Petite considération morale

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   François Truffaut, un éminent critique de films et cinéaste de la Nouvelle Vague, a déclaré (et je le cite sans avoir pu retrouver la citation exacte) qu'il était impossible de réaliser un film anti-guerre. Vous trouverez probablement cela exagéré, mais ce qu'il voulait dire par là, c'est que le cinéma est par nature un art du sensationnalisme. Songez à un film de guerre, et les images qui vous viendront en tête seront très probablement celles de charges héroïques, d'explosions impressionantes ou bien de héros forts et courageux luttant au péril de leur vie. Le truc, c'est que toutes ces choses sont sensationnelles et c'est justement le problème. Pour le dire autrement, la guerre, au cinéma, c'est cool. Or, comment faire un film qui dénonce véritablement la violence quand celle-ci est sympathique à regarder ? Peut-être faut-il alors ne pas la montrer, mais dans ce cas on quitte le genre du film de guerre.

  Si je parle de ça, c'est pour amener une réflexion à laquelle je n'ai pas de réponse, concernant la représentation de la violence en fiction. C'est un point qui réapparaît plus loin dans cet essai, mais dont je souhaitais parler dès maintenant. Pour l'immense majorité d'entre nous, la violence, c'est mal. Certes, il y a bien quelques cas où elle peut être justifiée, en particulier s'il faut se défendre contre une personne (ou une nation !) violente, mais cela n'enlève rien à l'horreur des combats. Moi le premier, la violence, quelle qu'elle soit, me dégoûte profondément. Pourtant, j'ai adoré revoir Kill Bill il y a quelques mois, j'ai beaucoup aimé lire la bataille de Brenna décrite dans le tome VII de la saga du Sorcelleur et plus encore celle qui rythme la seconde moitié du cinquième tome de Dune. La violence, j'y consacre même un essai entier !

  Pourquoi ? Sans doute parce que la violence, aussi abjecte soit-elle, est fascinante pourvu que l'on n'y soit exposé que dans le cadre rassurant d'une fiction. Il y a la tension dramatique, la peur pour nos personnages préférés, cette dose de sensationnel... Et puis, on peut souvent se rassurer en se disant que ceux contre qui luttent les héros sont des monstres, au sens propre comme au figuré. Ce dragon n'a pas d'âme, seulement un appétit insatiable, le tuer sert au bien commun, sans cela il aurait lui-même fait des centaines de victimes supplémentaires. Sans doute. Mais les dragons n'existent pas, en vrai. Dans notre monde, le mal pur existe peut-être, mais ceux qui meurent sont plus souvent les soldats recrutés de force que les dictateurs diaboliques.

  J'ignore si des travaux scientifiques étudient cette fascination, toujours est-il qu'elle existe. On pourrait aussi parler du jeu vidéo et du jeu de rôle qui, bien sûr, ne rendent pas violent mais permettent pour certains d'exercer de la violence plus ou moins justifée. On sait que cette violence n'existe pas, que ce n'est qu'un jeu, mais on peut y prendre du plaisir malgré tout. Alors peut-être qu'on a besoin d'une soupape de décompression pour mieux supporter les colères et frustrations du quotidien, peut-être qu'on est naturellement sujet à la violence, peut-être qu'il y a une autre explication, je l'ignore. Mais cela me questionne.

  À travers ce chapitre, j'aimerais vous questionner aussi. Que pensez-vous de la violence dans notre monde ? Et en fiction ? La représentez vous dans vos histoires ? Pourquoi ? Et, si oui, comment ? Pensez-vous que votre choix de décrire ou non de la violence, et la façon de le faire le cas échéant, est politique ?

  Il ne s'agit absolument pas de vous faire la morale. Comme je l'ai dis, je n'ai moi-même pas de réponse à apporter, pas de méthode pour décrire la violence en étant certain de ne pas la romantiser. Juste des questions à vous partager.

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