Chapitre 7 : Le Grand Ordonnateur et Ivalice tremblante

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— Où suis-je ?

Saisie d’un mal de tête comme elle n’avait jamais eu, Sentia se releva lentement du champ de ruines où elle se trouvait. Autour d’elle, un ensemble de bâtisses abandonnées surplombait le paysage désolé depuis sans doute des centaines d’années, et des oiseaux croassaient au-dessus de la mer.

La mer ?

— Bienvenue aux Cataractes de Ridorana. Vous êtes sur le terrain du Lion.

— Cancer, Lion, … ? comprit la jeune femme en secouant la tête. Je ne veux rien savoir de la bestiole qui va suivre. Dis à tes amis Occurias de remballer leur marchandise là-haut et de ne plus m’embêter !

La fillette semblait sourire.

— Le prochain apôtre ne sera pas celui que vous croyez. Ne vous en faites pas, dit-elle chaleureusement.

La mer de Naldoa était calme, ce jour-là. Sentia se sentit légèrement revigorée, par rapport aux débuts des autres combats. Au loin, le Phare de Ridorana était visible, dominant toute l’île de ses pierres antiques et ses chutes d’eau spectaculaires. Elle se mit à marcher, et se rendit compte très vite que ses blessures étaient loin d’être cicatrisées.

— Comment ai-je pu faire une chose pareille ?

Elle s’arrêta pour compresser ses chevilles et, surtout, ses poignets, afin d’atténuer un petit peu la douleur.

— Ne vous inquiétez pas, lui dit la fillette en posant un bras invisible autour de ses épaules. C’est désormais du passé. Et puis, vous m’avez sauvée, ce jour-là.

Sentia sourit, mais son sourire devint bientôt moqueur :

— Dis donc toi, tu es devenue bien câline par rapport au début ! Tu as l’air de drôlement tenir à moi. Est-ce uniquement parce que je t’ai sauvée ?

— Bien sûr que non ! avoua l’autre. Mais ce n’est pas…

Soudain, la terre se mit à trembler. Comme avec Zéromus.

Immédiatement, elles se mirent en route pour le Colisée, se rapprochant du Phare.

— Il est là !

Une créature terrorisante se tenait au centre de la zone. Le monstre avait, comme les autres, une forme vaguement humanoïde, ainsi que des sabots en guise de pieds. Mais le détail qui acheva d’épouvanter la jeune femme était ses bras : chacun d’eux était un gigantesque crochet juxtaposé à une sorte de tunnel recourbé, décoré de symboles géométriques. Pour finir, la tête du Lion était ornée d’une longue crinière blanche et de défenses orangées.

— Vous parliez bien de la terre, la dernière fois ? questionna la fillette en s’élevant davantage au-dessus du sol.

— Oui, pourquoi ? fit Sentia en évitant tant bien que mal de chuter.

— Eh bien, regardez…

Aussitôt, un rocher d’un mètre cube apparut de nulle part au-dessus de sa tête.

Sentia hurla mais ne put éviter le bloc entièrement, et celui-ci vint s’écraser sur son bras gauche.

— Tu n’étais pas obligé de commencer par ça, Hashmal… protesta le fantôme en s’approchant de l’éon.

Mais celui-ci s’agitait sans cesse et faisait apparaître d’autres rochers, plus ou moins éloignés de la combattante.

— Qu’est-ce que tu as aujourd’hui ?

Sentia se releva péniblement et les rejoignit au centre du Colisée.

— Regardez, Madame ! Ses bras…

Elle observa attentivement Hashmal et s’aperçut que ses bras étaient liés par d’énormes menottes.

— Pouvez-vous le libérer, s’il vous plaît ? supplia la jeune fille.

— Pour qu’il m’attaque dans la foulée ? Non merci ! Et puis, je n’ai plus qu’un seul bras qui puisse frapper fort.

Mais la petite colla ses deux mains de lumière et s’agenouilla devant elle. Pourquoi ces créatures belliqueuses étaient-elles si importantes pour elle ?

La jeune femme soupira, fit apparaître son épée à deux mains, prit son élan et cassa la chaîne des menottes en deux. Une seconde plus tard, le crochet d’Hashmal était enfoncé dans son flanc.

— Oh non ! s’écria la fillette, se rapprochant et s’éloignant tour à tour de la scène.

Des larmes de douleur s’échappèrent des yeux de Sentia tandis qu’elle arrachait le bras de la bête qui la tenait. Elle recula aussitôt, tituba mais tenait bon. Il fallait continuer. Le combat était loin d’être terminé. Elle respirait profondément, paniquée à propos du prochain choix à faire. Défendre ? Et s’il créait un nouveau séisme ? Attaquer ? Avec quelles forces ?

Tout à coup, Hashmal se rua vers elle, défenses en avant. La jeune femme serra un katana dans sa main droite et commença ses assauts, après avoir évité ceux du monstre.

« Ça ne suffira pas… » se dit-elle. « Les dégâts que je fais de cette manière sont ridicules ! »

L’éon fit apparaître de nouveaux rochers, tout en tentant de l’atteindre avec ses crochets, et Sentia esquiva les uns puis les autres du mieux qu’elle put.

— Bien ! l’encouragea le spectre.

Elle poursuivit ses attaques physiques avant de prendre une grande inspiration et de questionner tout haut :

— Est-ce que la magie fonctionne ici, cette fois ?

