138.2 - Une sensation de déjà-vu

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Estelle pleurait déjà, apeurée à l’idée de perdre son père. Elle le revoyait déjà dans ses souvenirs, alors qu’il portait sur ses épaules près de l’église de Baldt. Elle se souvenait du jour de son adoption comme si elle s’y trouvait encore. Il ne pouvait pas partir comme ça, sans même lui dire au revoir ! Il ne respirait même pas, son visage était devenu bleu. Elle voulait courir vers le corps inconscient de Flint afin de le tirer de son profond sommeil, lui donner des gifles au visage pour la moindre réaction. Elle se maudissait d’avoir oublié plusieurs techniques de secourisme. Cependant, ces cours ne lui serviraient à rien, vu l’état de son esprit affolé.

Un secouriste se pencha vers Flint et appliqua une pression cardiovasculaire et entoura ensuite sa bouche pour lui souffler de l’air. Il ne respirait toujours pas.

— Papa ! hurla la journaliste, en larmes. Papa ! Je t’en prie, réveille-toi !

Puis, tout devint silencieux autour de la journaliste. Le cœur de Flint arrêta, ce qui déclencha le cardiogramme auquel il était attaché. Un médecin empoigna alors deux défibrillateurs qu’il frotta et chargea ensuite la poitrine du blond de plusieurs volts. Estelle, en état de panique, serra la main de Wyatt qui s’était approché d’elle.

Mais que s’était-il passé ?

Voilà plus de dix minutes que la calèche de Nash et son groupe s’était arrêtée sur la route. Ils étaient partis aussitôt que Gabriel avait préparé les provisions pour lui et ses collègues. Ça faisait des heures qu’ils avaient quittés Baldt.

À mi-chemin, Flint avait eu un malaise et était sorti du véhicule, suivi de l’esprit de la lumière de la simulation. Le blond avait perdu connaissance au bout d’un moment et son oncle avait dû lui taper les joues, pour essayer de le réveiller. Pris de panique, il vérifia son pouls mais fut soulagé de voir qu’il respirait encore et que son cœur battait à un rythme normal dans sa poitrine.

— Qu’est-ce qui lui arrive ? formula le capitaine. Le sais-tu, toi ?

Nash leva son visage vers la louve. Celle-ci secoua la tête.

— Non, je ne sais pas, dit-elle. Est-ce la première fois que ça lui arrive ?

— Oui, répondit Gabriel penché vers lui. Il ne s’est jamais évanoui en ma présence.

Le colosse prit sa température, elle n’avait pas changé.

— Je ne ressens aucun maléfice en lui, rajouta la louve.

— Dans ce cas, nous allons attendre qu’il se réveille, dit Misaki.

L’albinos était celle qui avait conduit les chevaux jusque-là. Elle avait attaché ces derniers à un arbre afin de ne pas leur laisser leurs lourds harnais. Ces pauvres bêtes, bien que puissantes, méritaient quand même son respect pour traîner autant de brigadiers à tous les jours. La guerrière se sentait fébrile depuis qu’elle avait rencontré Dia ; s’occuper des montures l’aidait à garder son calme.

— Dites, vous n’avez pas l’impression de déjà-vu ? remarqua l’esprit de la lumière. Depuis quelques jours, j’ai comme qui dirait ce sentiment déroutant qui me ronge les méninges…

— Quel genre de sentiment ? questionna Nash.

— Le genre que je me sens tout le temps observée… et pas par vous… Tout ça a commencé le jour où vous m’avez libéré de Kritz. Et puis suite à l’attaque du culte, l’autre jour, une vision m’est apparue en l’espace d’une seconde. Nous étions tous à bord d’un étrange… véhicule ? Et je crois qu’il était entouré d’étoiles…

— Quoi ? Toi aussi t’as ce genre de vision ? interrogea Gabriel.

Nash sursauta, ainsi que la guerrière.

— J’ai ressenti la même chose, répondit Misaki. Comment est-ce possible ?

— On se joue de nous, peut-être ? fit son supérieur.

— Quoi qu’il en soit, je trouve cela déstabilisant, avoua Dia.

— N’y a-t-il rien que tu puisses faire pour l’aider ? formula le colosse.

L’esprit de la lumière se tourna vers le golem qui venait de lui poser cette question. Elle pouvait guérir les blessures, mais s’occuper des comateux ou bien des personnes inconscientes, n’était pas son expertise. Cassandra ou Luna auraient sûrement trouvé un moyen de le ranimer, soit avec une potion ou un sortilège… mais elles se trouvaient en ce moment même avec Shayne Wolfe, dans un autre bout de la région.

— Je peux toujours essayer d’entrer en communication avec Flint, se dit la louve. Tassez-vous un peu, je vais faire quelque chose à sa tête.

— Que comptes-tu faire, au juste ? questionna Nash.

— Ce que la plupart des esprits font avec leurs porteurs, ils synchronisent leurs pensées à leurs partenaires afin qu’ils puissent échanger des informations importantes. Nous le faisons toujours brièvement lorsque nous touchons la peau des humains. C’est une façon pour nous de reconnaître si nous tombons entre de bonnes mains ou pas.

— Et qu’arrive-t-il si vous tombez dans les mauvaises mains ?

— On s’en va, tout simplement. À moins d’être corrompus et alors on doit se faire tuer par nos proches…

— C’est morbide tout ça…

— Ouais bah, des fois on n’a pas d’autres solutions si nous voulons faire notre travail. La réincarnation est essentielle si nous voulons préserver le voile. Sinon, trêve de bavardage inutile, les gars. Laissez-moi faire mon boulot !

