La porte des deux mondes

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Le dernier week-end au Ranch de Magda leur avait ouvert les yeux et enlevait tous leurs doutes. Ce qui leur était arrivé depuis Lourdes était bien réel.

Leur priorité était désormais de trouver cette fameuse porte.

De retour à Manhattan, Marje s’était lancée dans des travaux de rénovation de sa librairie pour accentuer encore plus le côté « Harry Potter ». Elle était à fond dans le concept. La journée, elle, partait chinait chez des antiquaires de renom, l’argent n’était pas un problème pour elle ; De son côté, Sofia était prise de fureur créative, ses fleurs commençaient à bien se vendre, tout se passait bien. Le soir, elles se retrouvaient comme à leur habitude pour partager un dîner. Sofa rentrait chez elle vers 22h, l’heure à laquelle Marje poursuivait sa recherche d’indices plus ciblée cette fois car elles avaient plus d’informations dans leur besace désormais.

Durant deux semaines, ses lectures n’aboutissant à pas grand’chose, elle décida de relire au calme « L’anneau de Dieu » et « les mondes verts ». Elle s’était dit que peut être certains éléments auraient pu lui échapper tant sa lecture avait été rapide et orientée. Avec un esprit plus serein et surtout plus ouvert, certaines phrases pourraient avoir plus de sens qu’elle ne l’aurait supposé au départ.

Magda s’était difficilement remise de toutes ces révélations alors elle fit ce qu’elle faisait toujours dans ces cas-là, se recentrer sur les énergies positives de la Nature. Elle ajouta de nouvelles roses à sa collection de rosiers et se remit à lire et à relire des textes traitant du chamanisme.

Chacun était donc retourné à sa vie.

Anton avait gravi des échelons, il était passé de directeur commercial à directeur général de la société dans laquelle il était salarié depuis 5 ans et qui est une filiale du consortium Toekom Energy.. Cette promotion vint nourrir d’autres ambitions.

Il siégeait maintenant dans les hautes instances du Consortium Toekom Energy, cette multinationale opérait dans des secteurs aussi variés que la Presse, le Bâtiment mais son cœur de métier était les énergies. Toekom Energy se présentait comme précurseur dans ce domaine. Depuis une dizaine d’années, des budgets colossaux étaient consacrés à la recherche et la mise au point de carburants innovants laissant de côté les énergies fossiles. De fait, la localisation exacte de ses laboratoires et de tout ce qui pouvait s’y dérouler étaient tenus au secret.

Anton s’était mis à rêver. Il voulait siéger au conseil supérieur de Toekom, le dernier cercle des grands, des initiés comme il disait. Pour l’heure, il était devenu le directeur général de toutes les sociétés de pièces détachés du groupe Toekom aux Etats-Unis et dans le monde, ce qui faisait de lui un grand patron à la tête d’un peu plus de 3000 salariés .

Ses bureaux se trouvaient désormais à New-York.

L’hiver est là.

Marje s’affaire dans sa libraire. Le son désuet d’une petite cloche retentit à l’ouverture de la porte d’entrée.

— Non, c’est pas possible ! toi, ici à New York ! Quelle belle surprise !

Marje enlaça tendrement son amie Magda.

— Quel bon vent t’amène ici ?

— The greenman .

— Qui c’est ?

— Son vrai nom c’est Anchabok, c’est un chaman, il est de passage à New York pour quelques conférences, il animera aussi des ateliers d’introspection, de réconciliation de l’esprit avec notre corps ; Je me suis inscrite aux deux conférences et à l’atelier « Nature et Humanité ».

—  Où es-tu descendu ?

— Je loge dans une espèce de demeure victorienne, charmante. Il n’y a que 6 appartements petits mais cosy, à 500 m d’ici. Il y a un même un petit jardin soigneusement entretenu.

« C’est pour garder un lien avec la nature dans ce monde de béton lui avait dit le propriétaire qui était féru de chamanisme ; tous les meubles à l’intérieur comme à l’extérieur étaient fabriqués à partir de matériau brut et dans chaque chambre se trouvait un être vivant auquel chaque client était prié d’adresser un message d’amour le matin et le soir. Magda avait hérité d’un cactus.

— Il a l’air perché.

— De prime abord, n’importe qui aurait tendance à penser comme toi mais il est juste re-connecté.

— Pourquoi re-connecté ?

— Parce qu’avant notre venue au monde, nous ne faisons qu’un avec la nature. C’est après que ce lien se perd, centrés que nous sommes sur nous-mêmes et nos besoins à 99% artificiels. Enfin bref.

Il a donc organisé dans son hôtel, des conférences pour personnes concernées, il ne veut pas de « curieux ». Nous serons dix maximum par atelier et par conférence.

Le Chaman est là pour 2 jours et logera avec nous. J’ai hâte. Ça commence demain. Mais où est Sofia ?

