127.2 - Le fléau des anges

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— Ne t’en fais pas, Gabriel. C’est ton corps, pas le sien. Si tu penses être trans, non-binaire, fluide, homme, femme, c’est ton droit. Tu as le droit de faire ce que tu veux. Après tout, les polymorphes ont le droit de s’amuser.

— Je suis un homme, insista le colosse. Juste… un mec bizarre… Même si je l’ai été un jour, je ne me vois plus vraiment comme un homme trans.

— Ce n’est pas vraiment ce que ton corps me dit, quand je me réveille la nuit.

Gabriel cligna les yeux, incrédule.

— Croyais-tu vraiment que je n’avais pas remarqué tes nombreuses transformations nocturnes ? formula Flint, amusé. Des fois, il m’est arrivé de te voir avec des cicatrices sous la poitrine. La semaine dernière, tu as même saigné à travers nos draps. J’ai dû les laver pour m’assurer que cela ne te choque pas.

— Tu… tu veux dire que j’ai eu… des règles ?

Flint hocha la tête. Gabriel était horrifié.

— Je suis un monstre, pleurnicha le colosse.

— Mais non… Tu as seulement besoin de renouer avec qui tu étais avant. Tu souhaites tellement connaître ce que c’est que d’avoir un bébé que ton corps a décidé de manifester tes désirs. Et puis, le sang ne me fait pas peur. Ça fait partie de la vie.

Le gros guerrier soupira. En ce moment même, il avait toujours un corps entièrement cisgenre. Cela ne l’empêchait pas d’être mortifié, à l’idée qu’il avait eu ses règles, dans cette nouvelle existence. Il se perdit dans ses pensées, un moment.

— Tu veux savoir ce qui est le plus choquant dans toute cette histoire ? demanda Flint à son époux. J’ai déjà pris l’apparence d’une femme, pendant que tu étais occupé.

Surpris, Gabriel posa son regard sur celui de son mari. Le blond gloussa.

— C’était pour comprendre certaines choses. Je me suis amusé un peu avant de reprendre ma bonne vieille apparence. Nous n’aurions pas pu faire ce genre de chose de notre vivant, sur Aeglys. Par contre, je peux te le confirmer, je préfère de loin ce que je suis en ce moment : ton mari. Celui qui ferait tout pour te rendre heureux…

Le colosse sourit bêtement et essuya ses larmes.

— Et je veux t’aider à accomplir ton rêve, chéri, ajouta le blond. Un jour, quand cette guerre sera terminée, toi et moi, on agrandira notre famille comme tu le souhaiteras.

— Merci Flint… Merci d’être si compréhensible.

— Pas de quoi, mon cœur.

Pendant un long moment, ils écoutèrent le crépitement des flammes du feu de camp. Il allait bientôt s’éteindre et ils devraient peut-être rajouter un peu de bois pour se réchauffer. Gabriel avait fini de pleurer depuis quelques minutes. Au moins, son mari comprenait enfin ce qui lui passait par la tête.

Charlie avait déjà été mis au courant des désirs de son porteur. Toutefois, il n’avait pas réagi négativement. Le tigre blanc avait même mentionné à son ami qu’il le comprenait tout à fait, pour s’être un jour réincarné dans le corps d’une dragonne. Lui-même avait donné naissance à plusieurs enfants, avant de redevenir un mâle, lors de sa réincarnation suivante.

Si tu désires comprendre ce que c’est que d’enfanter, je crois que tu devrais le faire, avait dit le tigre blanc à son porteur. Tu as toutes l’éternité devant toi, après tout…

Cette conversation s’était déroulée le jour-même où les esprits élémentaires étaient arrivés à bord du Célestia. Gabriel n’avait jamais eu le courage d’en parler à Flint, jusqu’à aujourd’hui. Enfin, il se sentait libéré d’un énorme poids sur les épaules.

Flint se leva un instant afin d’ajouter du bois sec dans leur feu de camp.

— Je t’aime, chéri, dit Gabriel à son mari.

— Je t’aime aussi, répondit le blond qui se tourna vers son époux.

Flint revint vers son mari et s’allongea à nouveau, en face de lui.

— Sais-tu… j’aimerai vraiment trouver un endroit sécuritaire pour mon papa – euh… je veux dire, notre fils… enfin… tu comprends où je veux en venir, commenta Gabriel. Pffft… Je me mêle encore.

