135.5 - La philosophie du diable

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Satan agita une main au-dessus de sa tête et secoua cette dernière.

— Ce ne sont que des rêves de petite fille écervelée. Jamais ça n’aurait été possible avec les démons. Crois-moi, jeune homme. Tout était perdu d’avance.

— Ça, c’est parce que vous refusiez de changer, accusa Nash. Vous avez été le garde du corps de Zeus pendant des décennies. Sûrement avez-vous remarqué tous les efforts d’Athéna, alors qu’elle luttait pour se faire respecter par le Conclave…

— Encore une fois, je regrette de devoir te répondre que ce ne sont que des rêves de petite fille écervelée. J’ai vécu plus longtemps que son père, tu vois ? J’étais là lorsque ses prédécesseurs sont morts. Ils ont tous gardé la même mentalité pendant des milliers d’années. Et qui était Athéna, parmi tous ces dieux ? Une seule personne dans un petit groupe de minorités, qui tentait de changer les choses pour sa propre vision politique. Seulement, nous les démons, on n’en a que faire de toutes vos lois.

Il prit une courte pause avant de se lever. Il s’approcha des barreaux de sa cage et prit ces derniers. Il y enfonça son visage pour se rapprocher de Nash.

— Jadis, nous ne formions qu’une seule et unique race spirituelle… Mais nos prédécesseurs ont tous été bannis, par la cruauté et la jalousie des dieux de la lumière. Nous n’avons fait que reprendre ce qui nous revenait aussi de droit : l’univers.

— Alors, c’était donc vrai, toutes ces rumeurs sur les deux races…

— Oui… autrefois, nous étions tous des anges, mais les premiers dieux de la lumière nous ont maudits et nous ont transformés en démons, au fil des siècles qui ont suivi. Ils ont créé un virus puissant qui a infecté la plupart de leurs semblables et c’est pour cette raison qu’ils ont décidé de créer les noyaux de création, afin de repousser cette infection. Tant et aussi longtemps que cet élément serait accessible, personne ne se transformerait en monstre.

— Q… quoi ? Vous voulez rire, n’est-ce pas ? Ce virus ne venait pas de vous ?

Satan hocha la tête.

— C’était notre punition pour avoir osé défier le créateur. Notre châtiment avait été de perdre notre immortalité et de devenir les premiers humains… Nous n’avions pas mérité pas de porter les ailes blanches, alors ils nous ont corrompus en ouvrant la boîte de Pandore sur nous. Cette expérience ne les a pas plût, alors ils nous ont enfermé dans des dimensions parallèles aux mondes qu’ils avaient créé… ainsi notre destin a été scellé à jamais…

L’ancien brigadier cligna des yeux. Il essayait de trier tout ce qu’il venait de lui dire. Il avait entendu parler de certaines rumeurs, ces dernières années, mais ce que le diable était en train de lui raconter, avait le même effet qu’une bombe.

Il se gratta la joue avant de lui dire :

— Corrigez-moi si je me trompe, mais êtes-vous en train de me dire que tous les démons sont en fait des humains corrompus par ce fameux virus ?

— Entre autres, Markios. Que ce soit des anges ou des créatures mortelles sous toutes leurs formes, nous sommes tous liés à ce cercle vicieux sans fin. Que nous le voulions ou non, nous sommes responsables de ce désastre, y compris nos ancêtres. Quand nous disparaîtrons, plus personne n’aura à souffrir… Il est temps pour nous que ça cesse… Voilà pourquoi la destruction est la seule solution qui nous reste…

Nash déglutit et secoua la tête. Il ne pouvait accepter de mourir sans se battre.

— Alors… tu sais tout, commenta Satan. Tu connais la raison pour laquelle j’ai tué autant d’entre vous et pourquoi j’ai déclaré la guerre au Saint Royaume. Il était temps pour moi de venger mes ancêtres et aussi ceux qui nous ont précédés. L’univers devait payer pour ses crimes.

Le châtain se racla la gorge. Il essayait de comprendre un peu plus le point de vue du démon. Il lui manquait une dernière information pour saisir la gravité de la situation.

— Et pour quelle raison avez-vous voulu défier le créateur ? demanda-t-il, calmement.

— Nous avons d’abord refusé de suivre ses directives, car nous voulions créer nos propres planètes. Ensuite nous avons avoué ouvertement à quel point nous étions en colère contre lui de nous avoir abandonné. Finalement, nos divergences d’opinions avec les autres dieux ont fait en sorte qu’ils nous bannissent et nous transforment. Dans le jargon des humains, comment t’expliquer ceci… les premières divinités à remplacer le créateur étaient des enfants qui manquaient cruellement de maturité. Voilà ce que ça donne, lorsqu’on abandonne ses gamins, afin de prendre des vacances : un gâchis.

