138.1 - Une sensation de déjà-vu

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Estelle venait de faire sa ronde dans la salle des incubateurs du vaisseau. Voilà quelques jours que ses parents, ainsi que plusieurs membres de la Septième Brigade s’étaient portés volontaires à confronter l’âme de Troyd Markios, dans une simulation. Afin de s’assurer qu’ils ne manqueraient de rien, la journaliste assistait les infirmiers et les infirmières qui changeaient les solutions intraveineuses.

— Bon après-midi, Cassandra, dit-elle avant de passer devant le contenant où se trouvait la guérisseuse. J’espère que tout va bien, là-dedans…

Estelle discutait parfois avec ses camarades endormis, à travers leurs cases de verres. Cela lui permettait de rester saine d’esprit, sachant qu’ils n’avaient pas disparu complètement. Parfois, elle leur confiait même ses secrets.

Quelque temps après leur départ dans l’espace, le Capitaine Markios avait reçu un appel de sa mère et elle lui avait demandé s’il voulait accomplir cette mission. Flint avait d’abord hésité, puis avait fait part de cette requête au reste du groupe. Le but était de rétablir un lien avec le tyran, afin de voir s’il pouvait être réhabilité à la société des anges. Le nouveau Conseil voulait éviter de répéter les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs et d’enfermer les criminels de guerre dans de nouvelles dimensions. Pour eux, il était important de les réformer. Troyd faisait partie de ce nouveau programme. Si cela fonctionnait, Athéna s’engagerait personnellement à sauver les âmes de Perséphone et Thanatos.

C’est de la folie ! avait lancé Estelle avant que ses parents n’entrent tous deux dans leurs incubateurs. La dernière fois que vous avez essayé de ramener Perséphone, elle a corrompu ce monde et a tenté de vous tuer !

Je sais, mais cette fois j’ai codé quelques petits trucs qui pourront nous aider, avait répondu Luna. Tu verras, nous sortirons du logiciel amélioré, sain et sauf. Fais-moi confiance, Est’. Je sais que ça peut t’effrayer, mais je me suis améliorée en programmation.

La journaliste avait dégluti et observé sa famille et ses amis s’endormir des grands contenants en verres. Elle s’était beaucoup inquiétée parce que Gabriel, étant très enceint, avait décidé de participer à cette mission quand même. Puisque la simulation se déroulerait surtout avec leurs cerveaux, Cassandra s’était jurée qu’elle le sortira de là, si jamais il y aurait des complications. Wyatt avait mis une main sur son épaule afin de la rassurer, le jour où tout ça avait commencé. Celui-ci veillerait sur les activités cérébrales des sept membres de leur équipe, ainsi que celles du prisonnier.

Pas besoin de t’en faire pour eux, Est’, avait-il dit. J’ai la situation en main.

Malheureusement pour la journaliste et le mage, il leur était impossible de voir ce qui se passait à l’intérieur de la simulation. Quelque chose, ou plutôt quelqu’un avait brouillé tous les écrans où ils pouvaient normalement voir à travers des caméras virtuelles du logiciel et il leur avait été impossible de tout rétablir. Voilà plus d’une semaine qu’ils vérifiaient les signes vitaux de tout le monde et tout portait à croire qu’un problème extérieur les forçait à rester à l’intérieur de ce monde digital. Ils avaient compris rapidement d’où venait la source du problème.

Avant de plonger dans un profond sommeil, Troyd avait équipé son casque de réalité virtuelle d’une puce électronique qui avait contaminé les données avec un virus informatique. Flint et son groupe devrait donc trouver la source du mal à l’intérieur de la simulation et l’éliminer eux-mêmes.

Je leur avais pourtant dit que c’était une mauvaise idée… avait grogné Estelle.

Nous ne pouvions pas prévoir qu’il nous ferait un coup pareil, avait répondu Scottie. Tout ce qu’on peut faire pour le moment, c’est soutenir nos amis.

