1 PANDORE

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Le Purificateur Pollué

Pandore courait dans la forêt en direction du temple. Elle était poursuivie et espérait trouver refuge dans la maison de sa Déesse. Elle lui avait obéi, elle avait fait exactement ce qu’elle avait exigé d’elle et on la poursuivait pour la condamner.

Quand elle arriva devant l’autel et la statue d’or et d’ivoire de sa Matrone, elle s’agenouilla et leva les mains en l’air pour prier. Elle lui demandait bénédiction et protection pour avoir accompli ses ordres et désirs.

Ses poursuivants finirent par pénétrer dans le temple. Des mages et des prêtres d’autres dieux qu’elle ne reconnaissait pas, venus d’outremer. Ils arboraient tous un visage exprimant colère et désir de justice et de vengeance. Ne comprenaient-ils pas qu’elle venait de sauver l’avenir du monde ? Il ne sombrerait jamais dans le chaos et les ténèbres…

Non, ils ne pouvaient pas. Ils ne croyaient pas en Imaris, la Déesse de la Lumière.

Pandore serra contre sa poitrine l’amulette, symbole du culte d’Imaris et fit face à ces hommes qui souhaitaient la condamner. Elle n’avait plus aucune possibilité de s’enfuir. Et elle ne le voulait pas non plus. Elle était dans la maison de sa Déesse, son temple, elle y serait en sécurité. Elle avait la foi.

Elle se retrouva bien vite encerclée et oppressée, le dos contre le socle de la statue chryséléphantine. Un homme s’avança.

— Markaas, dit-elle d’une voix contrôlée. Que viens-tu faire sur la Maison d’Imaris ? Tu sais parfaitement que les hommes n’y sont pas admis.

— Tu sais très bien pourquoi, Pandore, répondit le prêtre de Sélios, le Dieu de la Justice. Tu as commis un crime.

— J’ai agi selon les ordres d’Imaris. Tu sais ce que c’est… Obéir aux ordres de ta divinité…

— Sacrilège ! Blasphème ! Crièrent les autres avec véhémence.

Markaas leva un bras pour exiger le silence.

— Je ne suis peut-être pas un fervent croyant d’Imaris…, dit-il lentement. Mais je doute fort qu’un dieu ou une déesse ordonne que l’on tue un enfant encore dans son berceau.

— Sauf s’il est destiné à plonger l’humanité dans les ténèbres. Un petit sacrifice pour le bien de tous !

— Mensonge ! Fit l’assemblée dans un cri de rage.

— Fort heureusement pour toi, puisque tu as échoué, nous serons… cléments, continua le grand prêtre.

— Et pourquoi tant de considération, Markaas ?

— Tout d’abord, tu es la dernière prêtresse d’Imaris. Et tu as à ton actif bon nombre d’actes d’altruisme et de protection envers la cité de Séliador. Et comme aucune mort n’est à déplorer ce soir…

— Que veux-tu dire ?

— L’enfant que tu as cherché à tuer, Pandore… Il vit toujours. Certes il est blessé mais il survivra. Tu as échoué.

La prêtresse écarquilla les yeux. Elle avait échoué… Elle se tourna vers la statue de sa Déesse et tendit à nouveau les mains vers elle en position de prière. Elle demandait pardon pour son échec.

Soudain, elle sentit une douleur effroyable partir de ses pieds et elle ouvrit les yeux. Ils devenaient pierre.

— Nous te condamnons à l’éveil éternel dans une enveloppe de pierre.

Les yeux de Pandore s’écarquillèrent d’effroi. Cela, une sentence clémente ?! Et sans jugement en plus ! L’éveil éternel était pire que la mort. Elle ne pourrait jamais rejoindre les lumières éternelles d’Imaris. Mais peut-être le méritait-elle après son échec pour sauver le monde…

— Jamais tu ne mourras et jamais ta statue ne se brisera, continua Markaas. Tu pourras à nouveau marcher sur la terre que quand ton âme sœur se révélera et qu’elle aura un jour besoin de toi.

Il y avait donc une lueur d’espoir…

A cela, Pandore esquissa un léger sourire et ferma les yeux. Elle reprit alors ses prières envers Imaris avec dévotion. Elle avait la foi. Elle ferait toujours ce qu’elle attendrait d’elle. Et si elle devait passer par l’épreuve de la pierre, alors soit.

