Je t'ai(me) perdue
Aujourd'hui, j'ai le coeur lourd...
Lourd de mots que je n'arrive pas à choisir, de pensées qui se mélangent dans ma tête. J'oscille entre tristesse et colère. Je ne sais même plus si je suis triste pour moi ou pour toi. Alors, ne pouvant dire, je choisis d'écrire. Ne sachant comment tu le vivrai, ne souhaitant pas te blesser, ne voulant pas être blesser par ton imprévisible réponse ou absence de réaction, j'écris ici anonymement. Je ne t'écris finalement pas à toi, juste à ton ombre, et c'est peut-être parce que c'est cela, ma vérité avec toi, maintenant... un dialogue d'ombres.
Aujourd'hui, mon amie, je pense à toi, à celle que tu étais, à ce que nous avons partagé. Je te connais depuis que j'ai cinq ans, nous avons grandi côte à côte, perdu de vue à l'adolescence, retrouvé dans les études supérieures. Enfant, nous avons inventé nos propres jeux, nous avons aimé lire, dessiner. Jeunes étudiantes, nous avons appris, révisé, maturé. Ensemble, nous avons traversé le monde, je n'ai jamais eu un binôme de voyage avec laquelle tout était aussi fluide. Je t'appelai ma soeur, car tu étais cette soeur que j'aurai aimé avoir.
C'est un crève coeur de ne plus pouvoir le dire car je ne le pense plus, je ne le peux plus.
Ces dernières années, j'ai construit ma vie, finit mon internat, pris un poste dans une spécialité complètement opposée à la tienne, rencontré mon futur mari, eu un bébé, acheté une maison. Comme beaucoup j'ai surmonté des épreuves, des difficultés, j'ai appris à grandir, à me remettre en question, à changer, à prendre les choses en main. Et j'ai l'impression qu'à chaque avancée de ma part, je te déchirais le coeur, je t'éloignais de plus en plus. J'ai sûrement des tords, je t'ai sûrement déçu. J'en suis désolée. J'ai essayé longtemps de maintenir le lien, de te rassurer, de te prouver mon amitié. Mais je crois qu'après une amitié vieille d'une trentaine d'années, je ne devrais pas avoir à prouver que je tiens à toi. Je ne devrais pas m'excuser d'avoir faire des choix dans ma vie, d'avoir pris des risques pour avoir ce que je pensais bon pour moi.
Et pourtant, j'ai l'impression que c'est ce que tu me demandes, de te prouver continuellement que j'ai besoin de toi, que je m'intéresse à toi. Ces derniers temps, le premier pas ne vient que de moi, les questions ne portent que sur toi, et tes réponses restent vagues. J'imagine que tu ne peux ou ne veux plus te confier à moi. Toi aussi, tu as construit ta vie, tu t'es fait de nouveaux amis, mais tu as oublié les anciens. J'ai l'impression que, comme avec d'autres, tu souhaites partir sur la pointe des pieds, tu souhaites que je le dise, que je te rejette pour pouvoir te complaire dans cette image de "vilain petit canard". Et je n'ai pas envie de te faire ce cadeau. Peut-être que je ne suis pas prête à te laisser sortir de ma vie. Peut-être aussi que je pense que ce ne serait pas bénéfique pour toi de rester dans cette vision du monde alors que de mon point de vue, tu orchestres cette sortie de scène.
Alors voila, c'est nul, c'est triste. J'ai perdu ma soeur, mon amie. J'ai perdu une partie de mon enfance. J'ai l'impression que la personne que tu es devenue n'a plus rien à voir avec celle que j'ai connu, j'ai l'impression d'avoir un deuil à faire de quelqu'un qui n'est pas mort.
Je t'aime et je t'ai perdu.
Annotations
Versions