Satan avait levé ses doigts dans les airs, afin de faire des guillemets aux mots « gamins » et « vacances ». Le regard de Nash passa de l’incrédulité à une expression plus neutre.

— Je vois… donc vous tuer ne nous amènerait rien de bon, puisque depuis le début, vous représentiez une race trahie par nos ancêtres. Tout ceci était votre façon de rendre justice à ceux et celles qui ont tenté de revenir au paradis…

— Exactement. Et puis de toute manière, l’univers va disparaître. Je me suis assuré que tous les noyaux seraient détruits. D’ici peu, vous allez tous vous transformer en déchus et en démons, puisque celui qui protège le centre de cette planète est ce qui répand le virus depuis des milliards d’années. Amusez-vous à vous entre-tuer… ça n’a plus d’importance.

Nash n’en revenait pas. Tout ce qu’il avait appris en l’espace de plusieurs minutes changeait toutes ses croyances. Au moment où il allait se tourner vers la sortie des cachots, il vit que tous les membres de la Septième Brigade, y compris Artael, Kyran et Sarah, se trouvaient près des escaliers. Ils avaient tout entendu.

— Et que se passerait-il, si nous réparions le dernier noyau de création ? interrogea Flint, qui s’approcha de la cage du diable. Pourrions-nous inverser le processus de destruction de cette planète ?

— Ça, je l’ignore, mais il est déjà en piteux état, informa le diable. Vous en approcher serait du suicide, dans votre état. Seul un ange séraphin ou un dieu élu par le créateur serait capable de survivre à son niveau de toxicité. Ton ami qui m’interroge depuis tantôt doit avoir ce genre de pouvoir, puisqu’il ne s’est pas transformé en déchu.

— Effectivement, je suis un séraphin, confirma Nash.

— Dans ce cas, à moins que tu ne sois habile de tes doigts ou que tu trouves quelqu’un d’autre comme toi, il y a peu de chances que tu puisses réparer un noyau en une nuit. Cela prend normalement des mois pour en remplir un… et encore faut-il se spécialiser dans la magie de la création.

— Intéressant… prononça Flint. Donc, en gros, nous sommes fichus. Peu importe ce que nous comptons faire, nous allons tous y passer, à moins qu’un miracle se présente à nos portes…

— C’est ça… répliqua le diable, qui esquissa un petit sourire.

Artael s’approcha de la cellule et demanda une autre question :

— Ai-je raison de croire que le virus et le néant soient liés ?

— En effet… Le néant est l’invention des tous premiers dieux. Sans la présence des noyaux de la création, sa puissance est telle qu’elle dévore les planètes et tout ce qu’il y a sur son passage. Ce que vous appelez le fléau des anges ne sont que de minuscules particules du néant, qui flottent dans l’air. Vos corps sont assez puissants pour ne pas succomber à une destruction imminente, tant et aussi longtemps que vous serez tout près d’une source puissante de la création. Toutefois, c’est ce qui explique la transformation des anges en déchus ou bien en démons. Mais j’ai cru comprendre que vous avez déjà développé un vaccin pour contrer les effets négatifs du virus…

— Mais ça n’a aucun sens, formula Flint. Pourquoi les dieux voulaient-ils créer ce genre de magie, s’ils savaient qu’elle se retournerait un jour contre eux ?

— Vous avez déjà votre réponse. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai un petit creux et il me faudrait manger un peu… Vous ne pourriez pas me découper ce cadavre en morceaux et me le passer entre les barreaux ?

Répugné, Flint foudroya Satan avec un sortilège d’éclair bien placé. Cela assomma le prisonnier, lorsqu’il se cogna contre le mur du fond. Nash soupira et regarda son neveu.

— Ça, c’est malin. J’avais encore d’autres questions à lui poser.

— Dans ce cas, tu devras attendre qu’il se réveille. Tout ceci n’est qu’une perte de temps.

Sur ces mots, le capitaine de la Septième Brigade fit demi-tour et passa entre ses amis, afin de grimper les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Toutes les personnes dans cette pièce étaient aussi choquées que lui. Comment allaient-ils annoncer la mauvaise nouvelle aux gens qui travaillaient pour eux depuis plus d’un mois ? Artael soupira et suivit son fils.

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