Nestor était assis sur un banc de l’ancien musée public de Séliador. Il travaillait sur un de ses nombreux projets. Du haut de ses quinze ans, il avait déjà créé une vingtaine de concepts révolutionnaires dans le monde de l’industrie. Mais comme il n’était encore qu’un enfant, et pire, un habitant de la ville basse, il n’avait encore jamais été pris au sérieux. Pourtant les trois machines qu’il avait réussi à construire avec les matériaux qu’il avait pu trouver dans des casses. Elles étaient parfaitement fonctionnelles !

Mais voilà, on le refusait à l’Académie des Sciences juste pour une question d’âge et de statut. C’était stupide et révoltant mais tel était les choses dans la cité de Séliador. Seuls les riches pouvaient prétendre à l’éducation et les pauvres se devaient de rester dans la ville basse à s’occuper des basses besognes ou de survivre dans la crasse et la pollution.

— Eh ! Mais regardez qui voilà…, fit une voix nasillarde. Ce n’est pas Nesti Bronzefunk ?

Nestor déglutit alors qu’il refermait prestement son carnet avant de partir en courant loin de là. C’était les voyous de la ville haute. Ils aimaient descendre martyriser les orphelins et les pauvres comme lui. Parce qu’ils vivaient mieux, qu’ils avaient une cuillère dorée en bouche, ils pensaient qu’ils avaient naturellement tous les droits. C’était injuste. Et ce qui l’était plus encore, c’était la milice qui n’intervenait jamais dans ce cas de figure, ou alors uniquement quand les pauvres commençaient à répliquer et rendre les coups.

Alors le mieux était encore de fuir. Mais y arriverait-il seulement ? Serait-il assez rapide ? Il se trouvait à la jonction entre la ville haute et la ville basse, là où l’air était le moins vicié et où il pouvait accéder. Son seul salut serait de descendre dans les bas-fonds de Séliador et encore… Parfois on le poursuivait encore jusque là.

Il fonça dans les rues marchandes, évitant du mieux qu’il pouvait chaque passant. Surtout les riches. Ils étaient les premiers à se plaindre. Les autres… disons qu’il leur arrivait d’être compréhensifs. Ce n’était pas facile de vivre sous la botte de la ville haute et de subir le joug et le mépris de leur racaille sous prétexte qu’ils vivaient dans les bas-fonds.

Il réussit à semer ses poursuivants au détour d’une ruelle et attrapa une corde pour descendre d’un étage. Quand il y posa pied, il fut attrapé par le col.

— Tu croyais vraiment que tu allais nous échapper, Nesti ? Demanda le voyou aux habits de velours. Tu passes toujours par ici.

Nestor se fustigea intérieurement pour sa bêtise. Il avait été si prévisible. Il allait devoir mieux étudier ses stratégies de fuite.

Il ne put réfléchir plus loin car il fut la cible de divers coups d’une bande de brutes aux souliers propres. Il s’écroula dans la ruelle sombre et se recroquevilla sur lui-même pour mieux encaisser. Cela faisait mal. Chaque coup de pied était une horreur. Il allait en avoir des bleus pendant une bonne semaine, il en était certain. Il attendit juste, en bon défouloir, tandis qu’il entendait les rires et les cris de ces monstres de la ville haute.

Puis contre toute attente, l’un d’eux s’empara de son carnet et le feuilleta.

— Tu te prends pour un inventeur ?

— Rends-le-moi !

Nestor se prit un nouveau coup de pied.

— Reste à ta place parmi les misérables et les bouseux ! Cria l’un d’eux en insistant encore avec d’autres coups.

Les voyous ricanèrent et déchirèrent quelques pages avant de lancer le carnet de notes dans le vide.

— Non ! Cria Nestor. Mes notes !

Il reçut un autre coup, cette fois en pleine tête, et il perdit connaissance.

Quelque part, une fissure fendit légèrement la pierre mais rien ne se brisa. Rien ne fut remarqué non plus. Depuis le temps qu’on observait plus les bibelots et traces du passé en ce lieu …

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