Gabriel se releva et se tassa un peu, suivi de Nash et de Misaki. La louve s’approcha alors de son porteur et posa sa gueule sur le ventre de celui-ci. Elle ferma les yeux et leurs corps se mirent à briller, grâce au contact magique de l’esprit.

— Et ça dure combien de temps, cette synchronisation ? demanda le capitaine.

— Chut ! ordonna Dia. Je me concentre.

Quel sale caractère, marmonna l’albinos.

J’ai l’impression que Flint déteint sur elle, chuchota Gabriel.

— J’ai de bonnes oreilles ! grogna la louve. Maintenant, ouste ! Allez plutôt me pêcher quelques truites dans la rivière, je risque d’avoir très faim après cette session.

Nash n’en revenait pas qu’elle les menait tous à la baguette. Elle ne manquait pas de cran, en tout cas. Le jeune homme se dit qu’il valait mieux la laisser tranquille et lui permettre de vérifier le subconscient de son neveu. Pour cette raison, il fit signe à ses deux autres compagnons de le suivre. L’heure du souper approchait et il commençait lui-même à avoir faim. Ils avaient dîné en chemin, sans même prendre la peine de s’arrêter. S’ils partaient bientôt, ils arriveraient à Osbourg avant la tombée de la nuit. Contrairement aux plaines et aux bois qui se répandaient à la grandeur de leur région, le désert était plus petit, mais beaucoup plus chaud.

La rivière à laquelle ils se trouvaient était reliée au lac baldtien, situé à l’est de la capitale et un peu au nord de la communauté d’Aöryn. Souvent, des poissons d’eaux douces remontaient ces dernières et les brigadiers et les voyageurs en profitaient pour pêcher ici avec leurs armes ou leur magie. Nash repéra rapidement ce qu’il cherchait : de jeunes truites. Il esquissa un sourire et retroussa ses manches.

— Laissez-moi ceux-là, dit-il à ses camarades. J’ai ce qu’il nous faut.

— C’est comme tu veux, fit Gabriel.

Aussitôt, le capitaine lança un sortilège de vent glacial sur l’eau où il avait repéré les poissons et attendit que la glace soit assez solide pour s’en approcher, sans la briser avec son poids. Ensuite, il se concentra sur un point précis et souleva dans les airs, un très gros glaçon qui contenait les truites. Avec son pouvoir relié à la science du sérum, il venait de tailler ce dernier et le souleva avec sa puissance mentale.

Un instant plus tard, il déposa le gros bloc de glace à leurs pieds. À travers ce dernier, ils purent voir une dizaine de poissons figés. Misaki siffla d’étonnement.

— Wow… toujours aussi intéressant, ton talent !

— Je m’en sers de moins en moins, dernièrement, mais ça me fait toujours plaisir de me rendre utile. Par contre, nous allons devoir allumer un feu…

Il se tourna vers Gabriel et se gratta l’arrière de la nuque.

— Tu préfères qu’on les cuise comment ? lui demanda-t-il. En brochettes ?

— Oui. Ça serait plus rapide comme ça. Il nous faut seulement du bois pour allumer notre feu. As-tu un briquet sur toi ?

Le capitaine fit signe que non. Ils se tournèrent tous deux vers la guerrière qui roula des yeux avant de sortir le sien.

— Tu fumes ? formula Nash.

— Je l’ai confisqué à une adolescente qui rôdait trop près du palais. C’est la fille adoptive de Conrad. Elle n’arrête pas de semer la pagaille.

— Ah ouais, la fameuse Kylie… commenta Gabriel. Il parait que son frère et elle veulent former un groupe de musique, pas vrai ? Leur pauvre père doit en baver…

— Eh… vaudrait mieux qu’on ne laisse pas Estelle s’en approcher, suggéra Nash. Ça lui donnerait de mauvaises idées.

Le colosse afficha un air sévère envers le capitaine châtain qui comprit qu’il valait mieux ne pas insister. Il s’inquiétait pour la sécurité de sa petite-nièce mais faisait confiance aux parents. Il se contenta de lever les épaules et partit à la recherche des branches afin d’allumer le feu de camp. Misaki décida de le suivre.

Un quart d’heure plus tard, ils cuisaient déjà leurs brochettes de truites. Flint ne s’était toujours pas réveillé et Dia était dans une transe profonde. Nash, Misaki et Gabriel optèrent pour ne pas les déranger. Ils décidèrent qu’il serait mieux de camper près de la rivière pour cette nuit, plutôt que de repartir avant la tombée de la nuit. Le soleil allait se coucher plus rapidement que prévu. Une fois leur repas terminé, le colosse s’éloigna et sortit les deux tentes.

— On ne pourra plus camper comme ça, d’ici quelques semaines, constata Nash. Dommage. Ça va me manquer, cette température.

— On recommencera au printemps, gloussa Gabriel.

— Et l’été aussi… Mmm… oh ! On a oublié de sécuriser le camp…

— Au moins, il n’y a pas tellement de monstres dans les parages.

— Ça c’est parce que le soleil est toujours à l’horizon…

Quelques mètres plus loin, Misaki s’approcha de Dia afin de poser une assiette avec deux truites bien cuites à ses côtés. Elle avait enlevé les arêtes pour éviter qu’elle s’étouffe et rajouté des restes de leur dîner, des morceaux de sandwich au poulet. La louve ne la remarqua même pas, toujours dans un état léthargique.

— Dia, je ne veux pas t’interrompre, mais est-ce que ça va ?

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