— Dans la boutique, juste à côté. Elle doit y être. En ce moment, elle ne parle que matériau recyclable, Nature et Equilibre, couleurs et harmonie, elle bosse à fond. Tous les soirs, nous dînons ensemble, nous serons ravies de t’inclure dans ce rituel si tu le souhaites.

— C’est vraiment adorable, j’accepte avec grand plaisir. Je reste 5 jours normalement.

- Formidable !! Sofia sera heureuse de te savoir ici. A ce soir ! faut que je me remette au boulot, mon club de lecture sera bientôt là.

— Ton club de lecture ??? De quoi tu parles ?

— Il m’aide dans ma recherche d’indices. On en parle ce soir au dîner.

Le dîner se passa dans une ambiance « bon enfant ». Magda nous raconta son jardin collaboratif avec la mère de Norman.

Magda : Maa avait tellement adoré s’occuper de ma serre et des rosiers que je lui ai proposé de revenir chaque fois que Norman serait absent plusieurs jours. Yvan et Téo, mon fils, l’adorent.

Sofia : C’est chouette ! c’est une vraie bonne idée. Trinquons aux vraies bonnes idées qui font d’abord du bien à l’âme avant notre porte-feuille !!

Marje : comme c’est bien dit !

Magda : suis à 1000% d’accord. Ça sent super bon Marje, que nous as-tu concocté ?

Marje : un poulet rôti et un gratin de macaronis.

Sofia se leva pour aider Marje à dresser la table pendant que Magda prenait des nouvelles de son fils et de son mari.

Sofia : Tout va bien chez toi ?

Magda : Oui, oui…ils regardent une série sur Netflix. Tout va bien.

Marje : C’est quoi ton programme demain avec Anchabok ?

Magda : Justement, ça me fait penser. Demain, on part en balade au Queens Botanical Garden pour notre dernier atelier.

Sofia : C’est pas tout près.. Pourquoi aussi loin ?

Magda : ce jardin est dédié au développement durable et à l’étude des diversités culturelles à travers les plantes. C’est ce que j’ai lu sur internet en tout cas.

Sofia : c’est clair que ça cadre plus avec le chamanisme.

Magda reprit.

« A ce propos, il nous est offert la possibilité d’amener un ou une invitée. Qui serait partante ?

Marje : Moi, je ne peux pas. Je dois animer mon club d’enquêteurs, c’est programmé depuis une semaine.

Sofia : J’adorerais. Suis en pleine introspection en ce moment. Ça tombe super bien.

Magda : Dans ce cas rdv à mon hôtel à 7h, un bus emmènera tout le groupe.

On sera de retour vers 11h. Nous pourrions déjeuner ensemble avant mon départ.

Sofia : Cela aurait été avec plaisir mais il faut tout de même que j’ouvre ma boutique.

Le lendemain au Queens Botanical Garden.

Assises sur des tapis en bambou, Anchabok leur distribue une sorte de racine, son interprète leur indique que c’est une plante sacrée dans le monde chamanique l’Ayahuasca, elle permet un lâcher prise et une reconnexion avec la part «d’ animal primitif » qui est en nous, celui-là même qui est en phase avec la Nature profonde de tout ce qui nous entoure, le visible comme l’invisible.

« Cet état ne devrait durer que quelques minutes durant lesquelles vous serez allongés » dit-elle.

Sofia commença à mâchouiller son bout de racine et comme par magie, elle ne sentit plus le froid..

En chemin pour rejoindre le bus, Sofia raconte son voyage à Magda.

« Je me promène dans une forêt dense, j’ai l’impression que je suis perdue parce que je n’arrive pas à voir à plus de 2 m devant moi. Je n’ai aucun repère et je tombe toujours au même endroit. Une fourche. Instinctivement, je prends le sentier de gauche parce qu’il me semble que ce passage m’est familier et en effet, je croise des visages que je connais et qui se dirigent tous vers un même endroit. Un grand village où tout le monde est occupé, très occupé à faire quelque chose. Certains coupaient du bois, d’autres s’en servaient pour construire des édifices qui s’écroulaient tout le temps, d’autres creusaient, d’autres encore chantaient, dansaient, peignaient..

Au bout de mon 5ème trajet aboutissant au même village, je décide de m’adresser à une personne assise qui ne faisait rien et qui se contentait de regarder la scène.

— Vous êtes le seul à ne rien faire ?

Il me regarde fixement. « Parlez pour vous » me dit-il, moi suis en plein travail.

— Mais moi, je viens d’arriver et je ne sais pas quoi faire, personne ne m’a adressé la parole alors comment savoir où est ma place ?

— Ce n’est pas une excuse.

— Ce n’est pas une excuse, je dis simplement ce qui est.

— Ce qui « est » selon qui ?

— Comment ça selon qui ? Je dirais selon ce qu’on attend de moi.

— Puis-je savoir qui est ce « on » derrière lequel vous vous cachez depuis si longtemps ?

