120.3 - Le blond et son colosse

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Il s’avança alors que la porte se referma derrière lui.

La déesse tourna son regard vers le guerrier, une expression défaitiste au visage. La dernière fois qu’il l’avait vu ainsi, avait été dans les vidéos que Nash avait partagées au reste du groupe. Le colosse comprit qu’elle n’allait pas bien. Elle avait préparé plusieurs contenants où elle rangeait des déjeuners pour tout le monde. Il y avait des étiquettes partout. Gabriel saisit qu’elle essayait de les encourager pour la session d’entraînement.

— Flint m’a tout raconté, expliqua-t-il pour ensuite s’appuyer au comptoir. Si tu veux mon avis, laisse-le ruminer quelque temps. Il ne réalise pas la chance qu’il a, d’avoir une mère si compréhensive et généreuse que toi.

— C’est gentil de dire ça, mais j’ai bien peur qu’il ne me fera plus jamais confiance après ma dernière gaffe, dit-elle, faiblement. Il ne veut déjà plus que je m’approche de vous…

Elle baissa son regard, déprimée.

— Artael est du même avis que toi, dit-elle. Il a l’intention de parler à notre fils dans la matinée, si possible. Je lui ai dit de laisser tomber, car je ne veux pas qu’il s’embrouille avec lui… mais bon, c’est un Markios… une vraie tête de mule.

Gabriel esquissa un sourire à cette dernière expression.

— Ne t’inquiète pas, formula-t-il. Tout le monde le pense, dans la Septième Brigade. On finit par s’y habituer. Leur entêtement était reconnu à travers toute la ville de Baldt, quand Aeglys existait encore. Même Sarah pouvait se montrer persistante lorsqu’elle voulait venir en aide à l’église.

— J’ai un peu ce problème, moi aussi, lui informa la déesse qui rougit.

— Pas qu’un peu. Vous avez tous ce petit côté qui nous indique clairement qu’on ne doit pas se foutre de votre gueule. Je me souviens encore des nombreuses disputes que tu avais avec les déléguées des autres factions…

L’ex-golem gloussa alors qu’il repensait à sa vie d’assistant. La mère des quadruplés blanchit comme un drap, quand elle se souvint de la fois où elle avait manqué de respect à un dieu hindou, car il avait osé se moquer de son père. Elle ne se souvenait plus de son titre. Cet événement s’était déroulé de nombreux siècles plus tôt. Quelque temps après la fameuse crise d’Athéna, Zeus lui avait avoué qu’il était dans le tort et qu’elle s’était énervée pour rien.

— J’ai un vague souvenir de ce jour-là, avoua-t-elle à Gabriel. C’était quoi l’accusation, déjà ? Tout est si loin, dans ma tête.

— Des nouvelles recrues de ton père avaient chassé sur les terres sauvages réservées aux divinités hindoues. Tu t’es obstinée que c’était faux, mais il t’a répondu que si. Tu étais jeune et tu ne pouvais pas supporter qu’on s’en prenne ainsi à notre roi. Pour cette raison, tu t’es mise à insulter Shiva, qui n’avait rien dit d’insultant.

— A… ah bon !? Maintenant je sais pourquoi il a refusé de m’adresser la parole à la mort de papa. Et dire que j’aurais pu éviter cette gaffe…

Elle recouvrit son visage, de honte. Les œufs, qui cuisaient dans la panne à frire, commençaient à sentir un peu le brûlé. Lorsqu’elle réalisa cela, elle sursauta.

— Laisse, je vais t’aider, déclara le colosse.

Rapidement, l’ex-golem contourna le comptoir et empoigna une spatule avant de tourner l’omelette. Athéna se tassa promptement et décida de préparer quelques sandwichs. Elle avait déjà fabriqué quelques plats végétariens pour Cassandra et s’était assurée d’utiliser le livre de recettes qu’Artael lui avait conseillé.

— En tout cas, ça m’étonne de voir que tu aimes autant la cuisine, remarqua la déesse. Toi, qui ne pouvais pas supporter de cuisiner, lors de ton ancienne existence.

Le barbu sourit, puis sortit une autre panne à frire afin d’y mettre des saucisses. Pour le prochain quart d’heure, ils cuisinèrent assez de nourriture pour toute la Septième Brigade. Ils échangèrent de petites anecdotes, ce qui changea les idées de la princesse. Le colosse se félicita d’être venu en aide à sa vieille amie.

Une fois le repas terminé et mis en boîtes, ils laissèrent le tout reposer sur le comptoir afin que la nourriture refroidisse. Ensuite, ils rangèrent les contenants dans le réfrigérateur, avec des noms sur chacun d’eux.

— Au réveil, Flint compte louper ta session, dit Gabriel qui tartinait deux rôties qu’il venait de sortir du grille-pain. Il veut demander à ta sœur ou son mari de le prendre dans leurs groupes. Je tenais à t’en avertir maintenant.

