Une promesse brisée

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- Votre Altesse ! Il est l'heure de vous lever.

J'ouvre doucement les yeux. Ma domestique se tient debout au pied de mon lit à baldaquins. Je me redresse et m'étire longuement, tandis qu'elle déclare :

- Dépêchez-vous, de grâce ! Vous savez qu'aujourd'hui est un jour important, vous ne devez surtout pas être en retard.

- Oui, je sais, dis-je en repoussant les draps bleus et blancs. Est-ce qu'il est rentré ?

- Vous voulez parler de Sa Majesté le roi ?

Je hoche la tête, pleine d'espoir. Elle me répond avec un air désolé :

- Non, pas encore.

Je baisse la tête, profondément déçue. Il devait être là ! Il m'avait promis d'être présent aujourd'hui ! J'ai envie d'éclater en sanglots, mais ma fierté m'en empêche. Je suis la princesse du royaume de l'eau, je dois rester forte et digne ! Je ravale donc les larmes qui commencent à embuer mes yeux en fermant ces derniers et prends une grande inspiration pour retrouver mon calme.

Je les rouvre ensuite et pose mes pieds sur le doux tapis bleu brodé d'argent et suis ma femme de chambre jusqu'à la salle de bain. Là, elle m'aide à ôter ma longue chemise de nuit blanche serrée au-dessous de la poitrine par un ruban couleur cyan. Je me glisse ensuite dans la baignoire en argent pleine d'eau chaude parfumée aux fleurs de lotus.

La domestique savonne ma longue chevelure blonde ondulée, puis frotte ma peau blanche. Elle rince le tout et m'enveloppe d'une serviette. De mon côté, je me sers de ma maitrise du feu pour augmenter la température de mon corps et sécher plus rapidement. C'est ma mère qui m'a appris cette astuce et elle est drôlement pratique.

Nous nous rendons ensuite dans ma garde-robe où ma femme de chambre m'aide à enfiler une chemise blanche et des bas blancs. Elle attache ces derniers avec des jarretières bleu clair et me met une longue robe dont la couleur est identique à celle de l'océan. Elle est ornée de fines broderies et de rubans argentés.

J'enfile des souliers en argent incrustés de perles blanches avant de m'installer à ma coiffeuse. Ma domestique peigne mes longs cheveux dorés, puis en attache une partie en élégantes couettes, qu'elle maintient à l'aide de rubans argentés, laissant la majorité de ma chevelure tomber jusqu'au bas de mon dos. Elle m'applique ensuite du rouge à lèvres rose, du blush, du mascara pour mettre en valeur mes longs cils noirs et du fard à paupières bleu clair.

Elle range le maquillage et s'empare de boucles d'oreilles en argent au bout desquelles pendent des perles blanches pour les fixer à mes lobes. Elle entoure mon cou d'un collier du même métal aux pendantifs en spahir et pose un diadème assorti sur ma tête. Quelques bagues ornées des mêmes pierres précieuses viennent habiller mes doigts.

Elle me tend mon éventail en plumes de cygne et déclare :

- Vous voilà enfin prête, Votre Altesse ! Vous êtes absolument ravissante !

- Je vous remercie, Katara.

- Je vous en prie, Votre Altesse, répond-elle en me faisant la révérence. C'est un honneur que de vous servir.

Je lui adresse un petit sourire avant de quitter ma garde-robe et sors de mes appartements pour me rendre dans la salle du trône. Je traverse les couloirs où je ne croise que quelques servants qui s'inclinent à mon passage et descends l'escalier principal. Une fois arrivée devant les deux grands portes en saphir, les gardes qui se tiennent de chaque côté de l'entrée m'ouvrent les battants et j'entre dans la salle du trône.

Elle est décorée de guirlandes bleues et blanches ondulées, qui rappellent les vagues de la mer. Deux longues tables garnies de nourriture sont alignées contre chaque mur. Un orchestre se tient dans un coin, prêt à jouer et tous les courtisans et courtisanes du château sont là. À mon entrée, ils m'adressent une révérence. J'avance lentement jusqu'à notre reine, qui est installée avec grâce dans son somptueux trône en argent orné de saphirs. À ses côtés se tient une femme aux longues boucles blanches et aux yeux bleu ciel. Je la reconnais : il s'agit de la gardienne de la cité de l'air Éoline. Elle est déjà venue à tous mes précédents anniversaires. Elle est accompagnée d'un garçon aux cheveux blancs bouclés et aux yeux du même bleu que les siens. Il lui ressemble vraiment beaucoup. En revanche, je ne le connais pas.

