Chapitre 22

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Le silence qui suivit la découverte du fichier me donna l’impression que l’air du bureau s’était épaissi d’un coup. Laura et moi échangions un regard lourd de questions, mais aucune de nous ne parlait.

— On creuse ? demanda-t-elle finalement, la voix plus basse qu’un souffle.

Je hochai la tête.

— Oui… mais on fait gaffe.

Elle fit glisser le curseur, cherchant un accès plus profond dans la base de données. Une fenêtre grise s’ouvrit avec un cadenas rouge.

— Super… Zone verrouillée, grogna-t-elle. Accès restreint aux officiers supérieurs.

Je me penchai vers l’écran.

— Tu peux contourner ?

Elle esquissa un sourire de travers.

— Je peux essayer… mais si quelqu’un surveille, on est mortes.

Un bruit derrière nous. On sursauta. Un collègue passait, une pile de dossiers sous le bras, trop près, trop curieux à mon goût. Laura changea d’onglet d’un clic vif, affichant un rapport banal sur un vol de voiture.

Il passa sans rien dire. Mais mon cœur battait comme si on venait d’échapper à un piège.

— Tu penses qu’Emma pourrait être… protégée ? murmurai-je.

Laura fit claquer sa langue.

— Si son nom a disparu de l’enquête, c’est pas un oubli. Et s’il y a un dossier caché sur elle, quelqu’un de haut placé veut qu’il reste fermé.

Je sentis un frisson me traverser.

— Et si c’était lié à Noah ? S’il savait des choses sur Julian qu’il ne m’a pas dites ?

Elle me jeta un regard en coin.

— Tu veux vraiment connaître la réponse ?

Je n’eus pas le temps de répondre. Un bip sec retentit sur son écran. Une alerte.

— Merde… murmura-t-elle. Quelqu’un essaie d’entrer sur mon poste à distance.

Je reculai instinctivement.

— T’es en train de dire… qu’on est surveillées ?

— Non… je dis que c’est pire que ça. Ils savent exactement ce qu’on est en train de faire.

Ses doigts filèrent sur le clavier pour fermer les onglets, débrancher le réseau. Mon souffle s’accéléra. L’atmosphère s’était changée en étau invisible.

— Vite, imprime la ligne sur la lettre ! soufflai-je.

Laura obtempéra, et la feuille glissa dans sa main au moment où tout s’éteignait. Elle me la tendit discrètement : Lettre manuscrite non signée – initiales E.M. – 16 avril.

La date brûla dans mon esprit.

— C’est le jour avant…

— Oui. Le jour avant la mort de Julian, confirma-t-elle.

On ne se dit rien de plus. Juste un échange de regards. C’était déjà assez.

La journée se termina dans un brouillard nerveux. En sortant du commissariat, la fraîcheur du soir me gifla. Les rues étaient calmes, mais je sentais un poids dans mon dos.

J’accélérai le pas.

Mon estomac se noua, une chaleur glacée me traversa la nuque.

Je me mis à marcher plus vite. Chaque pas résonnait comme un battement de tambour dans mes oreilles. La rue semblait s’allonger à mesure que j’avançais.

Enfin, l’appartement de Noah.

Je poussai la porte, la refermai brusquement, enclenchai le verrou.

Adossée contre le battant, j’essayai de calmer ma respiration. Mon cœur cognait si fort que j’avais l’impression qu’il allait briser ma cage thoracique.

Puis, un son.

Un éclat de voix.

Et… un rire.

Ce rire. Tranchant, agaçant, familier. Celui que je ne supportais déjà plus.

Mon corps se tendit.

Sans bruit, je traversai le couloir. Mes pas semblaient résonner plus fort que d’habitude.

Chaque centimètre me rapprochait de la porte du salon, et de ce qui m’attendait derrière.

J’arrivai à l’embrasure.

Le silence tomba, brutal.

Noah et elle me fixaient, comme si ma présence venait de tout interrompre.

Emma se redressa légèrement dans le canapé, un sourire poli aux lèvres, mais avec ce petit éclat dans les yeux qui disait tout le contraire.

— Je ne pensais pas te voir ici ce soir, Lexie.

Je restai dans l’embrasure, droite, sans détourner le regard.

— Je pourrais dire la même chose.

Elle haussa un sourcil, amusée.

— Oh, mais Noah m’a toujours dit que ses amis étaient… imprévisibles.

Je m’avançai d’un pas, contrôlant à peine la pointe de jalousie qui me brûlait.

— Et toi, tu es quoi exactement ? Une amie, ou quelque chose d’autre ?

Son sourire s’élargit, trop contrôlé pour être sincère.

— Disons que Noah et moi… on se connaît depuis assez longtemps pour qu’il sache qu’il peut compter sur moi.

— Intéressant, répondis-je calmement. Il ne m’a jamais parlé de toi.

Elle se pencha légèrement en avant, comme pour m’inviter à reculer, mais je ne bougeai pas. Mon cœur battait, mais je gardai mon calme apparent.

— Peut-être qu’il ne te dit pas tout.

Je soutins son regard, un coin de ma bouche se relevant en un demi-sourire.

— Ou peut-être qu’il me dit ce qui compte vraiment.

