L’effet de choc et la tension

4 minutes de lecture

Dune

Cowboy Bebop

Demon Slayer : Le Train de l’infini



« Nous sommes en train de parler et il y a peut-être une bombe sous cette table et notre conversation est très ordinaire, il ne se passe rien et tout d’un coup : boum, explosion. Le public est surpris, mais avant qu’il ne l’ait été, on lui a montré une scène absolument ordinaire, dénuée d’intérêt. Maintenant examinons le suspense. La bombe est sous la table et le public le sait, probablement parce qu’il a vu l’anarchiste la déposer. Le public sait que la bombe explosera à une heure et qu’il est une heure moins le quart – il y a une horloge dans le décor ; la même conversation anodine devient tout à coup très intéressante parce que le public participe à la scène. Il a envie de dire aux personnages qui sont sur l’écran : « Vous ne devriez pas raconter des choses si banales, il y a une bombe sous la table et elle va très vite exploser. » Dans le premier cas, on a offert au public quinze secondes de surprise au moment de l’explosion. Dans le deuxième cas, nous lui offrons quinze minutes de suspense. La conclusion de cela est qu’il faut informer le public chaque fois qu’on le peut, sauf quand la surprise est un « twist », c’est-à-dire lorsque l’inattendu de la conclusion constitue le sel de l’anecdote. » Tiré de Hitchcock/Truffaut (première édition : 1966)


 Vous pourriez être tentés, d’utiliser dans vos combats un effet de surprise. Quelque chose d’inattendu qui, à n’en pas douter, marquera vos lecteurs. Cela peut-être la mort d’un personnage, par exemple, ou pourquoi pas une véritable explosion ? Mais avant cela, posez-vous une question : est-ce que la surprise est ce qui convient le mieux à cet élément narratif ?

 La question est un peu longue, je sais. Ce que j’entends par là, c’est qu’un nouvel élément peut gagner à arriver brutalement, mais il peut aussi être plus percutant si on annonce à l’avance ce qu’il va se passer.


 Un bon exemple de ça, c’est dans Dune. Je vais reprendre le même exemple que dans le chapitre sur la tension au court d’un combat, je vous épargne donc le contexte. Dans le livre, l’identité du traître est connue. On a son point de vue, donc ses raisons, mais aussi le point de vue de ses amis qu’il s’apprête à trahir et qui, parfois, s’approchent dangereusement près de la vérité. Cela crée une tension énorme. On ne veut pas qu’il soit découvert parce qu’on a de l’empathie pour lui ; mais en même temps il faut qu’il le soit, sinon les Atréides sont condamnés. Il y a une scène de discussion où un personnage comprend que le traître lui ment. Mais elle se dit que ça ne doit pas être très important et qu’elle est trop méfiante !

 Dans le film Dune réalisé par Denis Villeneuve, on ne sait pas qui est le traître. De mémoire, on ne sait même pas qu’il y en a un. Lorsqu’il se dévoile, ça crée de la surprise, un effet de choc. Mais cet effet de choc est infiniment moins fort que la tension du livre, construite sur des centaines de pages.


 Dans l’animé Cowboy Bebop, un chef-d’œuvre que je vous recommande plus que chaudement de voir, on apprend dans le dernier épisode que l’un des personnages va mourir. Je vais essayer d’en dire le moins possible parce que, vraiment, regardez cette série. Toujours est-il que l’on sait qu’il va mourir, d’autant plus qu’à ce moment de l’histoire, sa mort est tout à fait cohérente narrativement. Ses amis passent un dernier moment avec lui, mais on sent que quelque chose n’est plus pareil. Puis il part affronter son némésis et meurt à la fin de l’épisode. Parce qu’elle était attendue et préparée, la mort de ce personnage est plus marquante que si elle avait été un simple effet de choc.

 Cela n’a pas besoin d’être aussi explicite que dans le dernier épisode de Cowboy Bebop. Dans Demon Slayer : Le train de l’infini, par exemple, le duel entre Rengoku et Akaza compte plusieurs pauses pendant lesquelles Akaza (un démon) supplie Rengoku (un tueur de démon) de renoncer à son humanité pour devenir comme lui. Il argumente à propos de ses blessures qui se referment immédiatement, là où son adversaire est blessé et épuisé. On a envie de croire à la victoire de Rengoku, mais lorsque le combat reprend on voit bien qu’il est surpassé. Il donne tout ce qu’il a pour faire jeu égal avec Akaza qui semble simplement s’amuser. Lorsque Akaza porte finalement un coup fatal à son adversaire, on a tout de même un effet de choc. Mais avant de mourir, Rengoku a le temps pour un flash-back, un dernier moment de bravoure et enfin une agonie pleine d’émotion. Si l’effet de choc peut-être marquant, ce qui fait pleurer les spectateurs ce sont ces derniers moments d’émotion durant lequel le personnage agonise. Vous pouvez également partir d’une mort plus instantanée et créer de l’émotion à partir du deuil des autres personnages.

 Quoiqu’il en soit, l’effet de choc ne sera à mon avis jamais aussi impactant que les émotions qui suivent ou précédent l’événement concerné.


 Si vous souhaitez utiliser un effet de choc, en tuant un personnage brutalement pour rester sur cet exemple, n’oubliez pas que le plus intéressant n’est pas la mort d’un personnage mais la réaction de ses compagnons. Comment la dynamique du groupe va-t-elle évoluer ? Comment vont-ils gérer leur deuil, individuellement et collectivement ? Auront-ils seulement le temps de le faire, ou devront-ils fuir, par exemple ?

 Et prenez de préférence un personnage qui avait encore plein de trucs à vivre ; n’hésite pas d’ailleurs à le rappeler. Sa mort n’en sera que plus choquante.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire PM ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0