Une fois arrivée en bas des marches, je m'incline respectueusement devant notre souveraine, en lui adressant ces mots :

- Je vous souhaite le bonjour, mère.

- Bonjour, ma fille, répond-elle de sa douce voix en me souriant tendrement. Savez-vous quel jour nous sommes ?

- Oui, c'est le jour de mon anniversaire.

- C'est exact. Aujourd'hui, nous fêtons vos douze printemps. Comme vous pouvez le constater, mon amie Éoline est venue assister à cet heureux événement.

- Bonjour, Harmonia, me dit cette dernière.

- Bonjour, lui adressé-je.

- Je te présente mon neveu Zéphyr. Il est désormais sous mon aile et c'est pourquoi il m'accompagne aujourd'hui.

- Bonjour, mademoiselle, me dit ce dernier avec un grand sourire.

Sa voix est si douce ! Je lui réponds aussitôt :

- Bonjour, Zéphyr.

- Maintenant que les présentations sont faites, que les festivités commencent ! déclare la reine à la longue chevelure rousse à l'intention de tous en tapant dans ses mains.

Aussitôt, l'orchestre commence à jouer un air enjoué. Ma mère s'adresse à nouveau à moi :

- C'est à vous d'ouvrir le bal, mon enfant.

Je hoche la tête et scrute tous les occupants de la salle, avant de me diriger vers Zéphyr. Il est la seule personne de mon âge en ces lieux et je souhaite que nous fassions plus ample connaissance. Je lui tends ma main et lui demande :

- Voulez-vous m'inviter à danser ?

- C'est avec plaisir que je le fais, répond-il en prenant ma main pour m'emmener sur la piste de danse.

Nous entammons une volte. Pendant que nous dansons, je lui demande :

- Comment se fait-il que vous ne soyez jamais venu ici auparavant ?

- Je vivais avec mes parents, dit-il avec une once de tristesse dans la voix, tandis qu'un voile sombre vient recouvrir ses yeux, mais ils sont tous les deux décédés. C'est alors que ma tante m'a pris sous son aile et comme elle ne veut plus me laisser seul un instant depuis cette tragédie, elle m'a emmenée avec elle aujourd'hui.

Il me fait tournoyer en l'air, puis me repose au sol comme le veut le protocole de la danse. Je sens mon coeur se serrer à l'écoute de son récit. J'ai déjà du mal à supporter l'absence de mon père, bien que je sais qu'elle n'est pas forcément définitive, alors je ne peux même pas imaginer ce que doit ressentir ce garçon en sachant pertinamment qu'il ne reverra plus jamais ses parents !

- Je suis vraiment désolée pour vous . . . lui annoncé-je d'une voix compatissante. Je vous présente toutes mes condoléances.

- Vous n'avez pas à être désolée, dit-il en me souriant. Vous n'avez rien fait de mal et je m'estime heureux d'avoir une tante aussi formidable que la mienne.

J'aime son optimisme. Je lui rends son sourire et nous continuons à danser en silence, nous contentant de nous regarder droit dans les yeux.

Une fois la volte terminée, nous échangeons une révérence. Je suis essoufflée, mais ravie ! C'était vraiment agréable et amusant de faire ces quelques pas avec un cavalier aussi agile. Cependant, la soif me pousse à m'éloigner en direction du buffet pour boire quelque chose.

La fête se poursuit. À midi, une fois le déjeuner avalé, on apporte le gâteau d'anniversaire en guise de dessert. Il comporte trois étages et est recouvert de pâte à sucre bleue et de crème blanche. Tous les invités chantent en choeur l'habituel refrain : "Joyeux anniversaire".

Une fois le silence revenu, je ferme les yeux pour formuler mon voeu dans mon coeur :

"Je souhaite que cette maudite guerre cesse à tout jamais !"

Je les rouvre ensuite et souffle les douze bougies d'un coup. J'ai toujours eu un bon souffle.

Le gâteau est coupé et partagé entre les différentes personnes présentes. Nous mangeons et nous rendons ensuite dans les jardins où nous assistons à une pièce de théâtre. Tous les invités rient aux blagues et aux farces des comédiens, mais je ne me joins pas à eux. J'ai le coeur trop lourd pour rire à ces futilités et je ne comprends d'ailleurs pas comment ces gens peuvent s'amuser aussi insouciemment alors que leur roi risque actuellement sa vie pour défendre notre royaume !

Je soupire et ferme les yeux pour tenter de me détendre, en vain.