Estelle avait remercié le jeune homme qui avait ensuite continué à l’aider, tous les jours, mais elle était si débordée à s’occuper de ses enfants qu’elle ne pouvait plus vraiment faire attention à la salle des incubateurs. Kylie avait récemment repris le travail même si elle avait droit à son congé de maternité. Comme prévu, elle avait mis au monde deux jumeaux, un garçon et une fille. Estelle avait choisi de nommer leur fille Alexia, tandis que Scottie et Wyatt avaient nommé leur garçon Zéphyr. Ils étaient en parfaite santé et ne manquaient de rien. Si bien dire qu’ils étaient bien entourés.

— Ça fait maintenant huit jours qu’ils sont coincés dans ces machines, dit Estelle, au mage, alors qu’elle s’approcha de la salle des commandes. As-tu réussi à communiquer avec eux ?

— Négatif. Cela risque de me prendre un peu plus de temps que prévu. Je te suggère d’aller passer un plus de temps avec nos enfants, car il n’y a rien que l’on puisse faire.

— Huit jours, répéta la journaliste. Huit putains de longues journées sans voir mes parents. Je commence à devenir folle, Wyatt ! La dernière fois que j’ai été séparé d’eux, c’était pour dix ans !

— Je sais… mais ne t’en fais pas, le vaisseau est bien équipé pour les protéger.

— Je ne veux pas que mes petits grandissent sans connaître leurs grands-parents… et leurs oncles ainsi que leurs tantes. Lucas est déjà un amour de s’occuper autant de nos bébés quand nous sommes occupés, mais là j’ai peur…

— Ne t’en fais pas. J’ai confiance en Luna et ton père. Ils sont très débrouillards.

La petite blonde soupira et jeta un regard en direction des incubateurs. Elle posa son regard sur le gros bedon de Gabriel, qui flottait dans le liquide des machines. Cette fois, ils s’étaient assurés qu’il puisse se sentir confortable lors de cette simulation et s’étaient arrangés pour lui trouver un contenant beaucoup plus large que la première fois. D’après les guérisseurs du vaisseau, la grossesse du colosse n’avait pas subit de lacunes avec la simulation. Il devrait donc accoucher au mois de décembre, si tout se passait bien jusque-là, soit dans trois mois environ.

Gabriel était devenu si gros à cause de cette grossesse et de son appétit féroce qu’il ne pouvait plus tellement se déplacer. Dans cette simulation, Luna s’était assuré qu’il aurait une apparence plus mince afin qu’il se sente plus à son aise.

En temps normal, le colosse se serait sûrement privé d’engraisser autant, puisqu’on avait toujours besoin de sa force, mais il avait décidé de profiter de ses neufs mois afin de se la couler douce. Estelle l’enviait presque de s’amuser autant. Elle aurait aimé porter ces bébés à sa place, mais était quand même heureuse qu’il vivait son rêve.

Et dire que bientôt, je vais avoir deux nouveaux petits frères et deux nouvelles petites sœurs, pensa la journaliste… Ça va en faire, du bruit, à bord du vaisseau.

Elle esquissa un sourire alors qu’elle observait ses deux parents, depuis sa position. Elle les imaginait déjà se tenir la main, dans cette simulation.

— Je m’ennuie de leurs voix. Le vaisseau est trop calme sans leur présence.

— Au moins, nous n’avons pas à nous préoccuper de l’équipage puisqu’ils sont en congé forcé. C’est une bonne chose que nous soyons revenus à Baldt pour cette mission. Ça nous donne la chance de fréquenter d’autres personnes.

— Et mon frère peut voir son grand-père et sa grand-mère comme il veut, sans oublier nos enfants, puis ceux de Shayne et Cassandra.

— Et les nombreux enfants de nos employés.

Estelle devait admettre que cela lui manquait de se lever à tous les jours et de voir des gamins qui couraient dans les couloirs du Célestia II, alors que leurs gardiens essayaient de les élever. Leur voyage le plus récent avait à peine duré trois mois avant que Flint ne reçoive les directives d’Athéna. Ils avaient eu le temps d’explorer plusieurs planètes et récolter de nouveaux noyaux de création, afin de les ramener avec eux au Saint Royaume.

