135.4 - La philosophie du diable

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Il s’approcha de la cellule du diable, surveillée par deux soldats qui gardaient un œil vigilant sur lui. Les deux gardes reconnurent leur ancien roi et le saluèrent à la manière militaire. Nash les regarda, d’un air satisfait.

— Rompez, ordonna celui-ci. J’ai à parler à notre prisonnier.

— Tout de suite, Votre Majesté ! dit le premier garde.

— À vos ordres, Monsieur Markios ! ajouta le second.

— Plus la peine de me donner ce titre, Jackman. Je suis comme tout le monde désormais, maintenant qu’il y a un Conseil.

Nash avait dit cela au premier individu qui le traitait toujours comme un roi. Jackman était l’un des anciens gardes du corps de la Déesse Aphrodite. À sa mort, il avait été affecté à la surveillance de Satan. Il était reconnaissant de se rendre utile à ce nouveau régime de dieux qui brisait les barrières des factions et des cultures.

— Désolé, répliqua timidement l’homme.

Le garde en question allait s’éloigner, comme l’autre, quand il sentit la main de Satan se resserrer autour de son cou. Le diable avait réussi à passer sa dextre à travers les barreaux de sa cellule et lui brisa la nuque. L’homme tomba, raide mort, aux pieds de Nash. Le dieu, en colère, lança une sphère d’énergie à travers les barres métalliques. Ce sortilège frappa le démon directement au visage.

— Ce n’était pas nécessaire ! s’exprima Nash. Le monde est en train de disparaître et vous trouvez encore le plaisir de tuer des gens ? Mais pourquoi faites-vous tout cela ? Qu’est-ce que le Saint Royaume a fait pour que vous soyez si… monstrueux ?

Satan eut un petit rictus, lorsqu’il entendit les paroles de Nash. Il avait entendu les mots désirés : cette planète allait cesser d’exister, cela le faisait rire. Le châtain ne trouvait pas cela marrant. La douleur ne semblait pas le déranger, même qu’il semblait apprécier de se faire torturer. Son interlocuteur trouvait cette réaction déroutante.

— Vous ne parlerez pas, n’est-ce pas ? continua-t-il.

— À quoi ça peut bien servir ? Que je meurs maintenant, demain ou dans une semaine, j’aurais gagné cette guerre et pas vous. C’est ça qui te déplaît, pas vrai ?

Nash avait à faire avec un démon coriace qui ne se laisserait pas amadouer facilement. Durant ces quatre dernières années, il avait interrogé plein de démons, mais rares étaient ceux et celles qui le résistaient. Il n’avait jamais aimé jouer le rôle d’un tortionnaire… Parfois, c’était nécessaire afin de leur tirer les vers du nez, comme on le disait si bien à Baldt.

— Malheureusement pour nous, notre meilleur manipulateur psychique est mort et enterré, mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas d’autres façons de vous faire parler, déclara l’ancien roi. J’ai envoyé quelques-uns de mes hommes chercher mes meilleurs combattants et l’un d’entre eux saura m’aider.

— Pathétique, répliqua le diable. Tu n’as jamais été doué pour gérer ta faction. On voit bien pourquoi, avec toutes les mauviettes que t’as dans ta famille.

— Et pourtant, vous avez bien nommé Troyd comme l’un de vos vassaux. Pourquoi ?

— Lui ? Il avait du potentiel. Mais j’ai vite compris qu’il ne me servirait à rien, puisque t’étais plus puissant que cet imbécile. Sa mort m’aura redonné un peu de forces.

Nash secoua la tête.

— Incroyable, dit-il. Vous ne croyez pas en l’amitié, ni même la loyauté.

— Je ne vois pas en quoi ça m’aiderait pour la destruction du monde spirituel, alors…

Satan haussa les épaules et reprit son expression satisfaite. Il ne pouvait pas pratiquer le moindre sort, à l’intérieur de cette cage. Si Nash faisait le moindre faux pas, toutefois, il se retrouverait vite avec une nuque brisée, comme le pauvre Jackman.