Une fois le spectacle terminé, nous applaudissons les acteurs qui ont malgré tout été excellents et retournons à l'intérieur du château pour occuper les salons publics. Certains retournent danser, tandis que d'autres jouent aux cartes, aux dames ou encore aux échecs.

Je dispute quelques parties, mais les râte toutes à cause de mon manque de concentration. L'une des courtisanes s'exclame en riant, sur le ton de la plaisanterie :

- Que vous arrive-t-il, Votre Altesse ? Vous qui êtes si douée pour ces activités, d'ordinaire !

Je fronce les sourcils. Comment ose-t-elle se moquer ouvertement de moi ? !

Je lâche les cartes et dis, en essayant de maitriser ma voix pour ne pas laisser transparaitre mon mécontement :

- Je ne me sens pas d'humeur à ces jeux. Affrontez quelqu'un d'autre, je me contenterai de vous regarder faire.

Elle acquiesce et entamme une autre partie contre un noble.

C'est ainsi que la journée prend fin. Les courtisans et courtisanes retournent tous dans leurs appartements pour se reposer. De mon côté, je me rends dans les jardins et marche jusqu'à atteindre le bord du lac.

Je contemple le soleil qui se couche à l'horizon, teintant le paysage de sa magnifique couleur doré-orangé et faisant briller l'eau de mille feux.

Cependant, je ne parviens pas à profiter de ce spectacle que j'admire habituellement. Je ne peux pas penser à autre chose qu'à celui qui m'avait promis d'être là, mais n'a pas tenu sa parole.

La tristesse et la décepetion qui m'ont habitée toute la journée se changent en colère. Je serre mes poings et fronce les sourcils.

- Pourquoi ? ! Pourquoi ? ! Pourquoi ? ! m'exclamé-je, folle de rage, en lançant des flammes dans tous les sens.

- Vous ne devriez pas employer votre maitrise du feu à tort et à travers, vous risquez de mettre le feu aux jardins, m'interrompt une voix féminine.

Je me retourne pour faire face à Madame Delaigue, la dame d'honneur de ma mère. Elle me demande :

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Cela ne vous concerne pas ! Laissez-moi tranquille !

- Décidément, lâche-t-elle en poussant un soupir, vous ressemblez de plus en plus à notre reine.

- Pourquoi n'est-il pas rentré ? Il me l'avait promis !

- C'est donc cela qui vous met dans tous vos états . . .

- Est-ce que vous pensez qu'il est . . . demandé-je d'une voix tremblante.

- Non, ne dites pas cela, voyons ! Notre roi est fort et courageux. Il s'est déjà sorti de bien des situations périlleuses. Il reviendra, j'en suis sûre. Soyez juste plus patiente.

- J'ai déjà patienté suffisament ! Je l'ai attendu pendant des mois et il n'est toujours pas rentré, c'est injuste ! Il devait être là, à mes côtés, pour fêter mon anniversaire avec moi ! Il me l'avait promis !

Je sens les larmes me monter aux yeux. La duchesse pose une main réconfortante sur mon épaule et me dit d'une voix douce :

- Allons voir Sa Majesté la reine.

Je la laisse me conduire jusqu'aux appartements de notre souveraine. En voyant mon air triste, cette dernière me demande :

- Qu'avez-vous donc, mon enfant ?

- Il n'est toujours pas rentré, dis-je en me jetant dans ses bras pour éclater en sanglots.

Elle me serre contre elle en murmurant :

- Calmez-vous, Harmonia. Je suis sûre qu'il sera bientôt de retour.

- Il m'avait promis qu'il rentrerait pour mon anniversaire, mais il ne l'a pas fait ! Vous m'avez pourtant dit qu'il tenait toujours ses promesses ! Alors, cela voudrait dire . . .

- Non, je vous interdis de penser cela ! Ayez donc confiance en votre père. Il reviendra, je vous le garantis.

Elle semble si sûre d'elle, avec ses épaules et son menton maintenus droits en toutes circonstances, sa longue chevelure de feu soigneusement coiffée et ses yeux noirs où brille toujours une lueur de tendresse lorsqu'elle les pose sur moi. Elle est si élégante dans sa longue robe bleue aux dentelles blanches et aux broderies d'argent ! Les bijoux et la couronne argentés, incrustés de saphirs et de lapi-lazulis, qu'elle porte la font briller de mille feux ! J'admire son assurance et son courage. Je sais qu'il lui manque à elle aussi et, pourtant, elle tient bon. Je me dois d'être aussi forte qu'elle !

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