— Sûrement les hommes, la société dans laquelle je vis. On est bien obligés de suivre le mouvement général, les règles établies.

— Non, encore des excuses, ce sont encore des excuses.

On est restés silencieux un long moment. Et puis tout à coup, un serpent roux surgit devant moi, la bouche grande ouverte.

Lui : Tuez-le.

— Non, je ne peux pas.

— Pourquoi ? Est-ce encore une règle dictée par les humains ? une règle que vous devez respecter ?

— Non

— Alors pourquoi ?

— Je ne sais pas…

L’homme se met à répéter « pourquoi » avec de plus en plus d’insistance et de force… Je finis par hurler « parce que j’ai peur ».

Et tout à coup, le serpent disparaît.

— Comment avez-vous fait disparaître le serpent à tête rousse ?

— Quand j’ai réalisé que ma peur était liée à mon inaction. Alors je me suis dit

« fais quelque chose au lieu de nourrir ta peur à ne rien faire… Essaie d’abord de le tuer et ensuite tu pourras avoir peur ».

Peu de temps après, Anchabok se tenait devant moi , on aurait dit un arbre habillé de feuilles annonçant le début de l’automne, il me prend la main et me ramène au jardin botanique.

Quand je reviens à moi, je suis rassurée, tout le monde était dans le même état que moi, un peu sonné comme sorti d’un rêve évéillé.

Avant de monter dans le bus, Magda questionna Marge. Mais de quoi avais -tu peur ?

- Si seulement je le savais répondit Marje . Puis oubliant Magda, elle ajouta à voix haute « j’ai arrêté de prier pour mon père , si j’étais allée jusqu’au bout alors j’aurais su.

— Tu aurais su quoi ? Tu ne m’as jamais parlé de ton père.

—  J’ai manqué de foi et j’ai fait du mal en croyant faire le bien.

— Tu veux bien m’expliquer..

— Je ne saurais même pas par où commencer.

Sur le chemin du retour, Magda raconta à son tour ce qui lui avait réservé cette herbe magique.

Elle lui raconta qu’elle s’était retrouvée avec Sofia devant un grand œil fermé.

« Tu as marmonné quelque chose dans une langue improbable et surtout incompréhensible et l’œil s’est ouvert. Sa pupille était d’un bleu intense et profond, un de ses bleus dans lequel on pourrait se perdre.

On a traversé cet œil et c’est là que nous nous sommes retrouvées dans une clairière avec Anchabok et tout autour on pouvait voir des dès géants transparents qui tournaient sur eux-mêmes. On pouvait voir des choses à l’intérieur. Dans l’un deux, je pouvais y voir des entités bleues, dans un autre des entités vertes, dans un autre encore des entités vêtues de blanc, et dans le dernier des êtres translucides uniquement constitués d’eau… C’était magnifique !! Puis l’œil s’est refermé et j’ai été ramenée ici. »

Le bus les ramena à Manhattan. Des clients attendaient depuis 5 min devant la boutique de fleurs de Sofia. Marje leur proposa de passer la dernière soirée ensemble, Magda devait s’en allait le lendemain matin.

Au dîner, bien sûr, Magda et Sofia s’empressèrent de tout raconter à Marje.

Marje : Tu dois avoir hâte de retrouver Albuquerque je suppose.

Magda : Oui bien sûr mais ce n’est pas là que je vais demain.

Sofia : Mais où vas-tu alors ?

Magda : A Jérusalem.

Marje : Mais pourquoi faire ? N’avions pas décidé d’y aller ensemble ?

Magda : Je n’y vais pour ça. Je suis simplement Anchabok dans son périple.

Sofia : Il y va aussi ?

Magda : Nous serons dans le même vol demain.

Sofia : Et toi ? ça avance avec ton club de chercheurs d’indices...

Marje : On a découvert une nouvelle entité, les aggrégateurs spatio-temporels.

Sofia dit en riant « mais ils lisent quoi tes chercheurs en herbe ? des précis de mécanique quantique ou quoi… »

Elles se mirent à rire toutes les trois.

Marje : Tout s’éclaire maintenant. Le voyage de Norman à propos de la porte des deux mondes qui pourrait se trouver à Jérusalem, les aggrégateurs spatio temporels. C’est évident. Tout s’explique.

Sofia : Qu’est-ce qui est évident ?

Marje : Les aggrégateurs spatio-temporels sont les portes qui relient le visible à l’invisible. Le temps présent, passé et futur à l’espace. Les chamans et les druides savent faire ça.

La porte ne s’est jamais trouvée à Jérusalem ni là-bas ni ailleurs car cette porte n’est pas un lieu mais une personne.

Magda : Et cette personne pourrait être Anchabok, c’est ça ?

Marje : Peut-être. Lui ou un autre, je n’en sais rien. En tout cas, il fait partie des réponses, cela nous mènera forcément quelque part.

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