits et cacha son visage. Il ne pouvait pas supporter qu’on le voie ainsi, intoxiqué par l’alcool et accroc aux somnifères.

— Je vais vous laisser seuls, dit Luna qui s’adressa à son meilleur ami. Je vais garder la porte et m’assurer que personne ne vienne vous déranger.

Wyatt hocha la tête et observa son amie s’éloigner.

Comment pouvait-il réparer sa relation brisée avec Scottie, s’il savait qu’il était responsable de son chagrin ? Le mage s’était posé cette question, alors qu’il observait son partenaire de vie. Papiers ou pas, celui-ci avait rompu avec lui.

— Flint n’a rien, alors pourquoi te détruis-tu le foie avec tout ça ? interrogea Wyatt qui pointa les canettes.

Scottie haussa les épaules, incertain.

— La dernière fois que tu as sombré comme ça, c’était quelque temps après le départ de son groupe pour Baldt… Je pensais que c’était fini, tout ça.

L’éclaireur leva son visage, ses yeux étaient rouges à force d’avoir pleuré.

— Écoute… dit Wyatt qui s’installa en face de lui, sur un banc. Je m’excuse de t’avoir causé autant de chagrin. Je ne savais pas que Flint et Gabriel comptaient toujours à tes yeux. J’étais surtout furieux envers notre capitaine parce qu’il voulait me forcer à te parler de mes véritables sentiments. En plus, j’avais passé une mauvaise journée avec Lu’… J’ai mal géré la situation, je le reconnais. Je suis désolé.

— Si tu veux vraiment me rendre service… hic ! Va plutôt me chercher la bouteille de whisky dans le frigo… J’ai soif… hic !

Incrédule, le mage recula son visage et secoua la tête.

— Il est hors de question que je te laisse boire une seule goutte de plus. Tu t’en vas en désintox à partir de demain.

— Ne me fais pas chier, Wyatt… hic !

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