Chapitre 16

6 minutes de lecture

Mai 2030



  • Attend-moi garnement, je ne vais pas aussi vite que toi !

Elïo court dans le jardin en tous sens en direction du potager, une petite pelle à la main. Il est impatient.

  • C’est toi le garnement papi ! répond-il avec amusement après s’être retourné.
  • Y a pas le feu au lac, elles vont avoir le temps de pousser tes tomates et même plus vite que toi petite canaille !

Christian précède Elïo d’une bonne vingtaine de mètres. Son souffle est court, mais il suit son petit-fils de cinq ans et partage son enthousiasme malgré ses bougonnements. Le potager, dont la surface fait trois mètres sur huit, se trouve derrière le domicile de la famille Sol. La terre a été préparée par Julie et Julien le week-end précédent.

  • Dépêche-toi papi !
  • Tes parents m’ont dit que tu avais un don avec les plantes… mais ils ont oublié de dire que tu étais intenable, halète-t-il.

Le bonheur se lit sur le visage d’Elïo. En ce bel après-midi, avec l’aide de Christian, il va planter des pieds de tomates. Ce n’est pas la première fois qu’il s’adonne à la culture ou à la plantation, mais partager cette expérience avec son grand-père est source pour lui d’une joie immense. L’année dernière, il a aidé Julie pour mettre en pot le jeune citronnier qu’elle a eu pour son anniversaire. Il ne lui en a pas fallu plus pour manifester un intérêt sans limite au règne végétal. Il a pris soin de l’arbuste comme un enfant le ferait avec un doudou. Outre l’arrosement et le taillage, il lui est même arrivé de l’écouter selon ses dires.

  • Allez fiston, va chercher les pieds de tomates, ils sont dans le cabanon.

Elïo repart en courant pour assurer sa nouvelle mission et revient très vite avec son butin.

  • J’ai tout papi !
  • Très bien, très bien, on va pouvoir commencer, met toi à genou comme moi.

Christian donne les directives à Elïo, et ensemble ils creusent dans la terre pour accueillir les dix pieds de tomates.

  • Prend le seau que j’ai amené et va chercher un peu de compost de tes parents, s'il te plait mon grand.

Elïo s'exécute, quand Christian, qui vient de creuser le dernier trou, s'essuie le front et redresse la tête à la recherche d’un peu d’air. Très vite, son petit-fils revient en portant à deux mains le seau rempli à ras bord, qu’il dépose aux côtés de Christian.

  • Tu l’as bien trop rempli. Je t’avais dit un petit peu.

Il regarde une nouvelle fois le contenant prêt à déborder.

  • Comment as-tu fait pour le porter ?

Elïo n’écoute plus et est déjà en train d’installer un plant de tomate dans son lit de terre.

  • Attend Elïo, approche. Discutons un peu d’abord veux-tu ? Sais-tu pourquoi nous plantons les tomates à cette période et ce que sont les Saints de glace ?

Elïo qui s’est rapproché de son grand-père, incline sa tête dans un sens, puis dans l’autre avec une attitude guillerette.

  • Je ne sais pas ce que c’est les Saint de glace, mais… mais les tomates me l’ont dit que c’était la bonne période.
  • Oh les tomates te l’ont dit, répond Christiant d'un petit rire moqueur. Si tu sais déjà tout, je n’ai plus rien à t’apprendre.
  • Mais si papi, dis moi tout !
  • Oh tu veux tout savoir maintenant.

Christian attrape Elïo par les flancs et lui chatouille les côtes. Ce dernier, hilare, tente de se débattre.

  • Arrête papi, s'il te plait, arrête, s’esclaffe-t-il avant que son tortionnaire ne daigne stopper son attaque.
  • Écoute moi maintenant. Pour résumer, les Saints de glace représentent la fin de la période de gel. Et toi qui sais tout, tu dois savoir que le gel est l’ennemi juré de nos amis tomates.

Elïo opine.