— Tu devrais aller te reposer, voir comment se porte ta femme et nos bébés, suggéra Wyatt. Alexia a mal dormi, la nuit dernière. Je me demande si elle n’est pas tombée malade. Vous devriez l’emmener chez le médecin.

— Ne t’inquiète pas pour Kylie, elle doit les emmener à l’infirmerie cet après-midi. Nous avons pris rendez-vous, ce matin. Il y avait déjà une place de disponible.

Estelle ramassa les restes de son dîner qu’elle jeta à la poubelle, but son jus d’orange d’un trait et salua les assistants de Wyatt. Ceux-là avaient tous des tâches particulières, comme vérifier l’état du serveur ou bien le niveau des génératrices qui alimentaient les machines. Il y avait eu une panne de courant, trois jours plus tôt, mais ces engins leur avaient sauvé la vie pendant quelques heures.

— Je vais y aller maintenant, dit la jeune femme.

— Passe le bonjour à Scottie, si tu le vois en ville, commenta le mage.

— Tu devrais peut-être rentrer te coucher, tu sais ? T’es ici depuis la nuit dernière.

— Je n’ai pas sommeil.

Il bailla aussitôt, ce qui voulait dire qu’il mentait. Estelle fronça des sourcils et roula les yeux. Lui aussi passait beaucoup de temps près des incubateurs, puisqu’il l’avait promis à Luna. Pour lui, dont les liquides n’avaient aucun secret, il était facile de reconnaître quand les incubateurs avaient besoin d’être changés ou quand ses amis avaient besoin d’être hydraté davantage. Toutes les fenêtres de son ordinateur lui permettaient de calculer les doses à donner par intraveineuses. Le sac de Gabriel n’allait pas tarder à être changé par une infirmière, car son corps et ses bébés exigeaient beaucoup d’entretien. Wyatt avait tellement peur que l’un d’entre eux meurt qu’il passait presque toutes ses journées dans cette salle.

— Avec tout le respect que je te dois, mon ami, tu devrais te coucher sur l’un des lits du dortoir d’à côté, suggéra la blonde. Laisse l’un de tes assistants t’aider.

— Non, non… ça ira. Je n’ai qu’à boire un peu de café. Je me coucherais dans quelques heures, c’est promis. Mmm… ? Intéressant…

— Quoi donc ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Estelle vit que Wyatt examinait son écran d’ordinateur et lisait des informations qu’elle ne comprenait pas.

— L’incubateur de Flint a une irrégularité depuis quelques minutes. Il essaie de se réveiller, mais c’est impossible… ? Il n’a pas accès à la commande de sortie.

— Une irrégularité ? Où veux-tu en venir ?

— Tu connais ton père, c’est une vraie tête de mule. Il a dû se dire qu’il devait se réveiller et puis voilà, il est en train d’ouvrir les yeux…

Estelle se tourna vers l’incubateur en question et vit que Wyatt avait raison. Flint Markios était bel et bien en train de se réveiller. Mais le corps du grand blond fut soudainement pris de convulsions. Aussitôt, Wyatt appuya sur le bouton d’alarme. La journaliste vit aussitôt une lumière rouge entourer le corps de son père. Prise de panique, elle courut en direction du grand contenant.

— Papa ! hurla-t-elle. Que t’arrive-t-il !?

— Ne restez pas là, Madame Markios, formula le scientifique qui s’était approché avant elle. Nous avons besoin d’espace pour travailler !

Elle se tassa aussitôt, alors qu’une équipe de secourisme arriva dans la pièce. Le liquide protecteur de l’incubateur commençait à se vider à travers les tubes et le corps de Flint, en pleine convulsion, glissa tout doucement contre la paroi de verre. Le couvercle s’ouvrit et le capitaine tomba dans les mains d’un volontaire qui le posa sur une civière. Aussitôt, un médecin se pencha sur lui et ouvrit une paupière pour vérifier son état.

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