Chapitre 7

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  Elïo a maintenant huit mois. Je n’avais pas menti à la pédiatre quand je lui ai dit qu’il tenait presque debout à six mois. Mais de là à imaginer qu’il marcherait deux mois plus tard, personne ne m'aurait cru. Et marcher est un euphémisme puisque le petit monstre gambade comme un lapin. Non pas qu’il bondisse ou fasse des cabrioles, mais ses petites cuisses encore potelées le portent dans tous les recoins de la maison. Le voilà d’ailleurs qui traverse le couloir juste sous mon nez avec cet élan spécifique aux jeunes enfants où la maîtrise du geste est aussi précaire que l’instabilité omniprésente. Il est drôle. Ses bras sont fléchis et il balance ses pieds vers l’avant avec déséquilibre l’un après l’autre, comme un funambule poursuivant un ballon imaginaire. Les chutes sur le derrière ne sont pas rares, mais à aucun moment il ne manque de persévérance.

Le docteur Ravi a donc été une nouvelle fois surprise lors de sa dernière consultation. C’est indéniable, Elïo a de l’avance sur les acquisitions psychomotrices. Pourtant, pour ses premières semaines, j’avais quelques doutes sur son potentiel.

Je suis perdu dans mes pensées au milieu du couloir. L’image du grand gymnaste de Camargue, qu’il pourrait devenir, réapparaît dans mon esprit. J’espère que la pédiatre ne lit pas dans les pensées et que, lors de la consultation des six mois d’Elïo, elle ne m’a pas sondé les méninges en pleine divagation. Elle pourrait croire que l’on stimule un peu trop notre enfant à des fins extrêmes.

  • Qu'est-ce que tu fais ? m’interpelle Julie depuis la chambre tout en finissant de mettre des boucles d’oreilles.

Je secoue la tête.

  • Rien. Je … Je me demandais si le docteur Ravi ne se poserait pas des questions sur le traitement que l’on délivre à Elïo. Il progresse rapidement. J’espère qu’elle ne pense pas qu’on le pousse un peu trop ou qu’on le maltraite. Je devrais l’appeler tu crois ?
  • Mais non, Julien. Comment veux-tu qu’elle pense qu’il est maltraité alors qu’il ne cesse de sourire, de se développer et de s’éveiller ? Finis de te préparer, veux-tu? Ton père ne devrait pas tarder.

Je m’exécute. La soirée est déjà bien entamée et il ne faut pas traîner. Nous nous autorisons une sortie avec Julie. Un dîner en tête à tête. Ce genre de plaisir n’était plus vraiment au goût du jour ces derniers mois et, maintenant qu’Elïo est un peu plus grand, nous avons moins d’appréhension à le confier à une autre personne, qu’il fût ou non de la famille.

Mon petit papa n’attendait que ça. Garder son petit-fils toute une soirée est pour lui une faveur inestimable, lui qui passe la majorité de ses soirées à lire un roman policier ou à faire des mots fléchés. Je n’ose m’imaginer être à sa place. La solitude m’effraie, mais pas lui. Il est veuf depuis de nombreuses années déjà. C’était il y a quinze ans maintenant que ma chère maman nous a quittés. Je pense à elle toutes les semaines et je sais qu’elle veille sur nous, mais surtout sur lui.

Julie est dans le séjour et s’occupe du petit. Je finis de m'apprêter quand j’entends un moteur de voiture se garer devant la maison.

  • Ton père est là ! crie-t-elle.
  • Je me dépêche.

Je regarde mon profil dans notre grand miroir de la chambre. Je porte une chemise blanche classique que j’ai rentrée dans un pantalon en chino noir. Ça devrait faire l’affaire.

Je me dirige ensuite vers le séjour où mon père embrasse Julie et Elïo qu’elle porte dans les bras.

  • Salut Christian.
  • Bonjour Julie. Et bonjour Elïo, mon petit prince des étoiles !

Mon père ne manque pas de réaliser des grimaces guillerettes à quelques centimètres du visage du petit. Un doigt dans la bouche, ce dernier lui répond d’un sourire.

  • Qui c’est qui va faire la fête avec papi ?

Les contorsions musculaires ne lâchent pas le visage de papa.

  • Je compte sur toi pour respecter certaines règles, lui dis-je entre deux bises.
  • Tu aurais pu me le dire avant, j’ai oublié mon équerre.

Je fixe le regard malicieux de mon père qui me rend la pareille armé d'un petit rire. Un silence s'installe entre nous quatre et je ne peux réfréner un sourire à mon tour. Bien joué, papa. Il n'y a rien à redire, je t’embrasse maman, mais nous savons tous de qui je tiens le plus. Même Elïo semble de la mise puisqu’il exprime un son aigu enjoué.

Mon père le prend dans ses bras.

  • Oui tu as raison Elïo, on va bien s’amuser avec papi. Ne t'en fais pas Julien, tu es peut-être fils unique, mais j’ai eu assez d'expérience. Nous avons eu fort à faire avec ta mère avec un seul enfant comme toi.

Avant de partir, nous donnons tout de même quelques précisions à notre baby-sitter familial. Le biberon ainsi que la purée maison sont dans le frigo, l’heure du coucher est prévue à dix-neuf heures trente, etc.

  • Si tu as un souci, tu m'appelles sur mon portable.
  • Oui, mon fils. Allez, partez avant que je ne change d’avis, répond mon père en faisant un clin d'œil à Julie.
  • Merci Christian, à toute à l’heure !

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