Chapitre 3 : Changement de programme

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Arrivé à l’agence, Hugo salue ses collègues et s’installe à son bureau lorsque son téléphone vibre dans sa poche.

« Salut, Hugo, c’est Reynald. J’aimerais t’inviter à boire un verre après le boulot. Ce soir, dix-huit heures ? Tiens-moi au courant. Bise. »

« Une invitation succincte, tout en retenue, et il n’y a pas de fautes d’orthographe. Je peux toujours lui donner une chance ? », pense Hugo en hochant la tête.

Son patron passe soudain la tête dans l’entrebâillement de la porte, l’interrompant dans sa réflexion.

— Bonjour, Hugo. Puis-je te parler une seconde ?

— Bonjour, Bertrand. Évidemment, entrez.

Hugo lui offre un siège et le charmant quarantenaire s’y installe.

— J’ai une mission un peu… particulière à vous proposer.

— Bien sûr, de quoi s’agit-il ?

— Eh bien…

La gêne sur le visage de Bertrand fait aussitôt naître une boule d’appréhension dans le ventre d’Hugo, qui envisage le pire.

— L’une de nos collègues de notre agence d’Albertville doit… quitter son poste… inopinément… j’aurais besoin de vous pour la remplacer au pied levé.

— Albertville ? Ce n’est pas la porte à côté…

— J’ai pensé que cette mission vous conviendrait. Vous êtes jeune, sans véritables attaches…

Hugo fronce les sourcils.

— Mais j’ai ma vie ici, à Lyon.

— Oui, bien sûr. Mais cette mission n’est que temporaire. Le temps pour nous de recruter et de former un nouvel agent.

— Combien de temps ?

— Entre deux… et six mois…

Hugo écarquille les yeux, manquant de s’étouffer avec sa propre salive.

— Six mois ? Vous n’êtes pas sérieux ?

— Malheureusement… si… mais tous vos frais de déplacement seront pris en charge par la société, et nous vous fournirons un véhicule ainsi qu’un logement durant toute la durée de votre mission. Vous êtes le seul à qui je puisse demander. Tous vos collègues sont mariés ou ont des enfants à s’occuper…

La boule dans le ventre d’Hugo s’est transformée en un pincement au cœur.

« Merci de me rappeler que je suis seul, connard ! » fulmine-t-il intérieurement.

Son patron lui semble désespéré. Hugo se radoucit en réalisant qu’il peut tirer avantage de son désarroi.

— Est-ce que vous envisagez une augmentation ?

Son patron fronce les sourcils avant d’esquisser un sourire du coin des lèvres.

— Si vous acceptez, je vous offre une augmentation mensuelle permanente de 5 %.

Hugo hésite, jauge son supérieur avec attention.

— Montez à 10 % et j’accepte.

Son patron hausse les sourcils, surpris et impressionné par ses talents de négociateur.

— Marché conclu, lance-t-il en se levant de son siège et en tendant la main.

— Parfait, ajoute Hugo en la lui serrant avec vigueur.

Au moment de quitter le bureau, son patron se ravise.

— Une dernière chose, Hugo. Vous commencez lundi matin.

— Ce lundi ? Vous voulez dire… dans deux jours ?

— Exactement. Je vous apporterai personnellement les documents ainsi que les clés de votre véhicule et de votre logement dans la journée.

Hugo acquiesce, partagé entre la précipitation et le bouleversement que cela va engendrer dans son quotidien.

— Y a un truc qui va pas ?

Hugo lève un regard incertains vers Joris, qui le gratifie d’une grimace, la bouche pleine d’un énorme morceau de pizza.

— Bon sang, tu peux manger proprement, s’il te plaît ? souffle Hugo en levant les yeux au ciel.

— Y a définitivement un truc qui va pas. T'adores nos vendredis soir pizzas d’habitude, reprend Joris en s’essuyant avec une feuille d’essuie-tout. Vas-y, accouche !

Hugo repousse son assiette et pose son visage dans ses mains, les coudes sur la table. Il soupire, puis se radoucit devant la mine inquiète de son meilleur ami.

— C’est le boulot… mon patron m’oblige à remplacer quelqu’un dans notre agence d’Albertville, et je pars lundi…

— Albertville ? s’étonne Joris. Et t’y restes longtemps ?

— Entre deux et six mois…

— Putain de bordel de merde !

En remarquant l’expression de détresse sur le visage d’Hugo, Joris se frotte la nuque et tente de le rassurer.

