L'or noir
de Valériane San Felice
Je me lève mais un souffle glacial m'enveloppe. Sur la chaise à n'en pas douter, je parviendrais à trouver mon vêtement de survie. Trois pas alignés avec une dextérité digne d'un ivrogne. Et là, rien. Je sens mon corps se transformer en glaçon, lorsque du coin de l'œil je l'aperçois, négligemment coincé sous le lit. Ou devrais-je dire, à l'autre bout du lit. Un monde entier à traverser dans ce froid polaire.
Je mobilise mes ressources, je suis un guerrier, je ne lâcherai pas. Je progresse avec ténacité jusqu'à l'autre extrémité. Je tends mon bras autant que cela m'est possible.
Mes muscles sont étirés à l'extrême, mais le jeu en vaut la chandelle puisque je ramène contre moi l'objet salvateur. J'enfile mon peignoir, puis je m'accorde quelques respirations, le temps que la douce chaleur se diffuse dans tout mon corps. Je ne suis plus en situation de danger mortel mais cela n'est pas suffisant.
J'ouvre ensuite la porte et là, un flash m'éblouit. Qui a bien put changer l'ampoule et mettre un phare de voiture à la place ? Je fais un pas chancelant, les yeux presque clos, mais j'ai besoin de chaleur.
Je prends mon courage à deux mains pour traverser la maison jusqu'à la machine à expresso. Le meilleur moyen de fournir l'énergie suffisante pour me réchauffer. J'ai traversé tout le couloir lorsque soudain un poids me fait presque chuter en arrière. Le toit s'est-il d'un coup effondré ?
— Papa !
Non, c'est mon fils qui vient me saluer. Son énergie est déjà chargée au maximum alors que la mienne reste avec obstination sur "Low battery". Je puise dans le peu de force que j'ai récupéré pour lui rendre son étreinte. Je vais même jusqu'à lui ébouriffer les cheveux. Puis, je reprends ma route suivi par des attaques éclairs telles que "Papa, viens voir ma construction, j'ai fait un super vaisseau !" ou "Papa, tu me fais ma tartine?". Je sors ma cape d'invisibilité et je fonce jusqu'à la machine. Enfin plutôt, je marche tel un zombie qui n'aurait pas consommé de chair fraiche depuis au moins trois jours.
Arrivé au bar, mon corps bascule et je vois le sol se rapprocher dangereusement. Mon chat qui vient me saluer. Deux caresses servent de droit de passage. Je continue ma quête. Arrivé devant l'objet salvateur, un cri perçant retentit :
— Chéri, tu peux me faire un café aussi s'il te plait ?!
Ma femme, qui n'a pas encore compris après tant d'années que je ne serai opérationnel qu'après ma dose de caféine ingérée. Si je ne réponds pas, une nouvelle attaque va déferler :
— Grrmmpfff.
— Ok, j'ai compris je m'le fais moi-même.
— Grmpf, mff...
Elle est d'une telle vivacité qu'elle a le temps de sortir une tasse, parcourir la distance qui la sépare de la machine et poser son contenant avant que je n'ai pu abaisser mon bras déjà armé du petit réservoir. Je suis au bord de l'épuisement. Au moment où mon corps m'informe qu'il va s'écrouler, le dispositif se libère et je pose ma tasse aussi vite que je peux. Instinct de survie. J'appuie sur le bouton.
Tuut i tuut
Plus de grains...
J'abandonne retour au lit.
— Papa, tiens le café, la machine fait le bruit qui dit qu'y'en a plus.
Mon petit bienfaiteur. Je prends le sac et verse abondamment l'or noir dans la réserve. La moitié se déverse à côté mais je suis trop amorphe pour m'en préoccuper. Le chat joue à les faire glisser sur tout le sol de la cuisine. Pas la force de regarder, je reste concentré. Je ferme le capot, j'appuie sur le bouton.
Ahhhh, la douce mélodie du liquide en préparation.
AÏe !!! ¨Putain de chat qui a pris mon doigt de pied pour un grain de café ! Je vais le but..!
Tilulit.
Mon café, sauvé !
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