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La protection de l'antre céda. L'intégrité ainsi compromise, le couple fut délaissé. Iel, déstabilisée, mit du temps à déterminer l'origine de la perturbation ; rien de biologique ne caractérisait les intrus. Malgré tout, d'infimes particules lui permirent de repérer les androïdes ; la neutralisation des envahisseurs se tentait.

Mais iel ne réalisa pas, le réveil de son repas !

*

Yséov émergea de sa torpeur, partiellement recouverte d'une substance collante et irritante. Dans un bruit de succion, elle s'arracha du sol qui menaçait de l'engloutir. Ensuite, elle secoua énergiquement son compagnon ; celui-ci peinait à reprendre pied dans la réalité.

L'attrapant sous les aisselles, la femme l'aida à s'extirper de la matière gluante qui l'emprisonnait. Bien qu'il soit plus grand et plus lourd, elle le soutenait fermement. Enfin, aussi vite que possible, Yséov le guida vers la lueur tremblotante qui se distinguait à peine au fond du conduit exsudant.

L'homme chassa les dernières brumes qui obscurcissaient son esprit, en se demandant brièvement dans quelle sorte de piège ils étaient tombés. Vaguement nauséeux, il n'alla pas plus loin dans sa réflexion. Ses pieds sentaient la mollesse du chemin ; ils s'enfonçaient. Devant le couple, la clarté restait pâle et lointaine ; leur salut également.

Leur allure ? ; Lente et laborieuse. La faute au terrain visqueux sur lequel ils avançaient tant bien que mal.

Derrière eux, les androïdes se confrontaient à la créature.

Instantanément, les intrus d'acier surent qu'ils se trouvaient au cœur d'une entité biologique. Leurs premières réactions furent conformes à leurs programmations initiales : préserver avant tout l'intégrité de l'environnement naturel. Ils ne cherchèrent pas à la neutraliser et se focalisèrent sur leurs cibles.

Par contre, iel réagit beaucoup plus violemment et secréta sur toute sa surface un violent acide qui attaqua la structure des robots. Tout à leurs priorités, ils ne s'en aperçurent pas dans l'immédiat. Cette attaque eut une autre conséquence, puisqu'elle toucha aussi les fuyards.

La voie qui se déroulait, n'en finissait pas. la matière spongieuse où ils pataugeaient les freinait. Tenaces, ils s'accrochaient sans quitter des yeux le frêle halo qui les aiguillait. Les premiers picotements furent à peine perceptibles. Soudain, d'atroces sensations de brûlures les empoignèrent. Aucune des parties découvertes de leur corps ne fut épargnée. Des rougeurs, puis des lésions, marquèrent bientôt leur peau : leurs yeux larmoyaient de douleur. Épouvantés, ils tentèrent d'accélérer le pas. Le couple s'enlisait ; chaque centimètre gagné était une souffrance, une victoire. Quand, enfin, ils sentirent sous leurs pieds la dureté de la roche, ils faillirent se laisser tomber. Cependant, la prudence les incita à poursuivre. Devant eux, la sente de pierre montait brusquement et la lumière reculait, la désespérance les enveloppa.

Lorsque les androïdes réalisèrent que leurs composants fondaient, préserver la créature passa au second plan. La priorité : neutraliser le couple diurne. Ils dégainèrent leurs armes, visèrent le monticule et tirèrent... Toute la caverne organique trembla violemment, exsuda davantage de substance corrosive. La soldatesque robotique continua son offensive alors que ses éléments poursuivaient leurs dégradations. Progressivement, les tirs se firent moins nourris, plus rares, les revêtements métalliques se liquéfiaient. Iel subissait suffisamment de dommages pour épuiser ses réserves, de plus ses proies lui échappaient. L'organisme opta pour une stratégie de conservation : une entrée graduelle en dormance. Ses a gresseurs rengainèrent leurs armes. Et, après une brève auto-maintenance, reprirent leur poursuite.

Autour d'eux, l'environnement se solidifiait jusqu'à se confondre avec la roche, seul une vague teinte jaunâtre laissait deviner qu'en ces lieux sommeillait une créature redoutable...

Yséov se sentait prête à craquer, cette accumulation de déboires avait presque raison d'elle. Son compagnon, quant à lui, redevenait pragmatique. Il braqua sa lampe sur la montée ; elle se pressentait difficile, mais semblait logique pour regagner la surface. Oubliant ses brûlures, il sourit à la femme :

— Courage, l'emprunter est largement faisable.

Cela désamorça un peu le désespoir de sa compagne qui acquiesça. Il hocha la tête et s'engagea le premier sur le raidillon minéral ; docile, elle l'y suivit.

La clarté devenait un peu plus vive, encourageant le couple à continuer sur la pente abrupte où ils marchaient. Yséov sentait quasiment une sorte d'allégresse l'envahir. L'inclinaison s'adoucissait, le tunnel de pierre s'élargissait. Ils débouchèrent dans une caverne. Des parois émanaient une douce luminosité ; à leurs pieds un lac d'eau pure. Bouche bée, ils se laissèrent brièvement happer par la beauté de l'endroit. Des mouvements autour du plan d'eau attirèrent leur attention. L'homme braqua sa lampe, révélant ainsi la présence de deux silhouettes longilignes, aux corps blanchâtres et aux prunelles nacrées.

De part et d’autre, un mouvement de recul, associé à une identique terreur.

Le couple venait de pénétrer au sein de l'habitat des nocturnes !

*

Quand la gynoïde atteignit le secteur du bosquet, elle remarqua le véhicule volant posé près de là. Elle n'y attacha pas réellement d'importance. Restant à sa programmation élémentaire, la machine endommagée se contenta de suivre les traces évidentes laissées par le couple.

En arrivant au milieu des arbres chétifs, elle se figea, décontenancée. L'accès précédemment ouvert demeurait fermé. Elle tapa du pied afin d'éprouver la solidité du terrain, en pure perte.

Alors, autant que sa mémoire défaillante le lui permettait, elle chercha une autre solution dans le but d'atteindre ses cibles...

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