Un silence court, tendu, pendant lequel Noah jeta un regard rapide de l’une à l’autre, visiblement mal à l’aise.

Emma se rassit, croisant les jambes.

— Dans tous les cas, je suis sûre qu’on va apprendre à… mieux se connaître.

Je pris place sur le fauteuil en face d’elle, sans quitter ses yeux, sentant une colère sourde et une curiosité piquante se mêler.

— Oh, ça, j’en suis certaine.

Emma recula légèrement dans le canapé, toujours souriante mais avec moins d’assurance qu’à son arrivée.

— Bon… je ne vais pas m’imposer plus longtemps.

Je haussai un sourcil.

— Excellente idée. Noah doit être fatigué.

Elle m’adressa un regard appuyé, comme pour me défier une dernière fois, mais je ne cillai pas. Je sentis un frisson remonter le long de ma colonne, un avertissement instinctif que je ne devais pas baisser ma garde.

Je soutins ce face-à-face jusqu’à ce qu’elle se lève, attrape son manteau et se tourne vers Noah.

— On se reparle bientôt, dit-elle doucement.

— Oui, répondit-il, presque par réflexe.

J’ouvris la porte avant qu’elle ne fasse un pas vers moi, me tenant bien droite, l’air parfaitement calme.

Elle passa à côté de moi et, en franchissant le seuil, murmura juste assez fort pour que je l’entende:

— On dirait que tu tiens à lui… un peu trop.

Je laissai échapper un petit rire, mais il était plus nerveux que je ne voulais l’admettre.

— Oh, tu n’as encore rien vu.

Elle disparut dans le couloir. Je refermai la porte d’un geste sec, puis m’adossai contre le battant, un sourire satisfait aux lèvres.

Pourtant, ce sourire s’effaça vite. Mon cœur battait plus vite que je ne voulais l’admettre.
Ce n’était pas seulement parce que je ne lui faisais pas confiance.

C’était parce qu’elle s’était assise à côté de Noah comme si sa place y était naturelle.
Et ça… je ne le supportais pas.

Je refermai la porte derrière Emma et restai un instant immobile, écoutant le silence qui venait de retomber dans l’appartement.

Noah était resté dans le canapé, les coudes sur les genoux, les mains jointes.

Je le rejoignis, sans trop savoir si je devais m’asseoir ou rester debout.

— Désolée, soufflai-je. Je crois que… je ne l’aide pas à se sentir la bienvenue.

Il releva la tête vers moi, un coin de ses lèvres esquissant un sourire.

— Ce n’est pas grave. Emma sait se défendre.

— Oh, j’ai remarqué, répondis-je avec un petit rire nerveux.

Un silence s’installa. Pas lourd… juste un peu gêné.

Je finis par m’asseoir dans le fauteuil en face de lui.

— On n’a pas vraiment parlé, toi et moi… depuis un moment, repris-je doucement.

Il haussa les épaules.

— Ouais. J’imagine qu’on avait… besoin d’espace.

Je baissai les yeux vers mes mains.

— Peut-être. Mais… ça me manquait.

Quand je relevai les yeux, je le surpris en train de m’observer, un air plus doux qu’à l’accoutumée.

— Moi aussi, dit-il simplement.

On resta là, à se regarder, comme deux personnes qui ne savent plus très bien par où recommencer.

Alors je décidai de lancer une perche :

— Tu veux… qu’on reparte à zéro ?

Il eut un léger sourire, presque timide.

— On peut essayer.

Ce n’était pas une promesse, pas un grand pardon. Mais c’était un pas. Et ça, c’était déjà énorme.

Je me levai pour aller chercher deux tasses dans la cuisine.

Noah mit de l’eau à chauffer, et pendant un instant, on se surprit à parler de choses simples : le café du matin, les collègues, le temps. Des banalités, mais qui semblaient précieuses.

Je sirotai ma tasse, assise sur l’accoudoir du canapé, quand un frisson me parcourut sans raison apparente. Comme si, derrière la chaleur du moment, quelque chose d’invisible s’était glissé.

Mon téléphone, posé sur la table basse, vibra. Un numéro inconnu. Pas de message cette fois. Juste un appel.

Je le laissai sonner.

— Tu ne réponds pas ? demanda Noah, relevant les yeux.

— Non… c’est sûrement une erreur, répondis-je en forçant un sourire.

Mais au fond de moi, je savais que ce n’en était pas une. Je remarquai un léger mouvement derrière les rideaux, un reflet furtif d’une silhouette immobile à l’autre bout de la rue. Un souffle de vent fit frissonner les rideaux, et quand je clignai des yeux, l’ombre avait disparu.

— Tout va bien ?

Je relevai la tête vers Noah et tentai de reprendre contenance.

— Oui… juste un peu fatiguée.

Je me promis de ne rien dire. Pas encore.

Mais le goût du thé me semblait tout à coup amer.

On parla encore un peu, juste assez pour croire que tout allait bien. Mais au fond, je savais que ce n’était qu’un mensonge réconfortant. Derrière les murs, derrière les sourires… quelqu’un attendait son moment.

*****

Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir

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La suite arrive vite, reste dans les parages !

— Sacha

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