— Ils ont organisé les J.O là-bas… une fois… ça peut qu’être sympa ! Pis l’air de la montagne te fera du bien.

Joris tend le bras et donne une tape amicale sur l’épaule d’Hugo, qui lui sourit, reconnaissant l’effort.

— En plus, c’est à moins de deux heures de route, tu pourras rentrer le week-end et on pourra venir te voir. Oh oui ! On ira faire du ski tous ensemble ! Cool, non ?

Cette perspective étire un large sourire sur le visage de Joris.

— Qui ça, "tous ensemble" ? s’inquiète déjà Hugo.

Joris fronce les sourcils en se concentrant pour répondre. Hugo éclate de rire devant sa tête de constipé coincé aux toilettes.

— T’es trop mignon quand tu réfléchis, on dirait que tu vas te faire dessus.

— J’avoue qu’en dehors de quelques collègues de boulot, personne ne me vient en tête…

Le regard du beau Joris se fait soudain plus coquin.

— Je peux demander à Reynald, lance-t-il sur un ton mielleux. Je suis sûr… non, certain qu’il sera intéressé par cette "opportunité", ajoute-t-il en appuyant ce dernier mot et en haussant les sourcils, le regard de biais.

Hugo rougit, lève les yeux au ciel et secoue la tête en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille.

— Je vois pas de quoi tu parles…

— Arrête de faire ta prude, il m’a soulé toute la journée ! "Et pourquoi Hugo me répond pas ?" et bla bla bli et bla bla bla !

— Tu lui as dit quoi ?

— Je lui ai proposé un p’tit moment détente dans les douches des vestiaires, mais il a répondu qu’il se réservait pour toi. Je crois qu’il est accro.

Joris attrape une part de pizza et croque un morceau aussi large que sa bouche.

— J’hésite… reprend Hugo en fronçant les sourcils. J’avoue que c’est un beau garçon, et vu ce que tu en dis, ses performances ne sont pas à prouver, mais…

Joris l’interrompt en levant les yeux au ciel.

— Mais quoi, Hugo ? C’est quoi le problème cette fois ?

Il croise les bras devant lui et hoche la tête, les yeux écarquillés et accusateurs braqués sur Hugo.

— Bah… est-ce que c’est le bon moment ? J’veux dire, je pars pour un moment alors… une relation à distance, est-ce que ça vaut le coup ?

Joris se redresse, l’air surpris.

— Oh… j’ai cru que t’allais trouver une de tes excuses bidons pour le ghoster.

— Une de mes quoi ? s’étonne Hugo, l’air effaré.

— Ne fais pas l’innocent, tu sais parfaitement de quoi je parle, ajoute Joris en secouant la tête. Pierre et ses grands pieds. Jordan et sa barbe qui te grattait. Kevin et son déo qui te donnait soi-disant des allergies. Et le pompon : Hakim, le plus beau mec que j’ai jamais vu et à qui tu reprochais, et je te cite, "qu’il mettait trop de gel dans ses cheveux" !

Gêné, Hugo baisse la tête en serrant les lèvres.

— Tu es le pro pour t’inventer des problèmes imaginaires, avoue-le.

Hugo soupire et lève les yeux au ciel en secouant la tête.

— Oui, j’avoue ! C’est bon… c’est juste que…

Hugo hésite, ses joues rosissent et il se racle la gorge nerveusement.

— Je suis nul pour rompre… je déteste avoir à faire ça alors j’invente des excuses…

Joris éclate de rire et manque de tomber de son siège. Hugo se renfrogne, croise les bras devant lui et détourne le regard.

— Oh bon sang ! Arrête ! Tu vas me tuer ! s’esclaffe Joris en se tenant le ventre, le visage inondé de larmes. Tu veux dire que c’est ça ta façon de rompre ? Je croyais juste que tu faisais ton difficile, s’avaient l’air d’être des types cool. Enfin, Hakim, j’en suis sûr, je me le suis tapé le soir même, donc…

— Alors qu’on venait juste de rompre ? T’es gonflé, reprend Hugo sur un ton faussement choqué.

— Fais pas genre, tu l’as jeté comme une merde, il fallait bien que quelqu’un le console.

— Oh ! Pardonnez-moi, Mère Teresa des tarlouzes ! lance Hugo en agitant les mains devant lui.

Le silence retombe et tous les deux échangent un regard plein de sous-entendus. Subitement, ils éclatent et leurs rires inondent le salon.

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