— Je n’en sais rien. Vous pouvez toujours essayer ! répondit la jeune fille en haussant les épaules et tournoyant loin d’elle.

Aussitôt dit, la jeune femme expira le plus lentement qu’elle put et pensa exclusivement aux particules qui entouraient son corps, tendant son bras et fermant les yeux. Peu à peu, une masse d’air s’accumula au bout de ses doigts.

— Formidable ! commenta la fillette en revenant en trombe.

La tornade miniature gagna en volume, et avant qu’Hashmal eût même tourné sa tête vers elle, Sentia s’élança à une vitesse phénoménale avant de lui décocher un coup de sabre dans le dos.

Planant au-dessus de l’ouragan qu’elle avait créé, la combattante avait beaucoup plus de marge pour esquiver les coups furieux du Lion, ainsi qu’une tranquillité définitive en ce qui concernait les séismes que ce dernier créait. Elle rejoignit la fillette dans les airs et considéra la situation.

— Il vaut mieux que je change d’endroit, conclut-elle.

— Pourquoi ? demanda sa compagne.

Sentia ne répondit pas et vola à toute vitesse vers le Phare. Cependant, la célérité de l’éon n’était pas en reste, et, pas après pas, il la rejoignit bientôt au pied de l’immense construction séculaire. Elle choisit de se placer de l’autre côté de son adversaire et lança un sort d’air dans sa direction. Hashmal le balaya d’un geste de son double bras, puis chargea ce qui semblait être une attaque magique dans l’un de ses tunnels. La jeune femme décida d’éviter en prenant de l’altitude, et s’éleva au niveau du premier étage du Phare. Cependant, le canon chargé, l’éon, doté d’une gravité digne de Zéromus, plaça patte après patte sur le mur extérieur du Phare et grimpa avec agilité jusqu’à sa hauteur.

Affolée, Sentia lui lança un sort d’air à la figure, qu’Hashmal reçut de plein fouet. Visiblement, cela était très efficace, car cette fois-ci, c’était lui qui fuyait. Parcourant étage après étage les lieux les plus mystérieux et dangereux de Ridorana, femme et monstre se poursuivaient, évitant vieilles pierres et chutes d’eau, montant toujours plus haut.

Bien décidée à attraper sa cible, la mage noire lançait des sorts d’air en rafale, que le monstre esquivait en majorité. Pour mieux viser, elle se déplaça latéralement, mais Hashmal l’imita, dans la direction opposée, et parvint à s’en sortir. Les deux adversaires se mirent ainsi à tourner autour du Phare, sans cesser leur ascension folle.

Soudain, un rocher se détacha de la partie de la tour au-dessus de Sentia, et se dirigea droit sur sa tête. Elle ne put l’éviter mais comprit que les pouvoirs de l’éon englobaient plus qu’elle ne le croyait. Reprenant ses assauts, Hashmal lançait tour à tour des rochers du Phare et des petits blocs de pierre à très grande vitesse depuis ses canons. À son tour, la combattante parvint à éviter la plupart d’entre eux, et concentra son regard sur le sommet. Peu après la Spirale des Cieux, cette zone aux multiples téléporteurs, elle s’arrêta net et amassa de nouveau une grande quantité d’air près de son bras droit. Lorsque le monstre s’arrêta en face d’elle, profitant du répit pour préparer une attaque, Sentia déchaîna aussitôt le flux qui lui avait permis de s’élever quatre-vingt-dix étages au-dessus du sol.

Hashmal fut propulsé à l’intérieur du Phare, et Sentia sur le point de chuter. Prise de terreur, elle s’accrocha à la première pierre qu’elle vit et demeura un instant sur le bord du bâtiment. L’éon ne bougeait plus. Elle avait terminé. Tremblante, elle passa une jambe à l’intérieur de la pièce, puis l’autre. Pourquoi ne se transformait-il pas ? Avait-il encore de l’énergie ? Elle se prépara à réattaquer, formant une boule d’air au creux de sa main droite, et s’apprêtait à la lancer lorsque la pièce s’illumina.

Sentia recula, effrayée de toutes les particules éparpillées à travers l’espace où elle se trouvait, mais se rendit vite compte qu’en contrepartie, l’éon avait disparu. Elle s’approcha du lieu où il se trouvait, sourit et se baissa pour ramasser le médaillon.

— Je ferais mieux de rentrer par un autre moyen que celui par lequel je suis arrivée… pensa-t-elle tout haut. Ce mal de tête accentué par le vertige que j’aurai ne me servira pas beaucoup…

Fort heureusement, une dalle ascensionnelle se trouvait en face de la pièce, et la jeune femme put redescendre au niveau du rez-de-chaussée. Marchant lentement, elle quitta le Phare et se mit en route vers le bord de l’île, collé aux chutes que formait la mer de Naldoa.

— Vous auriez pu en finir beaucoup plus vite, se plaignit le fantôme lorsqu’elle la rejoignit.

— Eh bien enfin, je te retrouve ! lui dit Sentia avec une grimace de dépit.

Se tournant vers la mer, elle serra le médaillon contre elle et l’enfila avec les autres. Sa tête lui faisait terriblement mal. Mais pas autant que la situation dans laquelle Il l’avait mise, et qui était irréversible.

— Je veux mourir !

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