— Alors quoi ? formula-t-il. Votre prédécesseur souhaitait dominer ce monde, ainsi que toutes les planètes reliées à notre système. Pourquoi avez-vous changé d’avis ? N’était-ce pas le rêve de vos confrères, de retrouver votre liberté ?

Le diable haussa des épaules. Le démon n’aimait pas Nash, mais trouvait que ce dernier était très intéressant. Il se disait qu’il ferait un excellent repas. Il se lécha les lèvres.

— Si vous pensez me dévorer, vous pouvez toujours rêver, Satan. Je ne compte pas finir dans votre estomac, encore moins mourir.

— Si on ne peut même plus rêver… Pfft…

Le souverain démoniaque s’assit au fond de sa cellule, sur son lit suspendu.

— Tu veux vraiment savoir pourquoi j’ai agi ainsi ?

— J’ai bien peur que le procès ne soit plus très important, sachant qu’il ne nous reste plus que quelques jours à vivre. Autant parler tout de suite, qu’on en finisse.

Satan gloussa et se tapa la cuisse avant de répondre :

— Bon bah… Puisque tu es aussi têtu que tout le reste de ta famille qui est passé ici avant toi, je vais te dire tout ce que tu as besoin d’entendre. Mais sache que ça ne changera rien, car j’ai déjà gagné cette guerre et il n’y a rien que tu puisses faire pour m’empêcher de détruire le Saint Royaume.

Nash tiqua des sourcils et se pencha la tête d’un côté.

— Je cherche surtout à comprendre pourquoi vous avez agi comme vous l’avez fait.

— Eh bien, mon cher pantin du créateur… sache que nos races étaient destinées à s’entre-tuer jusqu’à la nuit des temps. Lorsqu’on a fait de moi le diable, les généraux de mon prédécesseur m’ont donné la consigne de détruire l’ordre spirituel ainsi que l’univers tout entier. Crois-le ou non, nous en avions marre de perdre depuis des années et nous voulions tous la paix. Pour cette raison, nous en sommes venus à la conclusion qu’il ne pourrait y avoir de paix, tant que nos races existeraient. Alors, nous avons décidé de nous enlever la chance de poursuivre cette boucle d’actions répétées à l’infini.

Le général était sidéré par les paroles du diable. Cette raison avait du sens pour lui, mais il n’était pas du tout d’accord avec la façon dont lui et ses sbires avaient agi. Il réalisa que l’armée des dieux et celle des démons avaient deux visions très différentes de la paix. Ainsi donc, les démons avaient souhaité mettre un terme à cette guerre, en détruisant la source de tous leurs tracas : l’univers lui-même.

— Mais il ne restera plus rien, formula Nash. En quoi est-ce la paix ? Nos âmes n’existeront plus, il n’y aura plus vie, ni mort. La réincarnation n’existera plus…

— Exactement. Voilà pourquoi nous avons suivi la voie du nihilisme, à la lettre. De ce vide renaîtra l’univers et de cet univers renaîtra les races libres. Un univers où nos doctrines et nos actes du passé n’affecteront plus notre avenir. Prépare-toi à un magnifique Big Bang, Markios… parce que dans une semaine… tout va faire BOUM !

— Alors, c’était ça votre plan, depuis le début ? Recréer l’acte du créateur ?

— Et pourquoi pas ? Toi qui as vécu parmi nous pendant quatre ans… n’en avais-tu pas assez de toutes ces histoires de querelles entre nos deux races ? N’avais-tu pas envie que tout cela cesse ? Durant tout le temps que j’ai travaillé pour Zeus, sache que je n’avais qu’une idée en tête : mettre fin à cette guerre, par tous les moyens.

— Oui, j’ai souhaité que la guerre cesse, mais je n’ai pas souhaité qu’il y ait autant de sang ! Autant de morts inutiles ! Athéna était l’une des déesses qui souhaitait la paix, tout comme vous. Elle voulait un univers où nous pourrions tous apprendre à cohabiter ensemble, mais savait que ça nous prendrait encore plusieurs années avant d’atteindre ce rêve. Vous avez tout gâché avec vos derniers actes !

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