Flint pouffa de rire. Il trouvait adorable que son mari ait toujours de la difficulté à accepter que leur fils était simplement son père, transformé. Gabriel se trompait parfois, lorsqu’il parlait de Randell, mais avait développé un sentiment surprotecteur pour ce dernier. Il l’aimait, plus que tout. Cette deuxième chance avec lui, lui avait permis de se rapprocher avec l’homme – ou plutôt l’enfant – qui lui avait brisé le cœur, durant sa jeunesse.

— Je sais, c’est étrange qu’il ait choisi de devenir notre fils, commenta Flint. Mais je dois avouer qu’il en avait grand besoin. Il s’est beaucoup épanoui, en notre présence.

— De toute manière… je suis le sosie de son véritable père…

— C’est triste, quand même, de savoir qu’il voulait recréer sa famille. Toute la solitude qu’il a dû ressentir, au fil de ces années.

— C’est aussi la raison pour laquelle je veux lui donner un petit frère ou une petite sœur… Il le mérite… Il mérite tout le bonheur de l’univers.

Le gros guerrier ressentit sa gorge se serrer. Ils avaient déjà eu cette conversation, à quelques reprises, mais Flint avait l’air plus sincère que d’habitude. Se pouvait-il que le blond se soit réellement attaché à leur enfant adoptif ?

— À t’entendre, tu l’aimes tout autant que moi, le petit Randy, commenta Gabriel.

— Et comment, répliqua le blond. Il est assez marrant, ce petit garnement.

— Et intelligent, comme son grand-père.

Tous deux gloussèrent, alors qu’ils observaient les étoiles. Le colosse prit la main de son mari, qui sourit. Cet instant, passé ensemble, était leur premier moment intime, depuis quelques jours. Ça lui faisait beaucoup de bien de penser à autre chose qu’à la guerre et tout ce sang.

Gabriel expira un grand coup, par les narines.

— Crois-tu qu’il serait exagéré de vouloir revenir à l’arrière ? formula-t-il.

— Pas vraiment. Ma vie sur Aeglys me manque, aussi.

— Mis à part les derniers mois où nous avons poursuivi Troyd et confrontés le culte, c’était assez bien, je trouve…

— Mouais… Tout le monde évoluait à son propre rythme, mais c’était notre monde…

— Notre chambre me manque. Tous nos bien personnels… la ville aussi… La version de Baldt sur Célestia était impressionnante, mais ce n’était pas notre ville.

Flint approuva d’un hochement de tête, avant de répondre :

— Certes, mais notre fille et ses amis ont vu un potentiel énorme à Célestia et en ont profité pour améliorer la vie de tous. Peut-être que nous ne pourrons jamais revenir en arrière, mais j’ai espoir que nous pourrons ramener cette planète qu’ils avaient créée.

— Ça me semble un très beau rêve.

— Pas aussi beau que toi, mon trésor.

Gabriel rougit.

Pourquoi faut-il toujours qu’il me complimente, ce grand fou ? se dit-il.

Celui-ci s’approcha un peu plus de son mari, et lui caressa la nuque avec l’une de ses puissantes mains. Flint en profita pour lui entourer son tour de taille.

— T’es le meilleur, Gabou-chéri, dit le blond.

— Correction : nous sommes les meilleurs.

Le colosse eut soudainement un flash dans son esprit, un vieux souvenir du temps où ils étaient tous deux adolescents – du moins, lorsque les quadruplés avaient au moins treize ans. Il se souvenait d’une fois où Flint et lui avaient fait une blague aux conseillers. Ils avaient mis du poil à gratter dans leurs toges de grandes cérémonies. Il y avait eu une grande réunion avec des représentants de Lanartis, cette fois-là. Tout d’abord, Artael avait cru qu’il s’agissait d’une blague de Lucas, mais non…

Pendant la réunion importante, Flint et Gabriel avaient tout observé depuis un passage secret, pour glousser comme des pies. Le blond s’était retourné vers son meilleur ami.

Toi et moi, c’est à la vie, à la mort, mon pote ! avait-il chuchoté.

Gabriel ignorait que Flint avait déjà eu des sentiments amoureux, pour lui, à l’époque. Il avait pris cette déclaration comme la plus grande marque d’amitié qui soit. Non seulement Flint était devenu son mari, mais il était aussi son meilleur ami depuis leur enfance. Sa vie n’aurait jamais été la même, sans lui.

Sur cette pensée, il embrassa celui-ci, avec seuls témoins, les chevaux qui n’arrivaient pas à dormir. Même cette horrible guerre ne les arrêteraient jamais de s’aimer.

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