Chapitre 21 : Mémoires d'une masseuse érotique, partie I

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Allongées l’une sur l’autre, elles s’en donnent à cœur joie. Caresses, baisers, frottements, le lit se transforme rapidement en étuve à mesure que les deux femmes s’offrent l’une à l’autre. Soupirs d’extase et râles de jouissance couvrent le fond musical de la radio. Leurs bouches se cherchent, avides de sensations connues, de rappels du passé, de cette époque où elles entretenaient régulièrement des contacts charnels vibrant de sensualité.

— Pourquoi on avait arrêté déjà ? demande une Manuella essoufflée.

— Parce qu’on en avait marre. Et puis notre vision divergente de la vie a commencé à nous séparer... toi la cartésienne, moi la rêveuse.

— Ouais mais pour le cul, on est quand même synchros.

— C’est certain, confirme sa complice en riant. Il y aussi eu la période où tu étais avec Christian, et lui, dans le genre taré, tu as donné.

Manuella acquiesce.

— T’as raison. Je devrais arrêter les keums et devenir lesbienne à temps complet. Mais il n’y que toi qui me fait cet effet-là. Surtout quand tu es enceinte, je dois dire que tu es particulièrement... enivrante.

Gwendoline sourit, flattée. Elle se laisse entreprendre par une Manuella des plus impatientes, dont le désir se lit ouvertement à travers ses yeux azur, lorsqu’elle se dirige entre les cuisses de son amie. Gwendoline s’abandonne, savourant les délicats coups de langue sur son intimité. Après maintes assauts, caresses et embrassades, toutes deux reprennent leur souffle, serrant leurs corps humides l’un contre l’autre.

— J’aime tellement quand tu jouis, déclare Manuella au creux de son oreille. J’espère que Rambo te baise bien. Ce serait malheureux de gâcher le plaisir d’une si belle femme.

— Erwann sait y faire, je te l’ai déjà dit. Même avant notre première nuit, il me donnait déjà des orgasmes à la pelle. Mais toi, ma beauté, où va-t-on te trouver ce spécimen rare qui te traitera enfin comme tu le mérites ?

— Je ne sais pas. Je n’y crois plus. Trop d’échecs, trop de ratés.

Gwendoline s’en attriste et le lui dit. Certes, Manuella n’a jamais rencontré le prince charmant, mais tout peut arriver. Gwendoline y croit. Les hommes intéressants, généreux et attentionnés existent, renchérit-elle. Et celui-ci doit se terrer quelque part, à attendre lui aussi de trouver son âme sœur, sa moitié. Elle encourage son amie à persévérer et à garder l’espoir, même si tout semble perdu, même si les chances de réussite semblent décroître avec les années. Il suffit d’un, d’un seul, le bon, l’unique, celui qui saura la combler, corps et âme, la comprendre sans lui parler, l’aimer sans vouloir la changer. Il est là, peut-être tout près d’elle, et qui sait, dans un futur proche, débarquera enfin celui dont Manuella a toujours rêvé.

— Je ne sais pas pourquoi, mais je le sens, confie Gwendoline. Je sens que ça va arriver, que bientôt, ton cher et tendre va pointer le bout de son nez.

Manuella l’embrasse et la remercie pour toutes ces bonnes ondes à son encontre. Dans les bras l’un de l’autre, elles s’assoupissent sans s’en rendre compte, bercées par le bruit de la pluie qui vient se jeter contre les volets.

Deux heures plus tard, Gwendoline ouvre les yeux et se lève, nauséeuse. Elle titube légèrement jusqu’au rez-de-chaussée et leur remonte du café et des viennoiseries. Puis se glisse à nouveau sous la couette après avoir déposé son plateau sur la desserte à côté de son bureau. Manuella ouvre un œil.

— J’ai fait un rêve... oh la la... J’étais en train de pisser sur un keum !

Sa comparse éclate de rire.

— Je t’ai traumatisée avec mes histoires de Golden Shower.

— Ben y a de quoi quand même ! s’esclaffe son invitée. C’était quand même un peu hors-norme ce que tu faisais pour gagner ta vie. D’ailleurs... ça te fait pas bizarre d’avoir tout arrêté, presque du jour au lendemain, après treize ans de bons et loyaux services ?

Réfléchissant un instant à la question, Gwendoline se rallonge à ses côtés et replonge doucement dans les longues années durant lesquelles elle s’était adonnée à sa trépidante activité de masseuse érotique.

— Bizarre, non. Je n’ai aucune envie d’y retourner mais je ne regrette pas non plus ce qui s’est passé. Déjà, parce que cela m’a permis d’avoir un super train de vie tout en étant libre de vivre comme je l’entendais. Et ensuite, parce que certains clients m’ont parfois été d’une aide précieuse.

— Ah oui ? Comment ça ?

Si la majeure partie des hommes qui sont passés dans son lit ont été évincés de sa mémoire aussi vite que s’ils avaient été balayés par un gros coup de vent, d’autres resteront gravés en elle à n’en pas douter pendant encore longtemps.

— Je ne sais pas avec combien d’hommes j’ai couché, mais au vu de mon répertoire téléphonique, ça doit se compter en millier. Il n’y en a pas tant que ça qui m’ont marquée, évidemment, juste une petite poignée, on va dire.

Gwendoline évoque le souvenir de Karim. Elle l’avait rencontré quelques mois après la naissance de sa fille, lorsqu’elle avait repris le travail après un congé maternité de deux ans. Elle se souvient qu’à cette période, elle se sentait très vulnérable en enfilant de nouveau ses tenues affriolantes. Fagotée ainsi, elle était mal à l’aise en réendossant ce rôle de femme hypersexuée, alors qu’elle venait à peine de mettre au monde une nouvelle vie innocente.

— Pourtant tu avais retrouvé la ligne, lui fait remarquer son amie.

— Ce n’était pas le problème. J’avais encore toutes ces hormones de maternité qui me contrôlaient et qui étaient amplifiées par l’allaitement. Mes seins étaient énormes, mais pour moi, ils n’étaient pas destinés aux hommes, mais à la nourriture de ma fille et cela était vraiment perturbant. Pour reprendre le boulot, je devais faire un gros effort d’adaptation et prendre sur moi pour accepter qu’on me touche encore, notamment la poitrine. J’avais l’impression que mes clients volaient quelque chose à mon bébé.

Manuella acquiesce, imaginant sans mal cette impression de dédoublement qu’avait pu ressentir son amie, bien qu’elle ne l’eût jamais expérimentée.

— Je n’étais pas prête à retourner bosser mais je me suis forcée. Après mon congé, on était vraiment à sec.

Pour Gwendoline, depuis l'annonce de sa grossesse, son bébé était devenu son épicentre et sa priorité absolue. Voilà pourquoi elle avait arrêté son travail dès le début du premier trimestre et avait tant tardé à reprendre après la naissance de sa fille. Mais l’argent était venu à manquer et elle avait été contrainte de recommencer les rendez-vous lorsqu’Emma avait plus d'un an. Elle aurait voulu ne jamais avoir à la quitter mais leur situation financière avait contrarié son désir de pouponner.

— C’est vrai que ton ex n’était pas plus dégourdi pour ramener du fric à la maison que pour changer une couche, soupire une Manuella pleine d’empathie.

— Quoi qu’il en soit, Karim m’a beaucoup aidé à ce moment-là, lors de ma reprise. Il m’a, en quelque sorte, redonné goût à mon métier. Il m’a redonné confiance en moi.

— Ah oui ? Comment ? interroge Manuella en caressant du bout des doigts la poitrine de son amie.

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