— J’avais mes doutes, après tout ce que tu m’as dit…

— Laisse-lui quelques jours. Je suis certain qu’il viendra te présenter ses excuses.

Elle expira et se coula un verre d’eau.

— Le pire dans tout ça, c’est que je ne lui en veux même pas, dit-elle. Comment pouvais-je deviner qu’il souhaitait participer à toutes nos conversations importantes ?

— C’est quand même le seul capitaine qui reste de toutes les brigades existantes. Il se sent dépassé par nos récentes aventures. Il voudrait se rendre utile.

— Je comprends… Shayne vient souvent nous aider dans nos rencontres, parce qu’il est l’un de nos généraux. Je devrais peut-être en parler aux autres.

Concerné, Gabriel se tourna vers son amie.

— Es-tu certaine que c’est ce que tu veux ? Parce qu’il n’est pas en état de collaborer avec toi. Je ne voudrais pas qu’on jette de l’huile sur le feu…

La princesse gonfla ses poumons et fixa vers le haut. Il avait raison : attendre que la situation se calme serait la meilleure des solutions pour l’instant.

— Donnons-lui une semaine pour digérer tout ça, rectifia-t-elle. Ensuite je proposerais au Conseil de lui offrir une place pour le mettre à l’essai.

— Merci, Nana. Tu nous aides beaucoup.

Après avoir posé ses tartines sur le comptoir, le colosse essuya ses mains sur sa robe de chambre, puis donna un énorme câlin à son ancienne patronne. Celle-ci huma l’odeur de vanille sur ses vêtements et se rappela à quel point il avait toujours aimé cette odeur. Elle sourit. Mine de rien, la déesse avait aussi réussi à lui changer les idées. Il ne se sentait pas encore près pour lui dire ce qu’il avait sur le cœur, mais il avait malgré tout commencé à pleurer en silence. Quand elle réalisa ce qui se passait, Athéna recula et regarda son ami dans les yeux.

— Est-ce que j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? demanda-t-elle.

— N… non… couina le colosse.

— Alors qu’est-ce qui ne va pas, Gab ?

Le colosse s’enfouit le visage dans ses énormes mains et se recroquevilla devant sa bonne amie de toujours. Il avait si honte d’avoir toutes ces pensées en lui qu’il ne pouvait plus se retenir. Les larmes sortaient toutes seules.

— Je ne vais pas bien, brailla Gabriel… Tout a commencé lors de la simulation…

Alors il lui raconta tout ce dont il se souvenait. Du début jusqu’à la fin. Il lui expliqua ses rêves, ses cauchemars, ses transformations nocturnes. Athéna ouvrit grand les yeux quand il lui raconta comment il se sentait. Jamais elle n’avait vu Gabriel si vulnérable, si ouvert. Il n’avait plus rien de l’ancien homme qui avait travaillé pour elle. Il était beaucoup plus courageux qu’avant. Elle ne pouvait s’empêcher que d’éprouver un profond respect pour ce dernier. Quand il eut terminé son récit, elle esquissa un sourire et mit une main sur son épaule, afin de le réconforter.

— Oh Gabriel… ne t’en fais pas. Nous finirons par trouver une solution à ton problème. Ne perds pas espoir. Je suis certaine que tout le monde comprendra.

— Mais Nana… Je suis un monstre… Comment puis-je faire ça et ne pas subir la colère de Lucas ? J’ai peur qu’il le prenne comme une moquerie…

— Mais non, ne dis pas ça… Lucas sait à quel point tu désires une belle et grande famille. Tu l’as exprimé à de nombreuses reprises, ces derniers temps. Même Flint. Vous êtes des parents formidables. Je ne vois pas pourquoi tu t’inquiètes.

— Mais c’est contre nature… Je ne suis plus cet homme…

— Contre nature ? Gabriel. Nous sommes des dieux. On s’en fiche de la norme.

Le colosse jeta une paire de yeux étonnés envers la déesse. Il avait déjà entendu ces mots quelque part. Mais où ? Puis, une lumière s’illumina dans son esprit. Il s’agissait de son ancienne incarnation. Les mêmes paroles qu’il avait dites lorsqu’ils avaient créé Aeglys. Il essuya de nouvelles larmes qui coulaient le long de ses joues et serra Athéna encore plus fort, contre lui. Elle lui caressa la tête, heureuse d’avoir pu le réconforter. Elle souhaitait plus que tout, que Gabriel cesse de se torturer ainsi. Il méritait d’être heureux, selon ses propres règles, selon ses propres rêves…

— Je t’aime Nana… brailla le gros guerrier.

— Je t’aime aussi, Gabby, répondit-elle, avant de lui poser un baiser sur la joue.

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