  • Allez, trêve de bavardage, il est temps de planter nos chères tomates . Tu vas déposer un pied dans chaque trou que tu reboucheras ensuite à moitié par la terre que nous avons retirée et à moitié par le compost que tu as …
  • Ok papi !
  • Attend encore une minute. Tu es plein de fougue, c’est bien, il faut de l’énergie pour réussir dans notre monde, mais écoute ceci : une petite impatience ruine le plus grand des projets. Alors avant de te précipiter écoute les conseils de ton papi fatigué.

Les lèvres d’Elïo se pincent et ses mains se recroquevillent l’une dans l’autre

  • Je t’écoute papi.
  • Alors… Pour renforcer la pousse des tomates, nous allons retirer les premières feuilles du bas et enterrer une bonne partie de la tige. Vois-tu tous les petits poils blancs le long de la tige ? Sous la terre ils se transformeront en une multitude de racine.

Elïo opine.

  • Dernière chose. Malgré toutes ces futures racines, la tige des tomates reste fragile alors il est nécessaire de soutenir leur croissance par une tuteur que nous allons coupler à chaque plantation.
  • Tu en sais des choses papi.
  • C’est grâce à mon vieil âge que je sais tout ça, et malgré toutes mes années d'expérience il y a beaucoup de choses que j’ignore. Chaque jour est un puits infini de découvertes pour qui cherche à s’éveiller.

Elïo regarde Christian de ses grand yeux. Son attention est captivée par les paroles de son grand-père, et de la part d'un enfant le respect n’est jamais autant démontré que par son silence.

  • Le peu que je sais, je te l’offre, tout comme mes parents et mes ancêtres avant moi. Il n’y a rien de plus noble que d'enseigner son savoir à son prochain, même la plus infime des connaissances te fera grandir alors sois prêt à apprendre de tout un chacun. Aujourd’hui c’est toi qui hérite de ces quelques connaissances. Retiens-les bien.

Elïo continue d’écouter. Il intègre. Il n’oubliera jamais ce discours de son grand-père adoré.

  • Tu es le meilleur papi !

Christian rit avant de répondre avec entrain : « Allez, maintenant c’est parti mon grand ! »

Grand-père et petit-fils s’affairent pour donner corps entre terre et végétaux. Il ne leur faut pas beaucoup de temps pour terminer l’opération. Avant de se redresser pour évaluer son travail, Elïo pose sa main quelques secondes sur la terre, à tour de rôle, au pied de chaque plant. Il n’émet aucun son et scrute avec attention chaque tige végétale.

  • Tu bénis les tomates ?

Elïo ne répond pas. Christian le regarde immobile et ressent un impact humide sur son crâne. Il porte son regard en l’air. Quelques gouttes de pluie s'invitent au cadre printanier de ce milieu d’après-midi.

  • Dépêche-toi Elïo, rentrons à la maison ou nous finirons tremper, dit Christian en lui tendant un bras.

Son petit-fils obéit. Il se redresse, se dirige vers son grand-père et lui attrape la main. À l’instant-même où leurs doigts s’empoignent, un courant fugace traverse Christian. Il ne s’agit pas d’électricité statique qui peut survenir lorsque deux personnes se touchent. C’est différent. Aussi imperceptible qu’indolore et aussi transfixiant qu’interpellant.

Christian qui s’était élancé vers la maison, au moment où il attrapait la main d’Elïo, se tourne vers lui. Son petit-fils le regarde de ses grands yeux. Ces mêmes-là oscillent de bas en haut, puis de haut en bas à plusieurs reprises quand Elïo se jette brusquement contre la cuisse de son grand-père qu’il enlace fermement.

  • Et bien, et bien, Elïo, que t’arrive-t-il ?

La tête de son petit-fils est collée contre lui. Il relève ensuite le menton vers-lui pour lui dire d’une petite voix :

  • Je t’aime papi.

C’est soudain et aussi désarçonnant qu’adorable, alors Christian se penche à sa hauteur pour lui répondre d’un large sourire.

  • Je t’aime aussi mon petit Elïo. Rentrons vite, je suis sûr que ta maman nous a réservé un succulent goûter !

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