La Révolte

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Fidèle à son rendez-vous avec la boîte, Barnabé recherchait les livres de la bibliothèque qui se seraient perdus, en trouva un qu’il glissa dans sa sacoche machinalement, sans trop se soucier de sa qualité. Il ne prit pas la peine de regarder son titre, qu’importe sa cohérence avec le fond documentaire ou le fait que ce fut un doublon. La bibliothécaire préférait de très loin les mettre au pilon plutôt que de les offrir à cette boîte qu’elle méprisait de plus en plus.

Malgré la propension de Barnabé à jouir de pauses longues, cette boîte commençait à l’agacer pour d’autres raisons : s’il trouvait la concurrence saine et l’accès à la lecture gratuite indispensable face à la recrudescence de l’Idiotie, il lui semblait qu’elle manquait singulièrement d’envergure tant en taille qu’en contenu. Était-ce seulement sa faute ? N’était-elle pas tributaire de ce que les gens déposaient ? Comment corriger le tir, en lui offrant quelques pépites, sans se ruiner ni se délester de sa collection ?

Perdu dans ses réflexions d’usage, le regard de Barnabé se porta sur un livre au titre par trop évocateur, pour ne pas dire étrange : Bareback Mountain, de Arnie Poulx. Il se demanda comment ce livre mettant en scène des sodomites pouvait se tenir fièrement à côté d’une Bible, puis se demanda le pourquoi de cette Bible. Le plus grand Pest Seller de tous les temps avait-t-il une place dans une boîte à livres alors que la plupart des catholiques n’avaient jamais pris la peine de le lire en entier et n’en comprenaient pas les messages, préférant se suspendre aux paroles des prêtres - et manger et haïr ce qu’ils voulaient, en toute impunité ?

Barnabé se convainquit que cet ouvrage avait sa place dans la bibliothèque, ne fut-ce que pour l’évolution des mœurs. Barbara Bourde n’accepterait jamais pareille barbarie, mais l’aventure était à tenter : le lendemain, profitant de ses RTT, il insérerait cet ouvrage dans le fond, ni vu ni connu. Ce risque ne lui faisait pas peur : une fois les livres achetés, elle ne les ouvrait que pour les protéger. Elle les indexait à l’aveugle en lorgnant vite fait sur la quatrième de couverture, puis copiait-collait, sans même les relire, les résumés sur le site De Sistre. Vu que la couverture ne mettait pas en scène des cow-boys dénudés, alanguis sur des peaux de bête, mais un troupeau de moutons en pleine transhumance, elle n’y verrait que du feu.

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