Gaëtan

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Taf1 ? Gd chips

Nope

Je reposai mon Iphone sur la table et me rallongeai en fermant les yeux. Chloé était bien gentille mais j'étais pas d'humeur à bouffer ses chips molles et à tout faire pour donner l'impression que je ne voyais pas ses regards qui se voulaient sensuels.

Satané code, j'arrivais pas à savoir par quel bout le prendre. Si je passais ma variable checkPossible en local, je me retrouvais à devoir systématiquement la transférer dans chaque nouvelle fonction, mais l'idée de la passer publique me créait une faille de sécurité. Le pire, c'est que les méthodes d'écouteurs ne permettaient pas de passer des variables personnalisées, et ça c'était quand même la loose. Si j'arrivais à...

Trois coups brefs résonnèrent à la porte, m'extirpant avec peine de mes réflexions. Je me précipitai, la tête encore brumeuse, et ouvris.

Samia. La vache, elle avait l'air cuite, mais je pouvais pas m'empêcher de la trouver...

— Bonjour Gaëtan, je peux entrer ? C'est l'heure de ta visite hebdomadaire.

— Ouais allez-y.

Je me décalai et la laissai entrer, en essayant d'inspirer au max à son passage. J'avais un truc avec les odeurs, sans doute une réminiscence de l'enfance, un des seuls trucs positifs qu'il me restait. Samia sentait la vanille, mais la vanille chimique, en vrai presque comme celle des désodorisants à toilettes.

Elle tenait une plaquette à la main, le genre avec une pince pour tenir une feuille. Après s'être assise, elle tenta un sourire et sortit un stylo bleu de sa poche.

— Bon, t'es OK ? Ça donne quoi ta recherche, j'ai vu que tu avais rendez-vous avec Christian Barbot ?

Après ma troisième expulsion d'un lycée public de la République, le lycée des arts et métiers Salvador Dali du quatrième arrondissement - merci les mecs mais vu la qualité des cours, je préférais encore bosser de mon côté au Cyber Café le 42 et quoi ? vous ne m'avez pas vu pendant des mois ? croyez-moi je vous ai fait un cadeau - le foyer des Tulipes était ma nouvelle piaule. Pour ce que ça valait, Samia était la seule à ne pas me parler comme à un bolos et à me regarder avec autre chose dans les yeux qu'un air de qu'est-ce que je fiche là à essayer de communiquer avec un boutonneux qui ne sait pas calculer un périmètre et ricane dès qu'il entend le mot vésicule ?

Le jour de mon arrivée, le directeur du foyer, Christian Barbot, m'avait casé dans une chambre et refilé Samia comme conseillère. Elle faisait pas dans la dentelle comme on dit, je crois que c'est ce qui m'avait plu chez elle, c'est pas parce qu'elle avait des gosses qu'elle me parlait comme une daronne.

Écoute Gaëtan, je ne vais pas te la faire à l'envers, je vois bien que l'école c'est pas pour toi, mais ici personne te juge. Tu restes le temps dont tu auras besoin, tu auras à manger même si tu dois être à table avec les autres, par contre tout le monde va pas attendre que tu aies fini ta période de rébellion à dix balles. Je sais que t'as largement de quoi t'en sortir, il te manque juste un tout petit truc. Trois fois rien, tu verras.

Et ce petit truc, d'après elle, c'était l'espoir. Je voyais pas trop son délire, j'étais pas vraiment en manque d'espoir ou quoi que ce soit, mais si ça pouvait lui faire plaisir...bref, comme elle était tranquile et pour tout dire assez bien gaulée, j'ai fait profil bas le temps de peaufiner mon petit code peinard, jusqu'à ce qu'il soit prêt. En attendant, Barbot voulait me voir pour parler business. Enfin, trouver un job.

— Ouais j'ai rendez-vous demain, il veut savoir où j'en suis dans ma recherche, tout ça...

Elle a levé les sourcils, avec sur le visage un air complètement ahuri, après quoi elle a souri à moitié.

— Hmm. Et j'ai dans l'idée que t'as même pas fait de CV, que t'es pas allé sur les sites qu'il t'a conseillés pour trouver un domaine qui t'intéresse ?

— Si, si, ouais j'ai fait des trucs. J'ai commencé mon CV c'est presque fini. Et pis les sites ouais, c'est pas mal, t'inquiètes.

Elle a soupiré, et puis levé son stylo et s'est mise à écrire dans l'air, comme si l'encre allait apparaître miraculeusement devant moi. Et sa phrase avait l'air vachement longue.

Je l'ai regardée, elle m'a regardée, même si nos pensées devaient pas être dans la même catégorie, et puis elle a ajouté :

— Quand tu me parles comme ça Gaëtan, ça me fait le même effet. T'as pas vu ce que j'ai écrit ? Bah considère que pourtant j'ai écrit des phrases pleines de mots. Par contre j'ai rien entendu de réel moi. Quoi, t'as dit quelque chose ?

Je m'apprêtais à répondre quand elle s'est levée en soupirant, a donné un coup de tête en l'air pour replacer une mêche qui pendait devant ses yeux, puis elle a balancé le stylo et sa plaquette sur mon bureau et s'est dirigée vers la porte.

— Quand t'auras décidé d'être honnête avec moi, tu la rempliras toi-même ta fiche de suivi. Si t'es encore capable d'écrire des phrases cohérentes avec le baobab que t'as dans la main.

La porte a claqué avant que je puisse même refermer la bouche.

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